8.2.1.1.Premier axe de travail : sécurité et gestion des crises

Le premier axe de travail concerne le thème de la sécurité et l’étude d’un dispositif de gestion des itinéraires transalpins en cas de crise. Les accidents, qui ont été à l’origine de l’affirmation de cette problématique à l’agenda politique, ont mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures (souvent anciennes) de franchissement routier et ferroviaire ainsi que la fragilité de la chaîne alpine lorsqu’elle est confrontée à des interruptions sérieuses de trafic sur des itinéraires transeuropéens ou transrégionaux importants. Sur la base du constat de l’existence d’une forte interdépendance entre les différents points de passage qui génère des problèmes de gestion des flux détournés lors de la fermeture d’un tunnel ou d’un accès en cas d’accidents, les pays alpins ont alors convenu d’étudier entre eux un plan d’information et de gestion des itinéraires transalpins en cas de fermeture prolongée de l’un des itinéraires, afin de mieux anticiper les reports de trafics possibles et de mettre en place les mesures appropriées. Ce travail est conduit sous présidence suisse, avec la participation active de la Direction de la sécurité et de la circulation routières française. L’objectif poursuivi dans le cadre de ce groupe de travail est de dépasser la situation - actuellement encore en vigueur - dominée par la présence de dispositifs binationaux de gestion des crises, afin mettre en place un dispositif unique et multilatéral, « une sorte de bison futé à l’échelle alpine », selon les paroles de l’ancien ministre des transports français D. Perben113, devant permettre la coordination des interventions des pays, d’assurer une information rapide des transporteurs et de minimiser les inconvénients pour les populations.

Dans le cadre plus général de la sécurité routière, le Groupe de Zurich a apporté une contribution active à la définition des dispositions contenues dans la directive européenne sur la sécurité dans les tunnels routiers, parue en avril 2004114. Les accidents survenus dans les grands tunnels alpins à la fin des années 1990 trouvent également une place importante dans l’argumentaire de la Commission européenne, qui depuis son Livre Blanc sur les transports de 2001 a fait de la sécurité dans les tunnels et de l’harmonisation des normes en la matière l’un des objectifs principaux de sa politique des transports. La directive de 2004 est le produit de cet engagement. Les mesures qu’elle fixe consistent en un ensemble de normes de sécurité minimales, harmonisées pour tous les tunnels de plus de 500 mètres de longueur faisant partie du réseau routier transeuropéen. Actuellement, la Commission se propose d’engager un travail similaire pour les tunnels ferroviaires alpins et d’étudier par ailleurs des mesures pour le développement de l’usage d’équipements d’assistance à la conduite et d’équipements de sécurité, pour le développement de la formation au permis de conduire par l’insertion du thème de la circulation dans les longs tunnels… La politique européenne en matière de sécurité s’inspire de l’approche systémique adoptée par les pays alpins, visant à intégrer dans une politique unique et coordonnée, parmi les différents acteurs, les trois composantes de la conception générale de l’ouvrage et des équipements, de la surveillance et supervision en temps réel de l’infrastructure en exploitation et, enfin, de la gestion du trafic.

Tant au niveau alpin qu’au niveau européen, le thème de la sécurité des transports se configure comme un élément central dans l’affirmation de l’objectif de la coordination des mesures envisagées. A l’échelle des Alpes, comme nous l’avons vu, les accidents routiers dans les tunnels alpins ont joué un rôle majeur dans l’affirmation d’une vision systémique de l’arc alpin, qui repose sur le concept d’« unicité » de la problématique du trafic transalpin. Ce dernier exprime l’idée que non seulement les pays alpins se retrouvent à partager des problèmes communs (fragilité des passages, rigidité du système de franchissement alpin, coûts plus élevés…), mais surtout que la plupart de ces problèmes ont une origine unique, c’est-à-dire un manque de coordination des mesures mises en place dans le cadre de la gestion des flux à l’échelle de l’ensemble de l’arc alpin, comme les situations de crise l’ont rendu évident et les études réalisées par le groupe de travail « Gestion et régulation du trafic routier » ont permis d’approfondir (8.2.1.2). Ainsi, à partir du moment où tous les pays prennent conscience de l’unicité de la problématique transalpine et déclarent leur volonté d’abandonner une logique de gestion des trafics « passage par passage » ou « pays par pays », qui ne produirait que des reports des flux d’un itinéraire à l’autre, s’impose la nécessité de concevoir des nouvelles méthodes de gestion, à mettre en place dans le cadre de cette coopération. C’est dans cette optique que nous pouvons interpréter l’engagement des pays alpins sur le thème de la sécurité et leur volonté de s’inscrire dans le processus décisionnel et les opportunités ouverts par la Commission européenne à l’occasion de l’élaboration d’une nouvelle directive en matière.

L’entrée des pays alpins dans le processus décisionnel européen se joue ainsi autour de deux éléments. En premier lieu, elle repose sur la création du Groupe de Zurich, qui a lieu à la même époque de la publication du Livre Blanc. L’existence de cette nouvelle instance a permis aux pays alpins de participer unis à la discussion européenne, en incluant la Suisse dans les débats et dans la prise des décisions, et d’atteindre, ainsi, une taille critique plus importante pour faire peser leurs exigences en Europe. Ensuite, elle est à mettre en relation avec la proximité de principes affichés et avec l’apport à l’argumentaire européen que les pays alpins ont été en mesure de fournir : à l’affirmation de principe de la part de la Commission de la nécessité d’harmonisation, les pays alpins ont ajouté des exemples concrets, avec lesquels ils ont démontré les risques pratiques engendrés par un manque de coordination. En faisant valoir leur expérience et connaissance en matière de tunnels, enfin, les pays alpins ont pu avoirs un impact important sur le développement de la politique européenne de sécurité dans le transport de fret, en influençant en particulier les décisions arrêtées dans le cadre de l’élaboration de la directive sur les tunnels routiers.

Notes
113.

Discours à la presse de Dominique Perben, ministre français des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer et président tournant du Groupe de Zurich, lors de la 3ème Conférence des ministres des transports de l’Arc alpin à Lyon le 20 octobre 2006.

114.

Directive 2001/54/CE du 29 avril 2004.