8.2.1.3.Troisième axe de travail : la connaissance de la mobilité en zone alpine

Le dernier axe sur lequel travaille le Groupe de Zurich concerne la connaissance et l’étude des trafics alpins. Le déroulement des travaux dans ce domaine a été confié au groupe « Mobilité en zone alpine », qui opère depuis 2001 sous présidence italienne.

Dans le chapitre précédent, en parlant des évolutions du dispositif CAFT et du processus concernant son élaboration (7.4), nous avons souligné comment l’inscription de cette enquête dans le cadre des travaux du Groupe de Zurich a été conçue dans une optique précise d’appropriation du dispositif à l’échelle alpine et européenne. Cette appropriation s’est faite à travers un parcours d’élargissement progressif du groupe d’acteurs impliqués dans la réalisation, vérification et validation de l’enquête. Toutes ces phases ont demandé, comme nous l’avons vu, des nombreuses négociations pour l’approbation des méthodes d’observation et de sondage, de la validité des échantillons, des bases de données de référence pour le redressement des observations au total des trafics, des résultats… Ces débats techniques ont produit, plus encore qu’une évolution au niveau technique du dispositif, un accord politique à l’échelle alpine. C’est donc à ce propos que nous avons observé que l’inscription de CAFT au sein du Groupe de Zurich a joué un rôle important dans la transformation de cette initiative d’une collaboration purement technique en une coopération politique. Obtenir un accord sur les bases de données utilisées pour analyser la situation alpine, pour expliquer les facteurs déterminants des évolutions des trafics et pour évaluer les impacts des mesures envisagées, peut être considérée à ce titre comme un préalable nécessaire à l’engagement des négociations politiques dans les deux autres axes de travail du Groupe de Zurich.

Ainsi, les évolutions politiques que nous venons d’analyser dans le cadre des deux domaines de la sécurité et de la régulation des trafics sont à mettre en relation avec l’avancement des travaux sur la mobilité en zone alpine, non seulement avec les progrès accomplis en termes de connaissance et de compréhension des logiques de trafic, mais surtout avec les acquis de la concertation autour du dispositif et des données produites. L’importance de cette étape consacrée à l’appropriation et à l’acceptation des outils techniques peut expliquer la décision d’en confier la présidence et supervision à l’Italie. Ce choix repose sur une logique d’équilibres internes au Groupe de Zurich et de recherche de réduction des conflits : l’attribution de la conduite des négociations relatives au dispositif au pays le plus conflictuel et distant par rapport aux objectifs de la politique alpine des transports, témoigne de l’importance accordée au consensus sur les outils techniques afin d’atteindre des objectifs politiques. Les choix de répartition des rôles et des compétences opérés au sein du Groupe de Zurich font donc dépendre la mise en place d’une politique alpine des transports de l’existence d’un accord sur les bases statistiques de référence.

C’est aussi pour cette raison que la recherche d’un accord partagé a été considérée prioritaire par rapport au développement technique des outils. A ce jour, les avancées produites dans le domaine de la connaissance de la mobilité alpine au sein du Groupe de Zurich se limitent au champ de la mesure et de l’observation des flux de marchandises. Le groupe de travail sur la mobilité en zone alpine a travaillé jusqu’en 2006 uniquement sur la mise au point et, puis, sur la validation de l’enquête CAFT 2004, qui a provoqué de nombreux conflits et demandé plusieurs révisions. Ainsi, le projet d’une partie des membres du groupe de travail et, en particulier, de la Mission des Alpes française de faire avancer le débat lors de la présidence française du Groupe de Zurich, en proposant comme thème de discussion commune l’harmonisation des prévisions de trafic à l’échelle alpine à travers une confrontation des perspectives de trafics des quatre grands tunnels de base (Brenner, Lötschberg, Saint Gothard, Lyon-Turin), n’a pas pu se concrétiser. Aujourd’hui, la construction d’une vision partagée et d’une connaissance commune de la mobilité alpine reste confinée au cadre du transport de marchandises et à la mesure des trafics existants, le thème des évolutions suscitant encore trop de controverses et de conflits d’intérêt tant entre les pays qu’à l’intérieur de chacun, notamment dans le cadre des décisions en matière d’infrastructure de transports.

Face à cette difficulté à avancer sur un plan technique, on pourrait se demander si cela ne constitue pas un point de faiblesse dans l’avancée de l’espace politique alpin des transports, un manque de vision d’avenir commune, qui risquerait de miner par la suite les marges de manœuvre de cette forme de coopération transnationale et ses possibilités de continuer à exister. En même temps, l’observation des évolutions en matière de dispositifs de mesure et analyse des trafics montre bien que, finalement, la connaissance de la mobilité a été plus un outil de concertation et de construction d’un « langage » commun qu’un fin en soi.