9.2.2.…Unité d’action

Alpinfo et CAFT se succèdent dans la construction d’une représentation d’un espace unique des trafics. Cette représentation, fondée sur la « perméabilité » des différents points de passage du système des traversées alpines par rapport aux choix d’itinéraire des trafics, est à l’origine de l’« alpinisation » de la gouvernance des trafics transalpins. Cette étape consiste en la territorialisation au niveau de l’espace alpin de la gestion du problème. L’observation des interconnexions existantes entre les différents passages alpins alimente un discours politique consistant à affirmer que les évolutions globales de la demande de transport à travers les Alpes ne peuvent pas être maîtrisées au niveau local, ni même au niveau national. Ainsi, dans une optique de maîtrise contrôlée des flux, la représentation de l’arc alpin en tant que « système » préfigure une organisation différente du processus décisionnel. La nouvelle représentation d’un problème unique du trafic alpin légitime dès lors la configuration d’un nouveau cadre politique, territorialisé au niveau des Alpes : à l’affirmation de l’image géographique d’un « système arc alpin », créée par les données Alpinfo et CAFT, correspond, au niveau politico-institutionnel, la création du Groupe de Zurich. Largement motivée par des préoccupations de sécurité, suite aux accidents routiers qui, en plusieurs occasions, ont bouleversé le système transalpin, cette instance se configure désormais comme le lieu de l’élaboration et de la concertation alpine (limitée aux États toutefois) en matière de transports de marchandises. En effet, depuis 2001, le Groupe de Zurich s’occupe, parallèlement à la construction de la base de données CAFT, de l’étude et de la négociation des mesures politiques de report modal et de sécurité qui seront mises en place dans la région alpine. Toute décision politique dans le domaine des transports de fret à travers les Alpes passe désormais par ce dispositif institutionnel.

Par rapport à l’espace alpin européen ou à celui dessiné par la Convention alpine, où la présence d’un certain nombre de caractéristiques homogènes pouvait servir à justifier la mise en place d’actions spécifiques, la nouveauté de l’« espace alpin des trafics» du Groupe de Zurich réside dans la définition d’une entité unique, composée de territoires et de points de passage interconnectés et dépendant des caractéristiques des uns et des autres, ce qui légitime une action politique pan-alpine, conçue, négociée et mise en place au niveau des régions dont ce système se compose. C’est à partir de ce moment qu’il devient possible de parler d’un espace alpin des trafics, qui n’est plus uniquement à entendre d’un point de vue géographique, mais qui représente plus précisément un espace géopolitique, de discussion et d’analyse de problèmes communs et d’élaboration et planification de stratégies d’action coordonnées. La création du Groupe de Zurich représente donc le moment du passage d’une stratégie non coopérative à une stratégie coopérative, qui se traduit, au niveau des mesures politiques, par l’abandon d’une logique de report d’itinéraire et l’adoption d’une logique de report modal.