L’évolution vers un système de gouvernance multi-niveaux : les horizons futurs de l’espace alpin des transports

L’espace alpin est un exemple intéressant de coopération multilatérale, fondée sur des nouvelles capacités de défense de leurs intérêts de la part des États. Cette coopération permet à ces derniers de construire eux-mêmes une base d’entente entre des aspirations divergentes, sans faire systématiquement appel à une intervention communautaire dans la négociation et la résolution des conflits. En effet, malgré le caractère transfrontalier du massif alpin, qui place la question du transit comme un enjeu diplomatique sur lequel les États conservent la souveraineté, leur implication dans la question des transports à travers les Alpes n’a pas eu, jusqu’au début des années 2000, l’intensité qu’elle connaît aujourd’hui. Il faut reconnaître, alors, dans la montée de la préoccupation environnementale et dans l’irruption des questions de sécurité intervenues à la fin des années 1990, les éléments ayant marqué une véritable inversion de tendance. Ainsi, les événements de la fin des années 1990, notamment les accidents aux tunnels et la meilleure connaissance des flux et des logiques qui président aux choix d’itinéraire permise par le développement des outils d’observation des flux, amènent le processus décisionnel des politiques de transport alpines à évoluer à la fois vers une étape de concrétisation des mesures à mettre en place et vers l’affirmation d’un espace alpin des États en Europe. De ce point de vue, la situation de dialogue multilatéral créée par le Groupe de Zurich représente une avancée nette de l’espace alpin par rapport à une situation précédente dans laquelle les mesures politiques étaient conçues dans une logique « passage par passage », « pays par pays » ou, dans le meilleur des cas, sur la base d’un accord bilatéral.

A ce propos, il faut encore souligner que la construction de cet espace demeure un processus largement en évolution. Non seulement, la ré-implication, depuis 2006, de la Commission européenne dans cette démarche ouvre des nouvelles perspectives d’évolution, mais elle la transforme aussi, la faisant évoluer d’une initiative multilatérale en une initiative multi-niveaux, tendant à rétablir le principe de subsidiarité. En même temps, on assiste à la création d’un nombre croissant de structures de coopération transfrontalière à l’initiative d’acteurs politiques locaux qui témoignent de la volonté des collectivités locales, de part et d’autre des frontières des grands massifs, de s’engager dans la résolution de questions d’intérêt commun. Parmi ces questions, les transports et les problématiques relatives à la gestion des trafics acquièrent une place de plus en plus notable. L’accroissement de ces initiatives, en termes de taille et de compétences acquises, laisse entrevoir ainsi qu’une prochaine étape du processus de construction alpine consistera probablement dans l’affirmation d’une dimension locale et régionale de l’espace alpin. L’intégration de cette dimension dans la concertation actuellement menée par les États et la Commission européenne est sans doute le défi politique que devra relever l’espace alpin dans les années à venir. Permettra-t-elle l’aboutissement de la construction d’un système de gouvernance multi-niveaux de la gestion des trafics alpins ?