Les conditions de l’efficacité des outils de l’expertise technique dans les processus décisionnels…

Les trois exemples mentionnés ci-dessus à propos du recours à l’expertise technique et de son influence au sein du processus décisionnel du Lyon-Turin dessinent un parcours d’évolution dans l’usage des outils et des finalités qui leur sont assignées dans le cadre de l’élaboration d’une décision politique. Ce changement d’approche des outils d’aide à la décision retrace en partie l’évolution des réflexions théoriques menées au sujet de la rationalité dans la décision politique. Nous retrouvons, en effet, dans les nouveaux usages des études de trafic faits par l’observatoire italien et le groupe de travail « Report Modal » une façon différente d’aborder l’incertitude et de concevoir le travail d’expertise, qui renvoie aux conceptions du rôle des outils d’aide à la décision proposées par les différents paradigmes de la théorie du choix collectif. La nouvelle fonction attribuée aux outils d’analyse économique correspondrait ainsi plus aux conceptions de l’évaluation liées au paradigme de la rationalité limitée. Le passage d’une fonction d’évaluation analytique à des fonctions plutôt d’évaluation procédurale, mobilisatrice, voire explicative – selon les modèles proposés par les théories de l’évaluation que nous avons présentés en ouverture de cette thèse – est en quelque sorte l’une des marques de la capacité d’apprentissage qui caractérise l’histoire et l’évolution du projet Lyon-Turin. En reconstruisant son histoire, nous avons observé un projet en constante évolution, capable d’apprendre et d’intégrer les points critiques dans sa configuration. Cette capacité d’apprentissage et d’adaptation est aussi largement – du moins, en ce qui concerne les évolutions plus récentes – le fait de la reconsidération des finalités attachées aux outils d’aide à la décision et du repositionnement de ces derniers aux différentes étapes du processus décisionnel. Nous retraçons dans la suite les points de cette évolution, qui permettent d’identifier des conditions d’efficacité des pratiques d’expertise pour la prise de décisions.