c) L’autonomie et la pluralité de l’expertise

En effet, l’histoire du Lyon-Turin nous montre, à travers de nombreux exemples, comment le manque d’autonomie de l’expertise technique du politique a finalement exacerbé les critiques au projet, au lieu de renforcer sa défense face aux contestations. Il faut aussi observer que récemment, les résultats des simulations réalisées par la CIG ont pu sortir pour la première fois du cercle clos des relations internes entre LTF et la CIG, en intégrant l’observatoire italien et le débat commun de la growth machine. Ce changement est d’importance parce qu’il permet d’observer à quel point l’autonomie de l’expertise technique à l’intérieur du processus d’élaboration des décisions est une condition qui permet aux outils de l’économie des transports d’apporter des éléments nouveaux, d’alimenter le processus de production des décisions et, au-delà, d’enrichir le débat sur la politique des transports à mettre en œuvre dans les Alpes. Il est probablement naïf d’envisager une structure d’étude complètement indépendante du politique, néanmoins les événements récents de la discussion du projet nous montrent clairement que l’intégration, non seulement des résultats, mais aussi des hypothèses à la base des études dans un débat élargi est importante du point de vue de la réduction des conflits. D’une part, cette autonomie peut se construire en rendant davantage pluraliste l’expertise technique. L’expérience de partage de l’information, de discussion des hypothèses et de travail en commun mené entre des acteurs très différents au sein de l’observatoire Virano constitue un pas dans cette direction. D’autre part, une meilleure articulation entre les deux plans d’action de l’expertise technique et de l’expertise politique dans l’élaboration des décisions est également de nature à renforcer le dialogue sur le contenu et la mise en œuvre des décisions. C’est d’ailleurs ce que nous avons pu observer à travers l’exemple du Groupe de Zurich. En ramenant au sein d’une structure de travail et de réflexion unique l’activité technique de mesure et d’analyse des trafics, d’une part, et l’activité politique d’élaboration et de négociation des mesures pour les réguler, de l’autre, cette instance a permis des avancées importantes dans la concertation d’une politique des transports nouvelle et plus consensuelle à l’échelle de l’espace alpin. Elle a, comme l’observatoire Virano de son côté, rendu possible une meilleure appropriation des résultats et des controverses techniques par des acteurs qui ne défendent pas tous le même point de vue.