1.1. Les détenus connaissent un parcours familial instable avant même leur incarcération

Il paraît nécessaire de caractériser l’histoire familiale des détenus en reprenant les conclusions principales de l’enquête de l’INSEE, menée en 2002 et consacrée au parcours familial et social des détenus. Ces résultats reposent sur la passation d’un questionnaire auprès de 1 700 détenus. La richesse de ce travail réside dans la pluralité des dimensions de la vie familiale abordées. Elle résulte aussi de sa dimension comparative, l’étude mettant en lumière les spécificités des parcours familiaux des détenus au regard de l’ensemble des « autres hommes ».

L’histoire familiale des détenus est d’abord marquée par des ruptures. Les détenus ont une vie conjugale plus instable et plus précoce que les hommes libres29. Ils sont aussi plus souvent sans contact avec leurs parents30 et séparés de leurs enfants, et ce, avant même leur incarcération31.

La descendance des détenus se distingue ensuite de celle des hommes libres. Ils ont un nombre d’enfants plus important32 et ils sont pères plus précocement33. Aussi, « parmi les moins de 30 ans, les hommes en détention sont deux fois plus souvent père que les autres : 25% des détenus déclarent avoir déjà eu des enfants, contre seulement 12% des hommes en ménage ordinaire »34. Etant donné la précocité de la descendance des détenus, les enfants les plus jeunes des détenus seront, en moyenne, plus âgés que les enfants les plus jeunes des autres pères. De plus, les détenus ont élevé un plus grand nombre de beaux-enfants.

Nous pouvons aussi noter que les détenus sont souvent issus d’une famille nombreuse.

Enfin, beaucoup ont des parents nés à l’étranger.

Notes
29.

« Malgré la précocité relative et le nombre d’épisodes de leur vie de couple, les hommes détenus sont moins souvent en couple que les autres. Un mois avant leur incarcération, 50% des détenus vivent en couple, contre 60% des hommes d’âge comparable », Ibid. p. 40.

30.

« 3% des détenus n’ont donné aucune réponse sur la vie ou le décès des deux parents, ce qui témoigne d’une rupture de liens familiaux avec les parents qui a eu lieu avant ou au moment, voire à cause de l’incarcération », Ibid, p. 93.

31.

C. Rostaing indique que les questions portant sur la date de naissance ou sur le lieu de vie des enfants sont souvent restées sans réponse. L’auteur avance deux hypothèses pour expliquer ce silence : soit les détenus protègent leurs enfants, soit ils ne possèdent pas ces informations, n’entretenant plus de lien avec ceux-ci. Voir : ROSTAING C., « Les non-réponses en question », in INSEE, L’histoire familiale des hommes détenus, Synthèses, Statistique publique, n°59, 2002, pp. 89-99.

Cette spécificité de l’histoire familiale des hommes détenus permet d’expliquer le nombre restreint d’entretiens réalisés avec des enfants de détenus comme nous l’expliquerons dans le chapitre 2.

32.

« On compte en moyenne 3,6 enfants par père détenu de 50 ans ou plus, contre 2,6 pour un père vivant en ménage ordinaire de la même classe d’âge » in MARY-PORTAS F.L., « La descendance des hommes détenus », in INSEE, L’histoire familiale des hommes détenus, Synthèses, Statistique publique, n°59, 2002, p. 50.

33.

« L’âge des pères détenus à la naissance de leur premier enfant est de 25 ans en moyenne, contre 26,8 ans pour les autres hommes », Ibid., p. 49.

34.

Ibid., p. 49.