1.3. Les liens familiaux des détenus et les caractéristiques de leurs proches éclairés par la statistique

De rares ruptures, mais des liens fréquemment étirés

Les effets de l’emprisonnement sur les liens familiaux apparaissent également dans des recherches statistiques.

Si les détenus avaient une vie conjugale souvent fragile avant la détention, l’incarcération provoque de nouvelles ruptures. Selon l’enquête de l’INSEE publiée en 2002, « plus d’une union sur dix est rompue dans le mois qui suit la détention. Ensuite, la probabilité de rupture diminue. Au total, 20% des unions sont rompues au cours de la première année de l’incarcération, 25% dans les deux premières années et 36% dans les 5 ans qui suivent »40. Au-delà des ruptures, ces chiffres laissent apparaître la part non négligeable des couples résistant à l’épreuve : si 36% des couples se brisent après 5 ans d’incarcération, cela signifie que 64% des couples perdurent au moins 5 ans malgré la détention.

D’après le travail d’A. Desesquelles et d’A. Kensey41 datant de 2006, les relations familiales sont presque toujours maintenues, mais elles s’avèrent parfois très distendues : « un détenu sur dix n’a aucun contact avec elle (sa famille), qu’il s’agisse de visites, de coups de téléphone ou de lettres »42. Le maintien des liens dépend de plusieurs facteurs. D’abord, « l’âge et l’ancienneté de l’incarcération jouent en défaveur de la préservation de relations régulières »43. Aussi, les jeunes détenus reçoivent plus de visites que leurs aînés car « les détenus plus âgés sont en effet souvent ceux dont l’incarcération est la plus ancienne et dont la peine est la plus longue »44. Si les jeunes détenus ont plus souvent maintenu des liens, la fréquence des visites qu’ils reçoivent est aussi plus importante : « 26% des détenus en centre de détention ont au moins un visiteur hebdomadaire, contre 44% des détenus en maison d’arrêt »45. Les auteurs ajoutent qu’« à ancienneté de l’incarcération comparable, les visites sont d’autant moins fréquentes que l’âge du détenu est élevé »46. L’âge du détenu est apparu, de la même manière, comme une variable déterminante des relations entretenues par les détenus avec l’extérieur dans l’étude de l’INSEE qui indique que les détenus les plus âgés souffrent le plus d’un isolement familial. L’éloignement géographique entrave également le maintien des liens et espace la fréquence des visites des proches au détenu.

Les auteurs observent de plus que les détenus recevant le plus de visites sont ceux qui bénéficient le plus d’échanges téléphoniques ou de correspondances écrites avec leurs proches : le téléphone et le courrier ne viennent pas compenser la faiblesse des visites.

Enfin, ce travail affirme que les relations conjugales du détenu et ses rapports avec ses enfants sont très distendues : « la moitié seulement des détenus reçoivent la visite de leur conjoint au moins une fois par mois et un tiers d’entre eux voient leurs enfants à ce rythme »47.

Notes
40.

CASSAN F., LONGE E., « Les détenus ont connu des vies de couple précoces et instables » in INSEE, L’histoire familiale des hommes détenus, Synthèses, Statistique publique, n°59, 2002, p. 43.

41.

Désesquelles A., Kensey A .,  « Les détenus et leur famille : des liens presque toujours maintenus mais parfois très distendus » , Données sociales, La société française, 2006, pp. 59-67.

42.

CASSAN F., TOULEMON L., « Recompositions familiales, fragilisation sociale et incarcération », in INSEE, L’histoire familiale des hommes détenus, Synthèses, Statistique publique, n°59, 2002, p. 59. A structure d’âge et de sexe identique, 14% des hommes non incarcérés sont complètement isolés de leur famille.

43.

Ibid., p. 59.

44.

Ibid., p. 62.

45.

Ibid., p. 62.

46.

Ibid., p. 64.

47.

Ibid., p. 59.