1.5. Une thèse qualitative au regard décentré pour étudier les liens

Si les enquêtes réalisées jusqu’à présent attestent que les liens familiaux sont atteints par l’incarcération, la perspective de recherche adoptée dans notre thèse se propose de compléter et renouveler l’analyse des liens à l’épreuve de la détention.

De la question des ruptures à la compréhension du maintien des liens

Les précédents travaux ont essentiellement axé leurs analyses sur les ruptures liées à l’incarcération en décrivant l’ensemble des contraintes pesant sur les liens. Notre analyse renverse la perspective de recherche et questionne à l’inverse les liens maintenus. Ainsi, au lieu de souligner la fréquence des ruptures relationnelles liées à l’incarcération, nous nous sommes étonnée, avec un peu de provocation, que tant de liens familiaux soient préservés : comment expliquer que tant de liens résistent à l’épreuve de l’incarcération ? Quel « ciment » permet à aux relations de perdurer alors qu’elles sont nombreuses à se briser face à cette situation ? Les liens sont-ils maintenus pour les mêmes raisons quand on est une compagne, une épouse, une mère, un frère, une sœur ou un enfant de détenu ? Qu’est-ce qui fait tenir 80 % des couples la première année d’incarcération, 64% au terme de 5 années de détention59? De même, comment les parents de détenus justifient-ils le soutien qu’ils apportent à leur enfant incarcéré ? N’ont-ils jamais pensé à ne plus soutenir leur fils et à ne plus venir le voir?

Dans un contexte d’analyse où les liens familiaux sont bien souvent décrits comme fragilisés par l’incarcération, notre thèse veut identifier leur force en mettrant au jour ce qui leur permet de résister à cette épreuve.

Notes
59.

Nous reprenons ici les données statistiques issues de la recherche de l’INSEE. Voir INSEE, 2002, op. cit.