3.2. Les personnes échappant à l’enquête

Notre enquête ne nous a pas permis d’interroger des proches ne se rendant pas au parloir alors qu’ils maintiennent le lien avec le détenu par courrier et/ou téléphone. Si l’absence des visites n’est pas toujours synonyme de rupture (certains proches n’ont pas la possibilité de se rendre aux parloirs ou s’y refusent au regard des contraintes subies pendant ces visites), comment accéder à ces personnes ? Où pouvions-nous rencontrer des proches de détenus si ce n’est aux portes des prisons ? Les données d’ A. Désesquelles et A. Kensey indiquent cependant que les personnes maintenant le lien sans se rendre au parloir sont rares. En effet, elles observent que les appels téléphoniques sont corrélés à la fréquence des visites : « il n’y a pas « d’effet de compensation » bien au contraire. Ainsi, les détenus qui ont au moins un visiteur par semaine ou par mois sont aussi plus souvent en contact téléphonique ou épistolaire avec une personne de leur famille à un rythme hebdomadaire »351.

Il n’a pas été possible également d’interviewer des personnes ayant rompu le lien avec le détenu. Le fait de se rendre devant les prisons pour solliciter les enquêtés supposait inévitablement que nous allions rencontrer uniquement des personnes se rendant au parloir et qui de fait, ont maintenu le lien. Mais là encore, des contraintes de terrain se sont inextricablement posées : où rencontrer des personnes ayant rompu le lien avec leur proche incarcéré ? Comment les convaincre de nous parler ? Plusieurs démarches ont été entamées pour dépasser ces problèmes et pour prévenir le biais qu’ils induisent, mais toutes sont restées vaines. D’abord, nous avons posté à plusieurs reprises, des messages sur des forums de discussion de familles de détenus352, messages dans lesquels nous présentions notre recherche en demandant à des personnes qui hésitaient à rendre visite à leur proche incarcéré ou qui avaient rompu les liens de nous contacter par mail. Hormis la réponse d’une femme, Mureille, en couple avec un homme qui a été incarcéré et avec laquelle nous avons effectué un entretien, ces messages sont restés sans suite. Des contacts ont été pris avec l’association Relais enfants-parents dont la mission est de maintenir le lien entre l’enfant et son père ou sa mère incarcéré(e) en organisant des parloirs entre le/la détenu(e) alors que l’autre parent ne peut pas se rendre en prison ou refuse de visiter le ou la détenu(e). Cette association peut également intervenir lorsque les deux parents sont emprisonnés. Ainsi, nous avions demandé à cette association la possibilité d’entrer en contact avec ces parents qui ne pouvaient pas ou n’acceptaient pas de se rendre au parloir pour visiter leur compagnon ou ex-compagnon, père de leur enfant. Or, les bénévoles et la responsable de l’association ont refusé notre demande au nom de l’éthique de l’association et du respect des familles.

La démarche analytique exposée, la population de la recherche présentée, nous souhaitons désormais retranscrire quelques réflexions nous ayant animées durant l’enquête concernant la posture du chercheur.

Notes
351.

Désesquelles A., Kensey A ., 2006, op. cit., p. 66.

352.

Voir en annexe la liste des adresses Internet de ces forums.