La « réforme Amor »395 débute dès la fin de la seconde guerre mondiale quand l’administration pénitentiaire fait face à une surpopulation sans précédent : on compte plus de 63 000 détenus en 1945. Elle postule que l’emprisonnement a « pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné »396. La prison est désormais conçue comme un lieu de traitement et non plus une simple structure de punition et d’exécution d’une peine397. Il ne s’agit plus de réformer les âmes, mais de donner aux détenus les moyens de préparer leur future réinsertion : « L’amendement renvoie à une notion éthique, auquel la visée pratique du reclassement social donne son contenu concret »398. La réforme Amor, précisent également que le sort des détenus doit être « humain, exempt de vexations et tendre principalement à son instruction générale et professionnelle et à son amélioration »399. L’amélioration des conditions de détention passe par une volonté de réaménagement du parc pénitentiaire très vétuste et par un assouplissement du régime de détention. La réforme Amor se caractérise, enfin, par l’avènement d’une volonté d’individualisation des peines et du traitement des détenus avec notamment la création du juge de l’application des peines dans le code pénal de 1958.
Concernant les liens familiaux, la réforme invite à un renforcement des liens entre le dehors et le dedans.
La peine de privation du droit de visite et de correspondance est abolie en 1948.
La réforme crée le service social au sein des établissements pénitentiaires, pensé comme un intermédiaire entre le détenu et sa famille comme l’atteste l’extrait de la circulaire l’établissant.
‘« Circulaire à Messieurs les directeurs régionaux des services pénitentiaires.Cependant, la réforme Amor reste limitée faute de financements et peu de lois sont promulguées. La volonté réformatrice s’essouffle rapidement et dès le début des années 1960, les circulaires se centrent sur la sécurité.
P. Amor est le directeur de l'Administration pénitentiaire et des services de l'éducation surveillée de 1944 à 1947. Il souhaite ouvrir les prisons à de nouveaux intervenants extérieurs et instaurer des contrôles des prisons.
FAVARD J., 1994, op. cit., p. 16.
En effet, à la sortie de la guerre, la modification du regard sur le détenu induit par la diffusion des théories de Lombroso et de Ferri, largement contestées et invalidées depuis, ont participé à une redéfinition du rôle à la prison : « Evaporée, au moins réduite à quasiment rien, l’idée fondamentale suivant laquelle un délinquant est responsable à un double titre : il sait qu’il transgresse et il sait ce qu’il risque. Et doit être puni en conséquence, notamment par la prison qui châtie. Au lieu de cela, Lombroso dispose que l’on naît criminel, et que cela se soigne, voire s’élimine. Ferri, militant socialiste, assène pour sa part que la société inégalitaire est responsable, en tout ou partie, plutôt « tout » que « partie », de la production de la délinquance : la prison nouvelle doit devenir centre de rattrapage, en matière d’éducation, de soin, pourquoi pas d’affection. Une révolution, des prisons lieux de traitement plutôt que de punition. » in CARLIER C., « Histoire de l’administration pénitentiaire, Les prisons du XXè siècle », http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article162.html.
SEYLER M., 1980, op. cit., p. 135.
FAVARD J., 1994, op. cit., p. 16.
Circulaire rédigée par P. Amor. Voir : http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article169.html ».