Les proches ne reçoivent de l’administration pénitentiaire que des informations lacunaires et par exemple, leurs inquiétudes sont alimentées par le fait qu’ils n’ont pas toujours été informés des problèmes de santé rencontrés par le détenu voire de son hospitalisation521.
‘Trois mois après le mariage il a fait un infarctus, quatre heures à le réanimer et moi je l’ai su une semaine après et c’est un détenu qui me l’a dit ! J’ai demandé des explications à la maison d’arrêt et on m’a dit « oui madame mais on n’a pas voulu vous inquiéter » ! [Prune, 45 ans, épouse d’un détenu écroué en MC, 20 ans, 14e année, en couple depuis 3 ans.]Ils ne sont pas également toujours prévenus en cas de transfert et de convocation du détenu auprès du juge. Dans ce cas, ils se déplacent, parfois de loin, sans avoir la possibilité de voir leur mari, fils, père, etc. Ces lacunes dans l’information sont perçues comme des marques de mépris.
‘Je ne viens qu’une fois dans le mois, on est obligé de le prévoir 15 jours avant pour prendre les rendez-vous, moi je prévois tout depuis 15 jours et on m’a appelée mardi pour me dire que je ne pourrais pas le voir mercredi parce qu’il serait toute la journée au tribunal. Tout était prévu et je ne l’ai pas vu mercredi ! [Patricia, 38 ans, épouse d’un détenu écroué en MA, prévenu, 15e mois.]’Parallèlement, ils doivent se soumettre à un ensemble de mesures de contrôle et de surveillance qui sont pour eux le signe que l’administration les soupçonne à leur tour. Ces contraintes génèrent parfois le sentiment d’être associé au détenu et réduit à son acte.
‘Quand on n’est pas dans ce milieu, moi je ne connais pas et j’avais vraiment l’impression d’être suspecte, qu’on avait des choses à me reprocher. Déjà quand cela sonne je me dis oh là, j’ai quelque chose sur moi qu’est-ce qui ne va pas… Non vraiment l’impression d’être suspecte… [Corinne, 55 ans, mère d’un détenu écroué en MA, prévenu, 2e mois.]’Par ailleurs, les mesures de surveillance induisent une perte d’intimité522 alimentant leur impression de déshumanisation.
‘Les surveillants sont quand même, ils sont très irrespectueux dans l’intimité des parloirs donc c’est la table, chacun sa chaise et puis voilà donc de ce côté-là c’est aussi très dur, depuis deux ans donc c’est très dur donc moi je réclame une intimité pour les couples ce qui est normal mais là je ne pense pas que cela soit fait parce que de toute façon, ils en ont rien à foutre, ni de nous ni d’eux, de toute façon ils sont là, ils ont un travail à faire et puis c’est tout. (…) Ce sont les couples qui sont les plus surveillés alors c’est un acharnement qui manque aussi d’humanité. [Clotilde, 55 ans, mère de deux détenus écroués en MA, prévenus, 4e mois.] ’Cependant, certains reconnaissent que les mesures de contrôles sont justifiées et ne sont pas plus contraignantes que celles présentes dans les aéroports par exemple.
Aussi, l’expérience carcérale élargie est une expérience simultanée d’invisibilité et de surexposition de soi. L’intrusion dans son intimité est d’autant plus difficile pour les proches qu’elle traduit la suspicion dont ils font l’objet.
L’OIP dénonce par ailleurs régulièrement des situations où les familles sont informées du décès du détenu après plusieurs jours.
Le chapitre 8 analyse les effets de cette perte d’intimité sur la nature des échanges au parloir ou dans les courriers.