Conclusion de la seconde partie

Le traitement de l’administration pénitentiaire à l’égard des proches de détenu répond à des dynamiques qui ne sont pas univoques, les prisons combinant plusieurs logiques d’actions : au « programme institutionnel »651 traditionnel, correctionnaliste et sécuritaire, s’ajoute une injonction contemporaine au respect des personnes. C’est dans ce contexte que s’affirme l’objectif de maintien des liens familiaux. La volonté de préserver les relations familiales des détenus est indexée à l’élan de normalisation du statut de détenu, à l’exigence croissante de la reconnaissance de ses droits et à la mission de réinsertion. Aussi, les mesures en faveur des liens familiaux restent toujours pensées à partir du détenu et ne prennent jamais sens au regard de logique familialiste ou d’une volonté d’atténuer la peine des proches. Le développement de la politique pénitentiaire à l’égard des proches reste très largement limité et peine d’autant plus à émerger que le souci sécuritaire prime toujours. Par ailleurs, les proches éprouvent un fort sentiment de manque de reconnaissance et d’invisibilité, tant dans leur rapport à société que dans leur confrontation aux logiques judiciaires et carcérales. En effet, il ressort de leurs discours un sentiment partagé de mépris reposant sur leur impression de ne pas être considéré par la justice et les institutions carcérales. Les analyses réalisées illustrent comment les proches sont pris dans les logiques judiciaire et carcérale dont ils doivent suivre les règles et sur lesquelles ils ont peu de prise. La proximité de leurs discours avec les récits des détenus atteste également de l’emprise institutionnelle de la prison sur ces acteurs à l’interstice entre le dedans et le dehors.

Si l’analyse a défini le cadre de l’expérience carcérale élargie, il convient désormais d’étudier en quoi l’incarcération d’individu est une contingence marquant les parcours des proches, en observant la manière dont ils supportent cette épreuve (Partie 3), avant de s’interroger sur la nature des relations entre les détenus et leurs proches qui se réalisent dans un tel cadre interactionnel (Partie 4).

Notes
651.

DUBET F., Le déclin de l’institution, Paris, Editions de Seuil, collection L’épreuve des faits, 2002.