3.2. Quelquefois, les proches déménagent

Par ailleurs, sept personnes parmi la population de l’enquête673 ont changé de domicile depuis le placement en détention de leur proche. La diminution des revenus et l’accroissement des dépenses peuvent contraindre à s’installer dans un logement moins coûteux. D’autres déménagent pour s’installer à proximité de la prison, prenant le risque que leur proche soit transféré. Néanmoins, le déménagement peut être temporaire. Suite à l’arrestation de son père, Carlos a quitté pour un temps son appartement parisien pour rejoindre sa mère et sa sœur dans la maison familiale. Quatre enquêtés, des partenaires et des enfants de détenus, ont emménagé le temps de l’incarcération, chez leurs parents ou beaux-parents car ils ne parviennent pas à gérer la solitude et le vide laissés par le départ de l’autre.

‘On a une maison mais je ne peux plus y aller, être là bas sans lui ce n’est pas ça. Cela m’aide de rester chez mes beaux-parents. Chez moi, je sens plus l’absence parce que quand je suis à la maison, j’y suis avec lui, on est trois et là on ne sera plus que deux. [Fatou, 30 ans, épouse d’un détenu écroué en MA, prévenu, 4e mois.]’

Les réactions du voisinage ou la volonté de garder secret son statut de « famille de détenu » constitue une autre justification au changement de résidence674 : l’expérience carcérale élargie est aussi une épreuve où les individus endossent un statut disqualifié.

Ainsi, l’expérience carcérale élargie brise la continuité de l’existence. Elle induit une séparation, souvent brutale et particulièrement anxiogène, d’avec un proche désormais incarcéré. L’absence de l’autre redéfinit les rôles des acteurs et réorganise leur quotidien. S’ils perdent leurs habitudes routinières, ils perdent également en respectabilité.

Notes
673.

Nous rejoignons les résultats de l’enquête réalisée sous la direction de P. Le Quéau puisque l’auteur observe que 15 % des personnes ont déménagé suite à l’incarcération de leur proche.

674.

B. E. Carlson et N. Cervera observent ainsi que certaines familles déménagent pour éviter la stigmatisation, notamment celles résidant dans de petites villes. CARLSON B.E., CERVERA N., 1991, op. cit.