II. Supports de l’engagement et logiques de régulation des liens

Les proches soutiennent qu’ils n’ont jamais envisagé de ne pas se rendre au parloir ; selon eux, leur présence auprès du détenu s’est imposée comme une évidence.

‘Bon non, je ne me suis jamais posée la question de savoir si j’allais rester ou pas. [Julie, 22 ans, compagne d’un détenu écroué en MA, prévenu, 6e mois.]
Je ne me suis pas posée la question, la première chose que j’ai faite, c’est le permis de visite. [Djamila, 40 ans, mère d’un détenu écroué en MA, prévenu, 1er mois.]
Cela a toujours été évident pour moi d’être là. Ce n’est pas parce qu’il est en prison que je vais couper les ponts, non c’est hors de question, non… Fidèle… Nos parents, depuis toujours, ils ont tout essayé pour nous séparer mais ça n’a pas marché et ce n’est pas la prison qui nous séparera, ça non plus, non, ça non plus la prison ne nous séparera pas… [Patricia, 38 ans, épouse d’un détenu écroué en MA, prévenu, 15e mois.]’

Cependant, au fil des entretiens le soutien apporté au détenu est toujours motivé, rationalisé voire conditionné. Les motifs de l’engagement doivent être niés comme si la découverte des supports du lien remettait en question la sincérité, la force ou l’authenticité de la relation. Autrement dit, s’ils étaient reconnus, ils désenchanteraient la relation. L’analyse révèle pourtant que l’engagement s’appuie sur une pluralité de justifications se cumulant souvent. Les proches se réfèrent à leurs sentiments et émotions (amour, culpabilité), à leurs responsabilités (obligation morale, sens du devoir familial, investissement familial) ou à leurs revendications et attentes (recherche d’une « normalité sociale », espoir de changement, engagement politique) pour rendre compte de l’aide apportée au détenu. Dans cette partie, nous étudierons d’abord les motivations spécifiques de l’engagement selon la nature du lien unissant le détenu à son proche. Au regard de la population de la recherche, notre travail se centrera essentiellement sur le lien conjugal et le lien de filiation. Puis, après avoir évoquer des situations où l’engagement se réalise sous contrainte, nous nous demanderons si le soutien est conditionné par la nature du délit.