I.1.1.1. Concept de Soi

Très tôt, la reconnaissance du rôle de l’interaction avec les autres, dans la construction de l’Image de soi a été affirmée. Cooley (1902), in S. Moscovici (1994, p. 51), l’un des premiers théoriciens des processus de l’interaction sociale, a fortement marqué la psychologie sociale avec sa conception du « Soi » comme miroir : Looking-glass-self.

La notion de « Soi » prise dans le sens global de personnalité psychologique, selon Cooley, a été reprise et réélaborée par Mead (1934) qui y incluait, comme l’un de ses aspects particuliers, l’image externe que l’on se donne ou représente et l’évaluation que l’on s’en fait. La notion de soi, comme miroir, intègre trois éléments dans le concept de « Soi social » :

  1. image de notre présentation aux autres,
  2. conscience du jugement des autres sur soi,
  3. sentiments positifs ou négatifs qui en résultent.

En Psychologie, le « Soi » a longtemps été présenté comme constitué de deux composantes ; James (1890-1963) parlait déjà d’un « Moi » agent, le « Je », et d’un « Soi » (ou « Moi ») empirique (Empirical Self or Me), « objet de connaissance », qui serait synonyme du concept de Soi (Self Concept). En tant qu’objet de perception et de connaissance, le « Soi empirique » se décomposerait en « Soi matériel, Soi social et Soi spirituel ». W. James (in Khilstrom & al. 1992) : 

‘Le soi en tant qu’objet, renvoie à la connaissance et à l’évaluation de soi, c’est-à-dire à la connaissance que nous avons de nous-mêmes, « analogue dans son principe à la connaissance que nous avons d’autrui » ; et le soi en tant qu’agent, structure de « commande » dont le rôle dans le système mental est de guider et de contrôler l’expérience, les pensées et les actes » (p. 206).’

D’autres auteurs, parmi lesquels Allport et Mead, ont fait cette distinction au sujet du « Soi ». Allport (1943) présente le « Soi » comme constitué du « Moi » (Ego) et du « Soi » proprement dit (Self). Pour lui, le « Moi » renvoie, semble-t-il, au domaine de l’action et de la personne, à tout acte constituant une recherche d’adaptation et de défense du « Soi ». Il représenterait des processus actifs, des mécanismes de défense, par exemple.

Ainsi défini, le « Moi » correspond à ce que Mead appellera plus tard le « Je ». Le « Moi » représente tout ce que l’on exprime dans notre individualité, ce qui permet de se présenter comme différent d’autrui. En revanche, le « Soi » proprement dit (Self) réfère aux aspects perceptuels, à ce que le sujet pense de lui-même : attitudes, sentiments et évaluations que la personne éprouve et entretient sur soi (A. Damasio, 1999).

A contrario, Mead (1963) parle d’autrui généralisé dans sa distinction. Selon lui, le « Soi » est constitué, à la fois, d’une composante « sociologique », le « Moi » (qui serait seulement une intériorisation des rôles sociaux) et d’une composante plus personnelle, le « Je », réaction de l’organisme aux attitudes des autres (aspects émotionnels, conation). En effet, selon cet auteur, le « Soi » d’un individu se développe, en partie, à partir des jugements qu’autrui porte sur lui, dans un contexte social où l’individu et autrui interagissent ; il en est de même pour les comportements et rôles sociaux.

En outre, pour Mead, le « Soi » émerge du passé, de l’interaction avec autrui, il a une fonction dans le présent que nous pouvons qualifier « d’ajustement » à une situation donnée et il a aussi le pouvoir de transformation dans le futur, dans la mesure où de cet ajustement surgit la nouveauté.

Ainsi, Mead fait-il de l’environnement social le noyau de la construction de la conscience de Soi (Self). Chez cet auteur, le soi est l’entité entretenant des rapports sociaux, à partir d’un ensemble de processus spécifiques. Dans ce contexte, la conscience de soi s’éprouve en adoptant le point de vue des autres ou celui des groupes sociaux de référence et/ou d’appartenance. De même pour lui, à chaque rôle social correspond un « soi ». Les rôles sociaux non centraux auraient, dans ce cas, pour corollaire des composantes de « soi », de moindre importance. (Koumba, 1992, p. 66).

Par conséquent, Mead fournit une définition du « Soi » située à l’articulation du sociologique et du psychologique. Il permet de savoir dans quelle mesure la conversation, l’échange avec autrui, l’apprentissage social détermine en partie l’individu.

Toutefois, l’ensemble de ces définitions du « Soi », bien que sans fondement empirique, a des conséquences sur l’étude de la personnalité et sur les recherches concernant la perception sociale. Il est probable que le « Soi » étudié s’apparente davantage au « Soi » objet, au cœur même de l’expérience de la conscience. Il semble qu’en ce sens, ces différentes définitions s’apparentent et qu’elles renvoient à la représentation que l’individu se fait de lui-même ou de son rôle social, à l’image mentale que chacun se fait de sa propre personnalité.

Dans cette perspective, comment se présente le concept de l’Image de soi ?