I.2.1.2. Définition du concept de satisfaction

Pour apporter un éclairage sur la notion de satisfaction, nous nous contenterons ici d’énumérer quelques idées de bases :

Nombreux sont ceux qui adhèrent à l’idée de contextualisation en accordant un rôle important aux facteurs environnementaux sur l’évaluation et la spécificité des objets ou des situations à évaluer. Nous défendrons ici cette approche, car elle est différente de celle plus globalisante et qui part de l’hypothèse de processus communs et de composantes génériques pouvant s’appliquer à un grand nombre de situations. Pour comprendre ces différentes définitions, nous allons maintenant examiner les principales conceptualisations s’y référant. L’article de Schommer & Kucukarslan (1997) résume bien la question.

Damasio (1994), quant à lui, parle de la notion de satisfaction en se basant sur les émotions. Il décrit des émotions universelles comme étant la joie, la tristesse, la colère, la peur et le dégoût. Il existe en outre des émotions secondaires qui sont constituées de combinaisons et de modulations, par l’expérience des cinq émotions primaires. Il existe un mécanisme fondamental centré sur l’homéostasie interne. Ce mécanisme, modulé par les expériences et les influences sociales de la personne, tend à établir un niveau de bien être déterminé, ce qui explique la durée limitée d’une émotion, qu’elle soit positive ou négative. Ce qui rejoint les modèles décrits par les cognitivistes dans les théories du contraste (A.R. Guzzo, 1980). Pour lui, la satisfaction est à la fois une émotion et un sentiment. L’émotion et le sentiment sont tous deux associés à un stimulus, un objet ou un service, par exemple, dans une approche de la satisfaction. Ils forment une représentation stockée dans les zones de convergence. Parmi les éléments stockés, les marqueurs somatiques permettent à une personne de produire un jugement rapide. Le cortex frontal est fortement impliqué dans l’acquisition des marqueurs somatiques, car il reçoit des signaux en provenance de toutes les sources sensorielles et de beaucoup de sources biorégulatrice du cerveau. Les marqueurs somatiques permettent un classement par catégorie de nos expériences. Damasio (1994, 2003) souligne que puisque le rôle prioritaire du cerveau est d’assurer la survie du corps le mieux possible, la nature a trouvé une solution efficace de stockage : représenter le monde extérieur par le biais des modifications que celui-ci a provoqué dans le corps proprement dit. On peut donc espérer toucher la satisfaction que nous procure un objet ou une situation par les sensations corporelles que ce dernier nous procure lorsque l’on ressent une émotion lors de son utilisation à l’aide de tous les mécanismes décrits précédemment.

Par ailleurs, le point de départ de la notion de satisfaction au travail est le concept de motivation. Aussi, pour la comprendre, nous devons faire un détour par les théories qui ont été élaborées sur la motivation. Mais avant, nous allons les définir afin d’éviter toute ambiguïté entre les deux.

Le dictionnaire « Le Robert » donne plusieurs définitions de la motivation :

Porter & Lawler (1968, p. 7), dans leur ouvrage sur l’attitude des cadres et la performance, s’appuient sur la définition de la motivation de Jones (1955), c’est : « la manière dont le comportement est déclenché, stimulé, est soutenu, est dirigé, est arrêté, et quel type de réaction subjective est présente dans l’organisme pendant que tout ceci se produit ».

Pour Campbell & Pritchard (1976), la motivation correspond aux :

‘[…] déterminants (a) du choix de produire des efforts sur un certain travail, (b) du choix de déployer une certaine quantité d’effort, et (c) du choix de persister à déployer des efforts au cours d’une période. C’est-à-dire, la motivation a trait à un ensemble de rapports de variables indépendantes et dépendantes qui expliquent la direction, l’ampleur, et la persistance du comportement individuel, en tenant constant les effets de l’aptitude, de la compétence, et de la compréhension du travail, et les contraintes opérant dans l’environnement (Campbell et Pritchard, p.65).’

Levy-Leboyer (1984,) définit, quant à elle, la motivation au travail comme étant : « un processus qui implique la volonté d’effectuer une tâche ou d’atteindre un but, donc un triple choix, faire un effort, soutenir cet effort jusqu’à ce que l’objectif soit atteint, y consacrer l’énergie nécessaire (p. 31).

Selon Pinder (1984, p.8) : « la motivation au travail est un ensemble de forces énergique qui proviennent aussi bien de l’intérieur de l’être humain que de son environnement, pour susciter le comportement lié au travail, et pour déterminer sa forme, sa direction, son intensité, et sa durée » (p. 8).

Enfin, Steers & Porter (1991, p. 5-6) constatent après l’analyse de plusieurs définitions que trois dénominateurs communs caractérisent la motivation. (1)

‘[…] ce qui stimule le comportement humain : (…) ce sont les forces énergiques chez les individus qui les poussent à se comporter de certaines manières et les forces environnementales qui souvent déclenchent ces conduites. (2) ce qui dirige ou canalise un tel comportement : (… il s’agit de ce qui oriente les individus vers des objectifs). Leur comportement est dirigé vers quelque chose. (3) comment ce comportement est maintenu et soutenu : (… ce sont les) forces chez les individus et dans leurs cadres environnants qui renvoient de l’information aux individus soit pour renforcer l’intensité de leur dynamisme et l’orientation de leur énergie soit pour les détourner de leur ligne de conduite et réorienter leurs efforts. (Steers et Porter, 1991, p. 5-6)’

D’après tout ce qui précède, la motivation peut être définie comme l’énergie qui détermine un type de comportement particulier. C’est-à-dire, qu’à l’inverse des comportements au travail habituels, tels que le turnover, l’absentéisme, la ponctualité, l’obéissance, la mobilité, etc. la motivation au travail est un construit hypothétique, c’est-à-dire « un concept représentant un processus physique supposé… non observable directement » (Pinder, 1984, p.9). Ainsi, la motivation peut être abordée, selon les différentes approches considérées, soit comme une attitude, soit comme une intention, soit enfin comme un comportement. L’attitude marque la volonté de déployer des efforts pour faire du bon travail. Lorsque l’intention se transforme en comportement, on choisira l’indicateur d’effort pour apprécier la motivation. Le comportement motivé est alors animé par une force (Vroom, 1964) qui stimule l’homme au travail, et qui se traduit par une dépense d’énergie ou d’effort orienté vers la réalisation des objectifs et de la charge de travail.

Deux approches résultent de ces différentes définitions :

La force motivationnelle qui anime un individu dans son travail dépend ainsi de caractéristiques personnelles et de son environnement de travail. Ces facteurs de motivation internes et externes sont changeants et propres à chaque individu. Le niveau de motivation peut être : « soit faible soit fort, variant à la fois entre les individus à des moments déterminés, et chez une même personne à différents moments, et selon les circonstances » (Pinder, p. 8).

À partir de tout ce qui a été dit, nous retiendrons la définition suivante de la motivation : « la motivation au travail est un processus qui implique (1) la volonté de faire des efforts, d’orienter et de soutenir durablement l’énergie vers la réalisation des objectifs et de la charge de travail, et (2) de concrétiser cette intention en comportement effectif au mieux des capacités personnelles ». Cette définition peut être résumée en trois caractéristiques fondamentales que sont :

Parler de satisfaction au travail, c’est faire référence à la notion classique de satisfaction d’un besoin : vision homéostatique du travail où l’homme trouverait la réalisation de certains besoins, de certaines attentes.

La satisfaction est définie couramment comme un sentiment de bien être. C’est le « plaisir qui résulte de l’accomplissement de ce qu’on attend, désire, ou simplement d’une chose souhaitable » (Le Robert).

Tiffin & McCormick (1967) pensent, quant à eux, que la satisfaction au travail résulte en partie de la possibilité pour l’individu d’appliquer ses valeurs à sa situation de travail. Bien évidemment, les gens cherchent des valeurs différentes dans leur emploi : certains accordent une plus grande importance aux aspects intrinsèques (promotion, responsabilité, etc.), d’autres aux aspects extrinsèques (rémunération, condition de travail, etc.).

Dans le champ organisationnel, ce concept ne soulève pas, selon P. Roussel (1996), de problème d’interprétation et les études de Locke (1969, 1976) sur ce thème servent de référence. Pour sa part, Locke (1976, p. 1300) voit dans la  satisfaction « un état émotionnel positif ou plaisant résultant de l’évaluation faite par une personne de son travail ou de ses expériences de travail ». Il s’agit donc d’une réponse affective, émotionnelle de la personne face à son emploi.

Cet état émotionnel résulte de :

‘[…] l’évaluation faite par une personne de son travail comme répondant ou permettant de répondre à ses valeurs importantes vis-à-vis du travail, à condition que ces valeurs soient convergentes avec ou aident à satisfaire ses propres besoins de base. Ces besoins sont deux types différents mais interdépendants : les besoins matériels ou physiques et les besoins psychologiques, en particulier le besoin de développement. Le développement est rendu possible surtout par la nature du travail en lui-même » (Locke, 1976, p. 1319).’

P. Roussel retient de cette dernière formulation que la satisfaction résulte de l’adéquation entre les perceptions que la personne a des différents aspects de son emploi et les perceptions qu’elle a quant à ce que devraient être ces différentes facettes du travail, c’est-à-dire que la satisfaction dépend du niveau de divergence entre ce que la personne désire et ce qu’elle retire.

Locke (1976, p. 1301) ajoute :

‘[…] un emploi n’est pas une entité mais une interconnexion de tâches, de rôles, de responsabilités, d’interactions, de motivations, et de récompenses. Ainsi, une connaissance approfondie des attitudes au travail exige que l’emploi soit analysé en fonction des éléments qui le constituent. ’

Par conséquent, l’individu peut éprouver des sentiments différents en fonction des multiples aspects de l’emploi. C’est dans cette optique que les recherches menées sur la satisfaction tentent de cerner l’ensemble des aspects de l’emploi par rapport auxquels l’individu éprouve des sentiments affectifs distincts.

Roustang (1977) assimilant qualité de la vie de travail et satisfaction au travail, définit ce concept comme un rapport entre ce que l’on attend et ce que l’on obtient, comme un bilan d’ensemble. Selon lui, pour savoir si les gens sont satisfaits de leur travail, le mieux est donc de leur poser une question globale du type : « tout compte fait, êtes-vous satisfaits de votre travail ? ».

Dans le même ordre d’idée, Weiss (1980, in R. Francès, 1981) et Saleh (1981) considèrent globalement la satisfaction au travail comme un état affectif résultant de la concordance entre ce que l’individu s’attend à recevoir de son travail et l’évaluation de ce qu’il reçoit effectivement. Ce qu’une personne s’attend à recevoir de son travail peut être traduit en termes divers : rémunérations, chances réelles de promotion, contenu et autonomie de la tâche à accomplir, relation de travail avec ses pairs, ses supérieurs et ses subordonnés, etc.

Robert Francès (1981) précise que le concept de satisfaction a été défini, de manière plus large, il y a quelques années, et de manière plus restreinte, de nos jours. Ainsi, Viteles (1953, cité par Francès, op. cit.) sous le vocable « moral » parle d’une « attitude de satisfaction de l’homme au travail avec le désir de poursuivre son emploi (au sens du « job »), la volonté de lutter à l’intérieur de l’organisation pour atteindre les buts de celle-ci.

Cette notion est de plus en plus perçue, aujourd’hui, par certains auteurs tels que J. A. Boussougou-Moussavou (1999) comme une réalité socioculturelle. En effet, les facteurs de satisfaction, liés à la façon de considérer le travail, varient selon les contextes sociaux et culturels et selon le système du travail et celui de la vie sociale. D’après cet auteur :

‘[…] c’est un phénomène subjectif renvoyant aux réactions émotionnelles qui interviennent dans un ensemble de situations. Sa variabilité, dans le temps et dans l’espace, dépend de l’histoire collective et individuelle, de la culture et des valeurs intériorisées. (p. 84)’

En définitive, la satisfaction est une évaluation, donc un jugement, émis sur des objets ou situations. Ce degré de contentement ou mécontentement plus ou moins prononcé dépendrait donc de la comparaison entre le niveau des attentes et de l’expérience vécue par le sujet.