I.2.2. Modèles théoriques de la satisfaction au travail

Afin de définir le cadre conceptuel retenu pour notre recherche, voici quelques théories qui seront expliqués puis critiqués. Ce cheminement permettra de déterminer les différents aspects des concepts étudiés ici.

I.2.2.1. Théorie des besoins de Maslow

À la suite d’observation clinique, dans les années 1940, A. H. Maslow (1943) élabore une hiérarchie des besoins humains. C’était à l’origine une théorie de la motivation humaine. Elle trouvera par la suite des applications dans le domaine de la motivation au travail. D’après Maslow, la motivation de tout individu est suscitée par la volonté de satisfaire des besoins. Dès lors que l’individu a cette volonté, il agit, il est motivé. Il observe que l’individu hiérarchise ses besoins et qu’il cherche à les satisfaire selon un ordre de priorité allant de 1 à 5 des plus élémentaires aux plus complexes.

  • Les besoins physiologiques renvoient aux besoins primaires mais aussi au confort (nourriture, eau, protection contre les conditions climatiques…). Ce sont des besoins de survie liés à des pulsions instinctives.
  • Les besoins de sécurité expriment la volonté de vivre sans peur et de se protéger contre certains dangers.
  • Les besoins d’amour : ce sont des besoins de rapports sociaux, de donner et de recevoir de l’affection, de se sentir accepter et appartenir à un groupe. Ces besoins renvoient donc à l’insertion sociale de la personne, à la conformité au groupe, à la solidarité interhumaine, mais aussi à la recherche d’une identité structurante.
  • Les besoins d’estimes expriment l’envie d’être reconnu, apprécié, approuvé et d’avoir l’estime d’autrui. Ils traduisent aussi l’estime de soi et le goût du pouvoir. Ces besoins renvoient également à la recherche de l’autonomie, de la « réussite » sous des formes variées mais aussi à la recherche de statut social, de prestige selon l’orientation vers l’extérieur.
  • Les besoins de réalisation de soi ou d’actualisation de soi sont liés au désir de progresser, de se développer et de s’épanouir, de créer, d’innover…ces derniers besoins conduisent l’homme à rechercher ce qu’il est (habileté, compétence…) mais aussi à accroître ce qu’il est selon ses intérêts, ses valeurs.

Lorsqu’un type de besoin est satisfait, celui-ci n’est plus un élément de motivation. Quand les besoins physiologiques sont satisfaits, la préoccupation de l’individu est de chercher à se protéger, l’instinct de sécurité se substitue alors à l’instinct de survie. Sa motivation à assouvir ce deuxième type de besoin se prolonge tant qu’il n’est pas parvenu à le satisfaire. Lorsqu’il arrive à ses fins, il trouve comme nouvelle motivation le désir de satisfaire la troisième classe de besoin qui est constituée des besoins d’amour. Et ainsi de suite jusqu’au cinquième niveau de la hiérarchie, c’est-à-dire les besoins de réalisation de soi. Le laps de temps nécessaire pour satisfaire chaque catégorie de besoin peut être fort long. Rares sont les personnes qui parviennent à satisfaire le besoin de réalisation de soi.

Le modèle théorique de Maslow suppose l’existence chez l’homme de forces ou de pulsions primaires et secondaires qui ont pour effet de le motiver. Selon lui, les forces primaires sont innées. Ces forces sont liées à des besoins de nature physiologique et sont axées sur la survie. Les forces secondaires, par contre, sont acquises par la voie de la connaissance ; elles peuvent dans une certaine mesure être déterminées par la culture.

Soulignons, toutefois, que la théorie des besoins de Maslow est très souvent critiquée pour l’universalité de la classification hiérarchique des besoins qu’elle propose. L’ordre d’importance des besoins change selon les individus ou encore la culture nationale d’origine (Maillet, 1989). Cet auteur estime que la hiérarchie des besoins doit être interprétée comme étant une réalité dynamique et non une réalité statique (Landy & Trumbo, 1976), car les besoins d’un individu peuvent varier à court terme, selon la situation. Il est également plausible que les besoins de niveaux différents agissent simultanément comme agents motivants. Par exemple, une personne désire une promotion pour une plus grande sécurité d’emploi (besoin de sécurité) et pour obtenir un statut (besoin de reconnaissance). Locke (1976) ajoute à cette critique (classement hiérarchique des besoins) qu’il est impossible d’affirmer qu’un besoin satisfait ne peut plus être ensuite source de motivation. Au contraire, la satisfaction de plusieurs besoins à la fois, et cela de façon répétitive, est à l’origine de la motivation.

Concernant la validité de cette théorie, selon P. Roussel (1996), Thériault (1983) recense plusieurs études qui ne la vérifient pas. Ce même auteur estime, d’autre part, que la définition des besoins est trop ambiguë. Il y a confusion entre les notions de valeur et de besoin. Alors que la notion de besoin désigne l’état d’un individu par rapport à ce qui lui est nécessaire ; la notion de valeur désigne la conviction profonde et relativement stable quant à la supériorité d’un mode de conduite ou d’un objectif de vie. Par conséquent, le désir de réalisation de soi ou d’actualisation de soi sont-ils des besoins ou des valeurs ?

Rojot & Bergmann (1989) complètent les critiques précédentes en disant que (1) cette théorie n’explique pas quel type de comportement est adopté pour satisfaire un besoin ; (2) il n’y a aucune certitude quant aux limites entre les types de besoins. Par exemple, le besoin d’activité est-il un besoin physiologique ou de réalisation de soi ? Il devient alors difficile d’établir une liste de besoins par catégorie ; (3) la liste des cinq catégories de besoin n’est pas forcément exhaustive ; (4) la théorie n’explique pas ce qu’il advient de la motivation de l’individu lorsque le dernier type de besoin, la réalisation de soi, est satisfait.