I.2.2.2. Théorie ERG d’Alderfer

Alderfer (1969) propose la théorie ERD (ERG = Existence, Relatedness & growth) comme une adaptation de la théorie des besoins aux situations de travail. Il se base sur une étude menée auprès de 110 employés de banque afin de proposer la motivation de l’individu qui consiste à agir en vue de satisfaire trois catégories de besoins :

  • les besoins d’existence E : ils expriment les désirs d’ordre physiologique et matériel et correspondent aux besoins d’ordre inférieur chez Maslow (1943), c’est-à-dire les besoins physiologiques et de sécurité. La faim, la soif appartiennent à cette catégorie. Il en est de même pour le désir d’améliorer ses conditions de travail, son salaire ou ses avantages divers en milieu organisationnel ;
  • les besoins de rapport sociaux (R) : il s’agit des besoins qui poussent un individu à entretenir des relations avec d’autres personnes. Ces relations sont des échanges amicaux et conflictuels entre l’individu et les personnes qu’il côtoie. Ces besoins s’expriment par le partage avec autrui de sentiments, d’émotions, de confidences, d’idées, ou au contraire de haine, de rivalité, etc. Ce besoin d’échange est un facteur de motivation qui pousse l’individu à chercher à le satisfaire. En entreprise, selon P. Roussel (1996), les besoins de rapports sociaux peuvent se traduire par la volonté de s’intégrer dans une équipe de travail, de chercher les contacts avec autrui, de rendre les échanges conviviaux avec les collègues, de participer à des activités syndicales… Ce type de besoin correspond aux besoins d’ordre supérieur d’estime de soi (en partie) et sociaux proposé par Maslow.
  • les besoins de développement personnel (D) : l’individu est motivé pour satisfaire ce type de besoin afin, d’une part d’assouvir ses aspirations pour la créativité et l’innovation, et ses désirs de participer à des tâches ou des activités enrichissantes, d’autre part, d’affronter des situations de défi. Ce type de besoin s’apparente aux besoins d’ordre supérieur d’estime de soi (en partie) et de réalisation de soi tels qu’ils ont été définis par Maslow. Cependant, pour Maslow, l’actualisation de soi, pour une personne, est liée à la réalisation de son potentiel inné. Chez Alderfer, le développement personnel correspond aux désirs d’interagir avec succès avec son environnement afin de l’examiner, de l’explorer, et de le maîtriser (Pinder, 1984, p. 54).

Contrairement à Maslow, le mécanisme de la motivation fonctionne différemment chez Alderfer. Ici, chaque besoin peut agir de manière simultanée et la motivation dépend de l’intensité d’un besoin. Cette intensité dépend elle-même du degré de satisfaction du désir : plus il est satisfait, moins il est intense, et inversement. D’autre part, d’après Rojot & Bergmann (1989, p.267) : « la satisfaction des besoins inférieurs (d’existence) rend seulement plus probable que les besoins supérieurs (de rapports sociaux et de développement personnel) deviennent motivants, mais n’est plus une condition sine qua non pour que ceci arrive ». En outre, selon P. Roussel, la satisfaction du besoin de développement personnel a la faculté de renforcer le désir des deux autres catégories de besoins de niveau inférieur.

Ainsi, le schéma de la motivation peut être représenté comme ceci :

La théorie ERD a aussi contribué à l’avancement de l’hypothèse du phénomène de frustration/régression. En effet, l’individu peut régresser dans l’échelle des besoins s’il ne peut satisfaire ses besoins de développement personnel. Par frustration, il reporte ses désirs sur les besoins de rapports sociaux dont l’intensité va augmenter. De même, s’il ne peut pas satisfaire ses besoins de rapports sociaux, il est possible que l’intensité de ses besoins d’existence augmente. De nouveau, le processus de régression dans l’échelle des besoins se produit à cause d’une nouvelle frustration. Ainsi, Alderfer va à l’encontre de Maslow pour qui, il ne peut y avoir que progression dans la satisfaction des besoins en fonction de leur hiérarchisation ; tandis que, dans la théorie ERD, il peut y avoir régression. La notion d’échelle de besoins est différente de celle de hiérarchie des besoins chez Maslow. Pour Alderfer, on peut classer les trois catégories de besoins sur un continuum allant du plus concret (besoin d’existence) au plus abstrait (besoins de développement personnel). Le phénomène de frustration conduit donc l’individu à régresser sur cette échelle des besoins, en délaissant les plus abstraits quand il ne peut pas les satisfaire, pour reporter la plus forte intensité de ses désirs sur les plus concrets. Enfin, l’intensité d’un besoin est subjective. Selon la personne, un type de besoin peut dominer les autres. Cette domination peut être permanente, ou d’une durée plus ou moins longue selon les changements opérés dans la vie de cette dernière, voire circonstancielle selon la qualité du besoin considéré.

Cependant, la théorie des besoins d’Alderfer a aussi fait l’objet de critiques, même si elles sont moins nombreuses. Pour apprécier la validité de la théorie ERD, peu d’études empiriques permettant d’aboutir à une conclusion. Selon Maillet (1989), les travaux qui la valorisent ont pour la plus part été réalisés par son auteur, alors qu’une étude reste plus nuancée et met en cause l’universalité de la classification des besoins de la théorie ERD.