I.2.2.4. Théorie de l’équité d’Adams

Cette théorie est étroitement liée aux conceptions récentes de psychologie sociale et notamment aux concepts de dissonance cognitive proposés par Festinger et d’équilibre de Heider. Cl. Louche & al. (1994) stipule que ce modèle ne cherche pas à élaborer une typologie des causes de satisfaction ou de motivation, mais à décrire les processus selon lesquels la motivation ou la satisfaction se développent. Le thème central est la notion d’équité ou d’iniquité ressentie par l’individu. Ce terme a d’abord été analysé par E. Jacques (1961), puis par Adams (1963) et enfin par Weick (1966). Selon ces auteurs le sentiment d’équité serait toujours le résultat d’une comparaison. En effet, l’individu observe son environnement de travail pour savoir s’il est traité avec équité. Si ce dernier est insatisfait à l’issu de cette comparaison, l’iniquité ressenti crée chez lui une tension qu’il va chercher à réduire en déployant des efforts ou des moyens. Cela signifie qu’il est motivé. Adams précise que tout travailleur compare ce qu’il apporte à son travail (sa compétence, son temps, sa bonne volonté, son expérience…) et ce qu’il en reçoit (un salaire, de l’estime, une tâche intéressante, des avantages sociaux,…) avec ce que d’autres travailleurs apportent et reçoivent. C’est de cette comparaison que naîtra le sentiment de justice ou d’injustice.

Il retient trois aspects importants de cette analyse :

  1. Ce ne sont pas des faits objectifs qui déterminent le sentiment d’équité, mais la perception que le sujet en a ;
  2. Si des informations nouvelles arrivent au sujet, une situation qui lui paraissait équitable peut lui sembler inéquitable et vice-versa ;
  3. Tout travailleur va tenter de rendre sa situation « consonante » par la réduction de l’iniquité perçue : essentiellement, s’il juge qu’il reçoit plus ou moins ce qu’il ne devrait ; il va rétablir l’équilibre en travaillant soit plus ou mieux, soit moins ou moins bien.

Adams montre ainsi que l’individu mémorise un ratio correspondant à cette comparaison :

Ratio = Ap / Cp ou encore Ratio = Aa / Ca

Avec :

Ou encore :

L’individu construit ses ratios (1) et (2) selon son système de perception. Chaque personne accorde un poids différent à tel ou tel avantage et telle ou telle contribution. Par conséquent, ces ratios sont subjectifs. Lorsque l’individu perçoit une égalité entre ses ratios, il éprouve un sentiment d’équité ; il perçoit alors que les avantages qu’il retire de son emploi (salaire, reconnaissance…) relativement à ses contributions (effort, compétence…), sont proportionnels aux avantages et contributions des personnes avec lesquelles il se compare. En revanche, lorsqu’il perçoit des différences entre son propre ratio (1) et celui d’autres personnes qu’il considère comme points de repère (2), il éprouve un sentiment d’iniquité.

Cet auteur estime que la motivation de l’individu naît de l’état de tension provoqué par le sentiment d’iniquité qu’il peut ressentir à la suite de ces comparaisons. Cherchant à réduire ou à éliminer cette tension, l’individu réagit et déploie des efforts pour y parvenir (P. Roussel, 1996). La motivation qu’il va trouver pour rétablir l’équilibre entre son ratio et celui de ses points de repère le conduit à des comportements et à des attitudes multiples qui peuvent être éventuellement contraires aux intérêts de son entreprise. Ces comportements et attitudes peuvent être de deux sortes :

Dans les travaux d’Adams, l’individu se compare soit à une ou plusieurs personnes à l’intérieur de son entreprise (équité interne), soit à une ou plusieurs personnes travaillant dans d’autres organisations (équité externe). Thériault (1983), en revanche, élargit cette notion de point de référence en montrant que l’individu réalise aussi des auto-comparaisons de ratio au cours de trois situations différentes :

  1. Il peut comparer son ratio présent avec la perception qu’il a de ses ratios passés. Il observe si les avantages actuels par rapport à ses contributions du moment sont proportionnellement équivalents à ceux des situations antérieures.
  2. Il peut comparer son ratio présent avec la perception qu’il a de ses ratios futurs. Il examine si les perspectives offertes par son emploi et son entreprise lui laissent augurer des ratios avantages/contributions futurs attractifs.
  3. Il peut comparer son ratio, qu’il perçoit comme effectif, avec celui qu’il imagine devoir être dans une situation idéale. Il compare la valeur qu’il s’accorde à lui-même, à celle qui lui est effectivement reconnue.

Thériault souligne également que l’individu réalise des comparaisons de ratio avec son organisation de travail se présentant comme suite : ce que l’organisation fait et ses pratiques par rapport à ce qu’elle promet, c’est-à-dire ses politiques. Il s’agit ici de la notion de justice distributive.

La théorie de l’équité, comme les autres modèles décrits dans cette recherche, a aussi montré ses limites quant à l’explication de la motivation au travail. La critique de cette théorie se fera ici par l’opposition de deux positions différentes : l’une parlant d’elle négativement et l’autre positivement. L’un des détracteurs de cette théorie est Maillet (1989) qui met l’accent sur la difficulté méthodologique rencontrée lors d’expérimentations pour calculer les ratios perçus par les individus et sur la difficulté de définir les avantages retirés de l’emploi et les contributions données à l’organisation. Toutefois, un autre auteur, Thériault (1983) est le premier à reconnaître que cette théorie apporte beaucoup au domaine de la gestion des ressources humaines et en particulier à la gestion des rémunérations. En effet, si elle donne une meilleure compréhension des attitudes et des comportements des hommes en entreprise, elle peut aussi aider les pratiques d’évaluation de salaires des postes de travail en utilisant les principes d’équité interne (comparaisons entre les emplois) et d’équité externe (avec les enquêtes de salaires).

Pour résumer le chapitre sur la théorie de la satisfaction au travail, nous rappelons à cet effet la distinction qui existe entre les théories centrées exclusivement sur les besoins/mobiles/valeurs, et celles centrées à la fois sur les besoins/mobiles/valeurs et la description des emplois. Les théories centrées sur les besoins dont figurent celles de Maslow et d’Alderfer définissent un ensemble de besoins que l’individu cherche à satisfaire. Si l’organisation offre un emploi qui permet de répondre à ses besoins, les conditions sont alors réunies pour que le salarié puisse éprouver une satisfaction rapportée à son travail. La théorie ERG et celle de Maslow, dans ses applications ultérieures aux organisations, ne cherchent pas à déterminer quels sont les aspects de l’emploi qui permettent le mieux de répondre aux différents besoins. Enfin, les théories de l’équité sont théoriquement et empiriquement considérées avant tout comme des théories de la satisfaction au travail (Lawler, 1964, 1971 ; Thériault, 1983), car le sentiment d’iniquité crée de l’insatisfaction chez l’individu et par conséquent une tension qui va le pousser à agir. Dans ce processus, l’insatisfaction est à l’origine de la motivation.

Quant aux théories centrées à la fois sur les besoins/mobiles/valeurs et sur la description des emplois dont celle de Herzberg sont moins nombreuses. Selon la théorie bi-factorielle de Herzberg, les facettes de l’emploi sont divisées en deux groupes :