I.3.5.3. Théorie de la comparaison sociale

Il y aurait en l’homme un besoin de s’auto-évaluer, et Festinger (1954-1971), qui s’est surtout intéressé à l’estimation que l’on fait de ses propres opinions et aptitudes, postule que lorsque nous ne pouvons pas nous baser sur des critères objectifs, matériels ou non sociaux, nous avons recours à la comparaison avec autrui.

Les propositions principales concernant les opinions et les capacités avancées par Festinger dans la théorie de la comparaison sociale sont les suivantes :

  1. « il existe chez tout homme une tendance à évaluer ses opinions et ses aptitudes personnelles » ;
  2. « en l’absence de moyens objectifs non sociaux, on évalue ses opinions et ses aptitudes en les comparant avec les opinions et les aptitudes des autres ». par conséquent, « en l’absence de terme de comparaison dans le monde physique ou dans le domaine social, l’évaluation subjective des opinions et des aptitudes est instable ». Par contre, « si on dispose de moyens objectifs autres que sociaux, pour évaluer ses opinions ou ses aptitudes, on ne le fait pas en fonction des autres » ;
  3. « la tendance à se comparer à un autre décroit à mesure qu’augmente la différence entre soi-même et cet autre, tant pour les opinions que pour les aptitudes ». Donc, « à l’intérieur d’un champ de comparaison donné, on choisit de préférence comme termes de comparaison ceux dont l’aptitude ou l’opinion sont les plus proches », et « si le seul terme de comparaison possible est très éloigné, l’évaluation (d’opinion ou d’aptitude) manquera de précision subjective ».

Il résulte de ces trois premières hypothèses que :

a) C’est en se comparant à des autrui proches de soi en ce qui concerne une opinion ou une aptitude que l’on peut en faire une évaluation stable.

b) Si l’on ne peut se comparer qu’à des personnes quelque peu différentes de soi, on essaiera de se rapprocher de ces personnes ou de rapprocher ces personnes de soi en ce qui concerne les opinions ou les capacités en question.

c) Un individu préfèrera les situations dans lesquelles les opinions et les aptitudes d’autrui sont proches des siennes aux situations dans lesquelles elles sont éloignées.

d) Lorsque, dans un groupe, il existe des divergences entre les opinions ou les aptitudes des membres, la pression à l’uniformité visant à réduire ces divergences peut se traduire de trois façons chez un membre de ce groupe.

a) Plus la tendance à évaluer une opinion ou une aptitude croît, plus la pression à l’uniformité dans un groupe en ce qui concerne cette opinion ou cette aptitude croît.

Festinger formule six autres hypothèses concernant notamment la différence entre comparaison dans le cas d’opinions et d’aptitudes. Pour en résumer l’essentiel, nous dirons que :

A. Pour les capacités, la pression à l’uniformité ne débouche pas sur un état d’équilibre, car il existe un mouvement uni-directionnel vers le haut, une tendance à vouloir toujours faire mieux, qui n’existe pas pour les opinions. Dans le cas des aptitudes, on n’accède jamais à un état d’équilibre, de « repos social » ;

B. Les pressions à l’uniformité dans un groupe dépendent de :

En résumé, la théorie avance un certain nombre de propositions concernant l’appel à des critères sociaux, notamment le fait que la comparaison ne peut se faire qu’avec des personnes qui nous ressemblent : quelqu’un de trop différent ne peut nous servir de référence pour nous forger une estimation stable. C’est pourquoi, les gens sont plutôt attirés, pour se comparer, par ceux qui leur sont proches. Ce phénomène, largement démontré s’agissant d’opinion, a des conséquences sur la constitution des relations sociales et sur la dynamique des groupes. Les gens auraient tendance à se rapprocher de l’avis de ceux auxquels ils se comparent ou à tenter de les faire changer d’opinion pour qu’ils se rapprochent d’eux.

Ainsi, naîtraient des « pressions à l’uniformité » qui, si elles ne sont pas suivies d’effets, peuvent laisser place à l’hostilité et au conflit. Aussi, est-il possible de rendre compte des comportements individuels dans les groupes, de la formation de ces derniers, et du choix des groupes de référence.