III.1.1.1. Satisfaction liée aux aspects de l’emploi

Les résultats de cette étude montrent que 44 % des sujets interrogés sont moyennement satisfaits des différents aspects de leur emploi ( cf. Figure 1, p147). Ce qui signifie que les différents aspects de leur emploi (possibilité d’avancement, conditions de travail, manière dont les collègues s’entendent entre-eux, salaire par rapport à l’importance du travail, etc. : cf. structure du questionnaire, p.141) répondent partiellement à leurs attentes. En revanche, 39 % des répondants pensent que ces aspects ne leur satisfont pas du tout: ils sont donc insatisfaits. Enfin, 15,87 % des sujets affirment qu’ils sont satisfaits.

Ces différents niveaux de satisfaction s’expliquent par la variabilité d’attentes individuelles. En effet, l’évaluation que les sujets font de leur satisfaction professionnelle dépend de ce qu’ils attendent réellement de leur emploi, des valeurs qu’ils lui accordent. Aussi, les motivations et les besoins professionnels diffèrent d’un individu à un autre. C’est pour cette raison que les motivations qui sous-tendent l’intégration à la fonction publique peuvent être diverses : possibilités d’avancement, responsabilités, sécurité de l’emploi, salaire, relation entre collègues, etc. A ce propos, Herzberg (1971) affirme que certains de ces facteurs spécifiques sont sources de satisfaction alors que d’autres suscitent de l’insatisfaction. D’après ce dernier et ses collaborateurs (1959), les individus qui sont motivés par les facteurs comme les accomplissements (réalisation d’un travail bien fait), la reconnaissance des accomplissements, le travail proprement dit (objet du travail), la responsabilité, la promotion ou l’avancement, la possibilité de développement, sont ceux qui sont satisfaits et motivés, car ces derniers les incitent à faire des efforts nécessaires pour satisfaire leurs besoins. Tandis que ceux qui sont motivés par les qualités et défauts de leur supérieur, la politique et l’administration de l’entreprise, les conditions de travail, les relations avec les collègues, les subordonnés et les supérieurs, le prestige, la sécurité de l’emploi, la rémunération, les facteurs de vie personnelle (influence de l’entreprise sur la vie personnelle, ex : mutation) sont ceux qui sont insatisfaits et pas du tout motivés , car ces facteurs suscitent en eux de l’indifférence vis-à-vis du travail. Néanmoins, Pinder (1984) souligne que ces facteurs sont nécessaires pour empêcher l’insatisfaction au travail, mais ils ne sont pas capables de générer soit la satisfaction au travail soit le comportement motivé.

Notre étude fait ressortir, comme chez Herzberg , deux types de facteurs. D’une part, les facteurs pouvant générés de la satisfaction : contributions des individus (possibilités d’essayer leur propre méthode dans la réalisation du travail, expérience à l’intérieur et à l’extérieur du ministère) et conditions de travail. Ces facteurs sont sources de satisfaction, parce qu’ils augmentent, selon le modèle de la régression logistique, la probabilité pour les sujets de choisir la modalité de réponse « satisfait » plutôt qu’ « insatisfait ». Et d’autre part, les facteurs pouvant suscités de l’insatisfaction : importance des responsabilités dans le travail. Ce dernier diminue, quant à lui, cette probabilité d’opter pour la modalité de réponse « satisfait ».(cf. résultats de la régression logistique, p. 182). En d’autres termes, la motivation des sujets pour le premier groupe de facteurs les pousse à déployer des efforts nécessaires pour transformer, pour améliorer leur situation professionnelle. Tandis que l’absence de motivation chez ces derniers concernant le second type de facteurs suscite le désintérêt pour leur emploi. Nous pouvons ainsi déduire que les 15% de sujets satisfaits sont ceux qui ont été plus sensibles au premier groupe de facteurs. Alors que les 39% sont ceux qui sont plus concernés par le deuxième type de facteur. Enfin, les 44% sont attentifs aux deux types de facteurs.

Certains facteurs tels que les conditions de travail considérés par Herzberg comme sources d’insatisfaction se sont révélés être facteurs de satisfaction dans notre étude. C’est pourquoi, l’amélioration des conditions de travail a toujours été une préoccupation majeure au Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance Sociale. Préoccupation illustrée par de nombreux rapports, qui dans leur ensemble, mettent en exergue quatre catégories de problèmes évoqués ci-dessus. Ce facteur est donc essentiel pour eux, car c’est la volonté d’améliorer ou de changer ce dernier qui les pousse à trouver des solutions à leur situation.Pour ce faire, ils multiplient des mouvements de grève. Ce facteur (conditions de travail) ne suscite donc pas en eux de l’indifférence vis-à-vis de leur emploi, mais de l’intérêt, au contraire : ils sont acteurs, face à leurs motivations. C’est dans cet esprit que Maslow (1943) stipule que la volonté de satisfaire des besoins est à l’origine de la motivation de tout individu, dès lors que ce dernier en a la volonté, il agit, il est motivé (volition, intentionnalité). C’est pourquoi, nous adhérons à l’idée de R. Martin (1977) selon laquelle « la conduite est l’instrument par lequel le besoin est satisfait. En d’autres termes, le besoin galvanise l’action ou engage l’organisme vers une action qui se poursuivra jusqu’à satisfaction » (p. 83). L’auteur précise que la motivation correspond toujours à un processus qui débute quand un individu reçoit un stimulus du milieu extérieur ou de son monde intérieur. Ce stimulus se transforme en un but à atteindre parce qu’il satisfait un besoin mais aussi parce qu’il peut induire un système de valeurs conduisant à l’élaboration d’un besoin. En d’autres termes, pour que les sujets de l’étude satisfassent leurs différents besoins, il faut d’abord qu’ils soient motivés par le désir d’améliorer ou de changer leur situation professionnelle. Cette volonté d’amélioration ou de changement se traduit ici par les mouvements de grève. Nous pouvons donc dire, en accord avec cet auteur, que leurs désirs « galvanisent » leurs besoins.

L’analyse faite précédemment montre ainsi que le niveau d’attentes diffère d’un sujet à un autre. Selon Oliver (1981), cette différence au niveau des attentes dépend notamment de l’expérience (expertise) du sujet, de ses croyances et attitudes envers un objet ou une situation. Les attentes sont, de ce fait, soumises à l’influence sociale. C’est pour cette raison que la compréhension du concept de satisfaction au travail doit tenir compte de la réalité socioculturelle des individus afin d’arriver à une meilleure analyse de leurs attentes au travail. En ce qui concerne cette étude, nous devons prendre en compte le contexte socio-économique et culturel du Gabon. Contexte, décrit dans le chapitre suivant, a une grande influence sur leur niveau de satisfaction.

En outre, cet auteur précise que le niveau des attentes initiales (élevé, bas) détermine aussi le degré de satisfaction : une attente élevée (exigence) et satisfaite apporte un sentiment de satisfaction plus intense qu’une attente mineure satisfaite. En ce qui concerne la satisfaction issue des aspects de l’emploi, le niveau des attentes (bas ou élevé) n’a pas une grande influence sur le degré de satisfaction de ces individus. Car, même si les niveaux d’attentes ne sont pas les mêmes pour ces personnes, il n’en demeure pas moins que, globalement, les moyennes de ces dernières sont relativement homogènes, quel que soit le grade (les autres caractéristiques n’étaient pas interprétables pour cette variable). En d’autres termes, la caractéristique grade n’a aucun effet sur la satisfaction basée sur les aspects de l’emploi (cf. comparaison des moyennes p166-178). Ainsi, quel que soit le grade A ou B, les niveaux de satisfaction basée sur les aspects de l’emploi sont assez proches. Mayo (1933) explique cette situation par le fait que le travail accompli par un individu n’est pas déterminé par sa capacité physique mais par sa capacité sociale. Les travailleurs ne réagissent pas à la direction de l’organisation, à ses normes et ses récompenses en tant qu’individu, mais en tant que membre du groupe. Les différents niveaux de satisfaction caractérisant les aspects de l’emploi des sujets, ne sont donc pas fonction de leurs grades. C’est pourquoi, il n’y a pas nécessairement de relation entre les aspects de l’emploi et le niveau de satisfaction.

Le concept de satisfaction s’insère donc dans un système comprenant, d’une part, l’emploi et ses différents aspects et, d’autre part, le fonctionnaire et ses attentes. C’est ce qui explique qu’il existe un système d’attentes « théoriques », inné à chaque individu, et un système d’attentes inhérent aux différences individuelles et culturelles. Les attentes sont donc considérées, à la fois, comme un élément de satisfaction et comme une opération consciente de comparaison. En effet, dans son milieu de travail, l’individu observe son environnement pour savoir s’il est aussi bien traité que ses collègues ou comme des personnes extérieures à son lieu de travail. Si, à l’issue de cette comparaison, il est insatisfait de sa situation, soit il quitte sa direction d’appartenance voire le ministère pour un autre ; soit il cherche à améliorer sa situation professionnelle. Le sentiment de satisfaction des sujets étudiés ne dépend donc pas uniquement de la situation décrite précédemment, elle résulte aussi d’une comparaison faite entre leur situation professionnelle et celle des autres.