III.1.2.2. Dimension affective de l’Image de soi

La dimension affective de l’Image de soi est construite à partir des connaissances que l’individu a de lui-même mais aussi à partir des opinions qu’autrui porte sur lui dans un contexte social donné. Ces connaissances et ses opinions (informations) naissent du rapport aux autres. Dans le contexte de cette recherche, la dimension affective résulte des rapports entre le fonctionnaire et le ministère d’une part, et entre celui-ci et les autres fonctionnaires d’autre part. La relation entre le sujet et l’organisation est basée sur le mode d’organisation et de fonctionnement (conditions du travail, les aspects et les avantages liés à l’emploi, etc.) de ladite structure. La relation avec les autres est caractérisée, quant à elle, en partie, par des comparaisons faites à l’intérieur et à l’extérieur du Ministère. De cette comparaison naît un sentiment de justice ou d’injustice, éprouvé par ce dernier quant aux avantages retirés de son emploi. C’est sur la base des aspects évoqués ci-dessus que se forme l’Image de soi : elle peut revêtir un caractère positif (36,51%), moyen (47,62%) ou négatif (15,87%).

De ce fait, la nature des rapports entre sujets au sein du ministère est donc liée aux connotations affectives positive, moyenne ou négative de l’Image de soi. L’appartenance à des groupes, la nature et la qualité des rapports entre ces groupes déterminent ainsi, les relations entre individus. Aussi, une organisation ne fonctionne véritablement que si ses membres partagent les mêmes valeurs, vivent les réalités de la même façon.

Tajfel & Turner (1978) expriment cette même idée en précisant que les individus doivent avoir intériorisé leur appartenance au groupe comme un aspect de leur concept de soi. En effet, chaque fonctionnaire est un acteur social, l’image qu’il produit reflète les normes institutionnelles découlant de sa position ou la perception liée à la place qu’il occupe dans le ministère.De ce fait, si une organisation possède une « image propre », les individus qui y travaillent devront se reconnaître dans cette image et se l’approprier, afin de maintenir ou encore d’accéder à une Image de soi positive et/ou satisfaisante.

Toutefois, il peut arriver que l’organisation n’influence pas les images individuelles de la même façon : si certains intègrent les valeurs qu’elle véhicule, d’autres le font partiellement ou pas du tout. C’est ce qui explique que nous ayons une image de soi aussi variée et pourraient expliquer, au moins en partie pourquoi certains ont une image positive, ou moyenne et d’autres une image négative. Néanmoins dans l’ensemble, ils ont globalement une image de soi moyenne. Ce niveau moyen d’image de soi se comprend par le fait que ces sujets travaillent dans les mêmes conditions, partagent les mêmes informations, rencontrent les mêmes difficultés, fréquentent les mêmes personnes (les collègues de bureaux). Ces réalités collectivement vécues ont ainsi favorisé l’émergence d’une image collective. Cette observation s’appuie également sur les résultats de l’ANOVA portant sur la Comparaison des moyennes de l’image de soi, de la satisfaction basée sur les aspects de l’emploi, de la satisfaction basée sur la comparaison des caractéristiques réelles et perçues de l’emploi et des individus en fonction des différentes directions. En effet, l’analyse des résultats indique que les moyennes des sujets, quel que soit leur appartenance aux différentes directions, sont similaires en ce qui concerne la variable image de soi. La ligne intragroupe (cf. tab. XXVII, p 169) montre aussi l’homogénéité entre les variances, car les différences à l’intérieur des groupes tendent à disparaître.

Dans le même ordre d’idées, Tajfel & Turner (1978) affirment que  les groupes sociaux ou catégories (et le fait d’y appartenir) sont associés à des connotations positives ou négatives et, de ce fait, l’identité sociale peut être positive ou négative selon les évaluations (qui tendent à être partagées socialement, soit à l’intérieur, soit entre les groupes) de ces groupes qui contribuent à l’identité sociale d’un individu. En d’autres termes, les niveaux positif, moyen ou négatif de l’Image de soi des répondants dépendent donc de la relation positive ou négative que ces derniers entretiennent à la fois avec leur ministère et avec les autres. Ainsi, le processus mental qui structure l’Image de soi peut être modélisé de la manière suivante :

Figure 15: processus mental du concept d’image de soi

L’évaluation de l’Image de soi dépend ainsi de la nature de la relation que les individus entretiennent avec leur groupe d’appartenance. Cette évaluation est-elle fonction des caractéristiques : genre, âge, situation matrimoniale, nombre d’enfants, niveau d’études, ancienneté, grade, fonction ou appartenance aux différentes directions ?

c/ Interprétation du concept « d’Image de soi » en fonction des caractéristiques des Sujets

Pour ce qui est de l’existence d’un lien entre les scores de l’Image de soi et les différentes caractéristiques : genre, âge, nombre d’enfants, niveau d’études, fonction, ancienneté, grade,… nous avons procédé à l’analyse de la variance ANOVA. La conclusion à laquelle nous avons abouti après analyse des résultats indique que les moyennesdes sujets sont similaires quel que soit l’âge, l’ancienneté ou l’appartenance aux différentes directions (les autres caractéristiques n’étaient pas interprétables). En d’autres termes, ces caractéristiques sont sans influence sur l’Image de soi de ces derniers. Ce qui signifie que les valeurs attribuées à l’Image de soi ne relèvent pas de critères liés à l’âge, l’ancienneté ou l’appartenance à une direction donnée. L’explication doit donc être cherchée ailleurs, à partir d’autres facteurs.

Ces caractéristiques n’influent pas sur l’évaluation de l’Image de soi des sujets à cause de la relation qu’ils entretiennent avec leur ministère. En effet, cette situation est due, comme évoqué plus haut, au fait qu’ils travaillent tous dans des conditions semblables et rencontrent les mêmes difficultés. Cela expliquerait que les différences à l’intérieur des groupes tendent à disparaître (les valeurs de la variance intragroupes sont faibles p169, 172,177 et 179) laissant place à une sorte d’homogénéisation des images à l’intérieur des groupes. Selon Festinger (1954), cela explique, que l’on s’évalue en se comparant à des autrui proches de soi afin d’en faire une évaluation stable.

Dans le même ordre d’idée, Kerkhoff & Back (1968) affirment que les individus qui ont des relations positives entre eux ont tendance à modeler leur comportement les uns sur les autres car ils cherchent à se ressembler : Un individu accepte un modèle implicite auquel, dans certaines conditions, il est souhaitable d’être conforme et d’agir en conséquence, en adoptant un comportement similaire. Cette argumentation nous paraît applicable à la population étudiée, relativement homogène sur le plan de la fonction quel que soit l’âge, l’ancienneté ou l’appartenance aux différentes directions. La plupart de ces fonctionnaires interrogés entre dans une appréciation assez neutre de leur situation professionnelle : satisfaction moyenne.

La négativité du l’Image de soi pourrait être un motif de départ du ministère si une meilleure opportunité s’offrait à certains. D’autres, au contraire, chercheraient à trouver des solutions pour améliorer leurs conditions de travail. Tajfel & Turner (1978) décrivent des situations similaires et précisent effectivement que, lorsque l’identité sociale est insatisfaisante, les individus tentent, soit d’améliorer leur groupe soit d’en rejoindre un autre plus positif à leur sens.

Ainsi, nous avons vu que la satisfaction ou la positivité de l’image de soi dépendait, en partie de la nature des rapports que les fonctionnaires entretiennent entre eux, et avec le ministère. La nature de ce rapport est basée sur le partage des difficultés de leurs situations professionnelles. Ces difficultés reflètent le niveau de satisfaction de ces derniers en ce qui concerne leur emploi. Ce qui signifie qu’il pourrait exister un lien entre l’image de soi et le niveau de satisfaction dans le travail. En d’autres termes, la satisfaction ou la positivité de l’image de soi serait-elle aussi fonction du niveau de satisfaction au travail ?