5. Le folklore

Les arts populaires ne sont les abonnés absents du roman toihirien : musiques, danses, chants et contes, tout y est. Danse exclusivement féminine comme le « Wadaha » au cours de laquelle les femmes font bouger, en les mettant bien en valeur, leurs fesses146 ; le « Toirab » danse mixte réunissant hommes et femmes au cours de laquelle les hommes dansent avec une canne tandis que les femmes le font en file indienne147. Seulement, au cours du Toirab de Kapégnet, ces principes n’étaient pas forcément respectés :

‘On dansait en contournant l’assistance assise. Chacun y allait de sa technique. On assista parfois à des contretemps, faux pas, cacophonie et « danser faux » assez hilarants. Il faut dire que contrairement au Séga réunionnais, à la biguine caribéenne et au makossa africain, le toirab comorien est davantage mélodique que dansant148.’

Les jeunes filles ne sont pas en reste qui chantent et dansent tous les soirs avant d’aller se coucher. Chant fort métissé pouvant « […] être à la fois comorien, malgache, créole, arabe, perse, indonésien, bantou, ou français149 ». Point fort de la littérature orale comorienne d’après notre romancier : « Nous avons l’originalité d’être les seuls à bénéficier de la littérature orale d’origine perse, de la littérature orale d’origine arabo-musulmane et de la littérature orale d’origine africaine. Tout cela s’est fondu pour former l’originalité de la littérature comorienne150. » Mais chant aussi très rythmé :

‘Les pieds piaffaient. Les mains tapaient. Ce rythme créé, cadencé par les battements des mains nues, équivalait à celui de tous les tam-tams de Zambie et de Calédonie réunis. […]
Les jambes ne se retenaient plus. Les corps n’étaient plus maîtres d’eux-mêmes. Une jeune fille d’une quinzaine d’années s’élança au milieu des autres. Elle se cabra légèrement, avança les épaules, les fit trembler. Pieds joints, d’un bond, elle fit demi-tour, se recabra, fit légèrement trembler les épaules. Alors l’assistance redoubla la vitesse des battements des mains. La fille s’avança vers une copine. Celle-ci répondit à l’invitation. La danse devint brusquement tourbillon collectif, les chants communion paganique. Les jeunes pubères étaient en extase, extase permise, publique, cosmique. Les mères, heureuses de les savoir là plutôt que dans les vallas [cabanes] des garçons, étaient au comble du bonheur151.’

Inscription des chants populaires, de danses seulement féminines ou mixtes dans le roman mais aussi inscription des contes comoriens comme celui très célèbre d’Ibun Aswiya 152 . Rien, ou presque, n’a été oublié dans la déclinaison du folklore comorien dans l’espace romanesque.

Notes
146.

Mohamed Toihiri, Le Kafir, op. cit., p. 96.

147.

Ibid. p. 107.

148.

Ibid. p. 107.

149.

Ibid. p. 184.

150.

Bernard Magnier, Mohamed Toihiri, entretien, « Mohamed Toihiri premier romancier comorien », Notre Librairie, 104, janvier-mars 1991, p. 117.

151.

Mohamed Toihiri, Le Kafir, op. cit., 184-185.

152.

Ibid. p. 185-186.