C. Manière de considérer la femme

Les romanciers, fait remarquer Jacques Dubois, « […] s’interrogent sur la singularité féminine, tantôt la posant en énigme, tantôt décrivant ses versions névrotiques ou hystériques²⁰⁸. » Mohamed Toihiri n’y échappera pas : il pose lui aussi un regard sur la femme. Clarifions cependant les choses d’emblée. Même si la société comorienne est musulmane, il ne s’agit aucunement ici d’étudier la place de la femme ni dans l’islam²⁰⁹ ni celle que lui réserve la société comorienne²¹⁰ ou le roman négro-africain²¹¹ mais de réfléchir à celle que lui accorde les romans que nous étudions. Deux remarques s’imposent. La première, c’est que, dans la société comorienne, sa place n’est pas très enviable car la masculinité, en paraphrasant Pierre Bourdieu, y constitue une noblesse²¹² ; eh bien dans le roman – deuxième remarque – pas de changement : la condition féminine demeure peu désirable.

Examinons cela de plus près. La femme, dans le roman toihirien, peut être pour les hommes un excellent objet de plaisir dont on peut vouloir se servir sans son consentement. Pensons à Foundi Shandrabo désirant jouir de Mma Said sans son accord²¹³. Pensons également au viol imputé à ces Comoriens nouvellement venus de Madagascar²¹⁴. Mais la femme peut être aussi considérée tout bonnement comme une belle et rentable marchandise. On peut échanger sa virginité et sa grossesse contre un taureau : « Il n’y a même pas six mois que la famille a dû payer un taureau pour dédommager la famille de cette petite oie que Said avait déflorée et mise enceinte²¹⁵. »