3. La beauté féminine aux Comores

Papa Msonga ? Un tueur à gages. Sa mission ? Eliminer le chef de l’Etat révolutionnaire qui commence à agacer plus d’un. Et comment ? Avec…un simple poignard. La justice révolutionnaire a considéré cela comme une tentative de putsch et les responsables devaient naturellement être jugés. Mais avant le verdict, il faut bien comprendre les motivations de chacun. Celle de la personne qui avait la charge d’exécuter la sale besogne : « […] une paire de chaussures espagnoles et une nuit avec Fatou Cacao239. » Particularité de cette femme ? C’est que : « C’est l’image même de la beauté. Chez elle une cuisse est une cuisse, une fesse est une fesse. Vous pouvez mettre un plateau sur son derrière monsieur le Juge, sans que le plateau tombe. C’est vous dire quel postérieur elle a240 ! » Comprendre : elle est ronde et munie d’une bonne paire de fesses !

Issa, tout en concédant que la beauté est une notion très relative, affirme à Kassabou que Zoufana est une belle femme. Kassabou soupçonne l’ami de son mari de prendre tout simplement la clarté de la peau de cette fille pour de la beauté : « - Quoi ? Mais tu blagues ! Zoufana est une belle fille ? Parce qu’elle est claire de peau ? Parce que pour vous les hommes il suffit qu’une fille soit blanche pour que vous la trouviez belle ? Les filles blanches seront votre malheur241 ! […] »

Quant à Marie-Ame, eh bien, trois mois avant le mariage, elle était bien nourrie et bien gardée à la maison pour que le jour de la consommation de son mariage, elle soit « […] blanche et grasse à souhait242 ». En fait, c’était pour aiguiser sa beauté car déjà « Elle symbolisait la beauté féminine comorienne : roucouleuse, potelée, dodue, mafflue, avec des mollets galbés, des fesses redondantes, une poitrine exubérante, les cheveux lisses et les yeux langoureux243. »

Au-delà de la cette parodie de justice qui tente piteusement de juger des comploteurs, du débat philosophique qui a opposé Issa et Kassabou ou tout bonnement de la préparation de Marie-Ame à son mariage, c’est bien la définition de l’esthétique féminine comme on l’entend aux Comores qui nous est présentée : rondeur et clarté de la peau ; et les cheveux lisses forment la cerise sur le gâteau. En réalité, c’est plus que cela : c’est l’esthétique comorienne tout court qui est ainsi définie. Ce qui est beau, aux Comores, c’est ce qui est rond et clair.

Notes
239.

Ibid., p. 207.

240.

Ibid., p. 207.

241.

Mohamed Toihiri, Le Kafir, op. cit., p. 151. C’est nous qui soulignons.

242.

Ibid., p. 167. C’est encore nous qui soulignons.

243.

Ibid., p. 167. C’est toujours nous qui soulignons.