2. La justice

Toute République est censée être impartiale, et a fortiori, quand il s’agit d’une République socialiste. Socialiste ou non, une République devrait rendre la justice au nom du peuple, en tout cas en tenant compte du peuple. Eh bien dans La République, elle est rendue contre le peuple. Un meurtrier a été condamné à la peine capitale mais moins pour cet acte odieux que pour être un sacrifice demandé par l’un des sorciers du chef de l’Etat. Le sorcier de Guigoz, ayant compris qu’il était concurrencé par Lulé, a inventé une histoire selon laquelle les esprits protecteurs du régime avaient demandé un triple sacrifice dont Lulé pour protection du régime révolutionnaire. Et là, le manipulateur (Guigoz) manipulé (par son autre sorcier), a manipulé à son tour son ami et second sorcier Lulé : en le poussant à commettre un double homicide. Une fois la mission funeste remplie, Lulé, bien entendu devait à son tour être exécuté. Ainsi, a-t-on le triple sacrifice humain. On le voit bien : la justice pendant la période révolutionnaire, telle que nous la décrit le roman, n’était qu’une chambre d’enregistrement des ordres de Guigoz. Le comble, c’est que, visiblement, même les membres de l’institution ne s’en rendaient pas compte439.

Mais il existe un autre procès dans La République : celle des conspirateurs qui ont voulu tuer Guigoz pour prendre le pouvoir. Elle ne diffère pas du tout des procès qui ont lieu dans toutes les dictatures : une vulgaire et parodique justice dont le verdict est connu d’avance : la condamnation pure et simple de l’adversaire politique440.

Dans Le Kafir, les choses sont très simples : il n’y a tout simplement pas de faux semblant de justice. Il y a cependant un Ministère de la Justice qui est là pour faire condamner de temps en temps quelques personnes ayant exagérément détourné les deniers publics, et ce, seulement pour calmer le mécontentement populaire : une apparence de justice démagogique441.

Notes
439.

Mohamed Toihiri, La République, op. cit., p. 153-155.

440.

Ibid., p. 208-213.

441.

Mohamed Toihiri, Le Kafir, op. cit., p. 222.