A. La République des Imberbes : un accueil mitigé

1. Du rejet du roman…

Nous disposons de trois traces de la réception de La République : celle du romancier lui-même parlant justement de la réception de ce roman, celle de Guy Ossito Midiohouan qui a rédigé un compte rendu du roman pour un dictionnaire des œuvres négro-africaines et deux récents travaux issus de deux masters : l’un est d’Abdoulatuf Bacar et l’autre de Abdou Ali Mdahoma. Dans les deux premiers cas, l’accueil est très frais.

D’après le romancier, le livre s’est bien vendu mais il a suscité des réactions violentes aussi bien en France qu’à la Réunion (où se trouve la diaspora comorienne capable d’acheter et de lire le roman). Le romancier avance deux raisons pour expliquer cet accueil réservé : l’étroitesse du territoire comorien faisant que tout le monde connaît tout le monde et la sensibilité du sujet traité (encore très récent). Il y a eu au demeurant des réactions épidermiques émanant de certaines personnes qui se sont senties visées dans le roman : « On m’a reproché de dire des choses qui montrent aux étrangers nos tares et nos défauts. Il y a eu de la part de certains Comoriens vivant en France des réactions violentes et des menaces…Tout le monde en fait prend ce roman comme s’il s’agissait d’un document historique562. » D’autres lecteurs ont adopté une attitude d’encouragement préférant saluer la publication du premier roman comorien écrit par un comorien : même certains analphabètes vivant en France l’auraient achetés par fierté563. Les lecteurs français auraient, eux, réservé au roman « […] un accueil assez courtois564 […] »

Deuxième trace de la réception de La République : celle d’un lecteur très avisé d’ailleurs spécialiste de l’approche de la réception et marxiste convaincu. Dans son compte rendu du roman, Guy Ossito Midiohouan s’est prononcé aussi bien sur la forme du roman que sur le fond : il reproche en fait au romancier d’avoir trop manifesté un parti pris et simplifié à outrance l’histoire qu’il raconte :

‘[…] ce roman-reportage où la fiction tient une place plutôt mince se présente […] comme une manière de bilan, et le lecteur attentif hésite parfois à entrer dans le jeu, tellement la parti pris manifeste de l’auteur (voir prologue) frise par endroits la naïveté politique ou l’aveuglément intégriste.
Il semble que le romancier simplifie abusivement une situation politique fort complexe dont de nombreuses données pourtant indispensables à la compréhension du règne d’Ali Soilihi [Guigoz dans le roman] sont passées sous silence565.’

Ce critique, universitaire de bon niveau, peut être de très mauvaise foi à chaque fois que le marxisme est mis en cause. Il n’est d’ailleurs pas impossible que ce soit pour cette raison qu’il rejette ce roman. Mais, pour une fois, il nous semble que les réserves qu’il formule à l’encontre du roman de Toihiri sont bien justifiées.

Notes
562.

Mohamed Toihiri, Bernard Magnier, « Mohamed Toihiri premier romancier comorien », entretien cit., p. 113 et 114.

563.

Ibid., p. 115.

564.

Ibid., p. 115.

565.

Guy Ossito Midiohouan, « La République des Imberbes », in Le Dictionnaire des oeuvres littéraires de langue française en Afrique au sud du Sahara. Tome 2. De 1979 à 1989 [1996], Paris, L’Harmattan, 2001, p. 478.