B. Le Kafir du Karthala : un accueil élogieux

Deux traces de la réception de ce roman. La première est due à Soilih Mohamed Soilih, écrivain qui a déjà publié chez l’harmattan sous le pseudonyme de Hamza Soilhaboud568 et la deuxième à Soeuf Elbadawi, journaliste et essayiste. Les deux articles sont publiés en octobre 2002 soit dix ans après la parution du roman.

Soilih ne commentait pas particulièrement le roman de Toihiri ; c’est une réflexion qui se voulait une synthèse rapide de la littérature comorienne de sa naissance jusqu’au début des années 2000. Il n’accorde donc que quelques lignes au Kafir mais tout de même élogieuses. En quelques lignes, il évoque l’esthétique et la thématique du roman : « Mêlant le sensationnel à l’imaginaire, l’analyse socio-économique à la fantasmagorie des personnages, le second roman de Mohamed Toihiri, Le Kafir du Karthala, plonge le lecteur dans une nouvelle problématique : le rapport entre les mercenaires et l’intelligentsia [« Intellectuel comorien, qui es-tu, ou vas-tu ? »]569. »

Elbadawi, lui, consacre un article entier au héros du Kafir : le Docteur Mazamba en suivant l’orientation critique du romancier qui avait indiqué dans un entretien déjà signalé que Le Kafir « […] évoquera un personnage qui se bat avec sa vie570 ». Le critique va donc se contenter de développer, avec intelligence quand même, cette idée énoncée onze ans plutôt par le romancier à la quelle il adjoint – et là la réflexion devient brillante – une dimension de tragique qui accompagne nécessairement ce rebelle marginalisé par sa propre société : il y voit, à juste titre, un grand héroïsme :

‘[…] Dr Idi Wa Mazamba devient […] ce « kafir », héros tragique, dont personne ne rêve d’endosser le rôle sur cette terre isolée du monde. Car le kafir incarne en vérité quelques une des peurs du Comorien. La peur de celui qui renie les lois de Dieu. La peur – par extension – de ne pas satisfaire à l’opinion générale. De ne pas ressembler au groupe. De ne pas se plier à un mode de pensée unique. Le kafir est – en forçant à peine le trait – celui qui refuse d’être un « semblable ». Il prétend penser par lui-même, sans céder à la pression du groupe. Il vit en marge et fait peur au groupe. Par conséquent, on apprécie de pouvoir le sacrifier bien souvent sur l’autel de la bienséance. C’est par ce kafir-là que s’introduit donc le parfum de l’héroïsme dans le roman de Toihiri571.’
Notes
568.

Hamza Soilhaboud, Un Coin de voile sur les Comores, Paris, L’Harmattan, 1993.

569.

Soilih Mohamed Soilih, « Littérature comorienne : de la fable à la politique », Africultures, 51, octobre 2002, p. 50-51. La note entre crochets est du critique.

570.

Mohamed Toihiri, Bernard Magnier, « Mohamed Toihiri premier romancier comorien », entretien. cit., p. 117.

571.

Soeuf Elbadawi, « L’intellectuel, tragique héros ? », Africultures, op. cit., p. 60.