2. En matière de réussite sociale

Répétons-le encore une fois. Le Dr Mazamba voit les Comores avec les lunettes d’un Occidental ou d’un Occidentalisé ; le narrateur aussi. Ce qui pose problème, c’est que leur vision exogène confine parfois au mieux à l’ignorance au pire au mépris de la culture de ce pays.

Le narrateur nous dit que le Dr Mazamba est un homme de qualité qui n’a plus rien à prouver à la société comorienne pour être reconnu : « Qu’avait-il encore à prouver aux yeux de la société ? N’était-il pas parmi les vrais médecins comoriens issus des meilleures universités occidentales ? N’était-il pas l’un des hommes les plus écoutés du pays ? N’avait-il pas une grande maison et une voiture640? » En effet : c’est un médecin issu d’une université française très sérieuse dont le travail est reconnu dans le pays ; il a une maison et une voiture. Vu du monde occidental, sa vie est incontestablement un succès. Seulement, aux Comores, vision certainement pour le moins à contre-temps, a réussi celui qui a fait son grand mariage mais non celui qui a une vie matérielle confortable ou un prestige conféré par le savoir. Mazamba reste donc perpétuellement en décalage avec sa société. En cela, il peut faire vibrer une jeunesse opprimée mais non un homme à la recherche d’une reconnaissance qui répugnera de facto à la marginalisation.

De par son entêtement d’occidentalisé, Mazamba perd quelque peu sa qualité de héros modéré et avisé pour endosser celui de révolté marginalisé. En refusant toute négociation avec la tradition, il accepte de n’entraîner personne dans son combat plus que légitime contre des traditions archaïques. En fait Mazamba est alternativement radical et modéré ! Dans les deux cas, c’est bien sûr un homme qui refuse l’ordre établi : un homme de gauche.

Notes
640.

Mohamed Toihiri, Le Kafir, op. cit., p. 80.