Le décorum pèse surtout sur les débuts et fins de séance. Il induit de longs discours, notamment de la part de Joseph Faure, bien que celui-ci se dise « bien plus fort dans l’exercice de l’art aratoire que dans l’exercice de l’art oratoire ». Les hommages et remerciements donnent à voir la reconnaissance d’une préséance, mêlée de précautions tactiques. Joseph Faure évoque en tout premier lieu Jules Méline, « qui, quarante ans [auparavant], ressuscita l’idée de l’organisation des chambres d’agriculture, qui sommeillait depuis 1851 » 679. Décédé en décembre 1925, celui qui a été ministre de l’Agriculture entre 1883 et 1885, puis à nouveau en 1915 et 1916, est vraisemblablement convoqué en tant que figure tutélaire et consensuelle, condensé réducteur qui nie les atermoiements des années 1870-1920, dans une « rhétorique de la continuité, que son rapport fort lointain aux pratiques rend justement intéressante » 680. En effet, le projet de loi déposé par Méline le 20 mars 1884 suscita « de vives controverses » : selon Pierre Barral, « non seulement les dirigeants de syndicats voulaient inclure [dans le corps électoral] les propriétaires non-exploitants et même non-résidents, mais à l’opposé des républicains, ils voulaient en exclure les fonctionnaires, les vétérinaires […] et aussi les salariés » 681. Dès lors, la référence à Méline ancre l’institution dans un long passé législatif, celui de créations institutionnelles avortées, tout en niant la complexité de l’héritage. Joseph Faure « adresse à Jules Méline, par-delà la tombe, l’hommage de reconnaissance, le tribut de gratitude [que l’assemblée doit] à ce bon serviteur de la cause agricole d’impérissable mémoire » 682 : mémoire entretenue en ce qu’elle alimente le mythe agrarien de l’unité paysanne, mémoire à laquelle il est opportunément fait appel alors que les débats sur le tarif douanier battent leur plein.
L’évocation par Joseph Faure de « l’homme du 2 décembre [qui] craignait que ces organismes, fondés sur une base électorale très étendue, ne deviennent une force, une puissance, irrésistible comme le seront demain les Chambres d’agriculture, si nous savons conjuguer nos efforts » 683 répond à un même impératif rhétorique : s’inscrire dans un continuum d’aspirations généreuses et unanimes, assimilées à une très vague République, par-delà l’évolution considérable du sens que ce terme véhicule et des lignes de partage qu’il génère. Est-ce également un clin d’œil à Émile Chomet, que Joseph Faure cite ensuite « parmi ceux qui ont encore contribué au vote de la loi du 3 janvier 1924 » ? Fils d’Antoine Chomet, « l’un des animateurs de la Résistance au coup d’État de 1851, [qui] parvint à quitter la France et à se réfugier en Amérique du Sud » 684, Émile Chomet, sénateur de la Nièvre de 1920 à 1924, siège à la Gauche démocratique, est membre du Cercle républicain 685 et est un des présidents de l’Association de l’ordre national du Mérite agricole 686. En 1922, il devient rapporteur, au Sénat, du projet de loi sur les chambres d’agriculture. Également président du Syndicat des éleveurs nivernais, responsable du Bulletin-Journal du Syndicat des éleveurs de la race charmoise, il préside l’office agricole départemental et siège comme vice-président de l’office agricole régional du Centre 687. Éleveur de bovins, ovins et porcins au château de Marcigny, à Saint-Pierre-le-Moutier, un chef-lieu de canton de la Nièvre, il est élu membre de la chambre d’agriculture par les délégués des associations et syndicats agricoles de la Nièvre, le 6 mars 1927 688 et en devient président en mai, à l’âge de 64 ans.
Également élu par les délégués des associations et syndicats agricoles et en dehors de toute compétition électorale, Henry Chéron est président de la chambre d’agriculture du Calvados. Avocat à Lisieux, ancien député (1906-1913), sénateur siégeant à l’Union républicaine, Henry Chéron a été ministre de l’Agriculture dans le deuxième cabinet Poincaré entre 1922 et 1924, période durant laquelle a été élaborée, débattue et votée la loi du 3 janvier 1924 : Joseph Faure le remercie d’avoir « us[é] de toute sa haute autorité, de toute son habileté de Normand, qui devient légendaire (Sourires), pour la faire adopter » 689. De Méline à Chéron, d’une figure consensuelle à l’autre, le premier père du tarif douanier et le second « adepte du libéralisme économique » 690, la première session de l’APCA s’ouvre sur l’affirmation de patronages contradictoires. D’ores et déjà, des impératifs internes immédiats se dévoilent : en la personne d’Henry Chéron, Joseph Faure fait appel à « l’éminent rapporteur de la commission des finances […], qui peut aussi, par son influence, arriver à […] faire donner [aux chambres d’agriculture] les moyens financiers [que leurs présidents] réclam[ent] » 691.
Après l’appel des délégués, l’intention de Joseph Faure semble être de « nommer d’abord un bureau, tout au moins provisoire, puis [d’]examiner les questions à traiter » 692 : émane de ses interventions une évidence, celle du simple rôle de coordination que devrait adopter l’assemblée des présidents vis-à-vis des chambres d’agriculture. C’est Charles Egasse, président de la chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir, qui « propose à l’assemblée de désigner comme président M. Joseph Faure, instigateur de la réunion » 693. Octogénaire, membre de la commission plénière de l’Office national de Crédit agricole, Charles Egasse fait figure de « monstre sacré de l’agriculture », de ceux qui « se tiennent en marge des grandes décisions, mais pas tout à fait au dehors » 694. Après sa mort, le président de l’APCA dressera ainsi son portrait : « ce vieux militant des organisations syndicales-mutualistes agricoles dont la physionomie patriarcale encadrée de sa belle barbe blanchie par les années inspirait à chacun de nous une respectueuse et bien légitime admiration » 695. Élu par acclamation, Joseph Faure, 52 ans, devient président d’une assemblée en devenir, dont les membres adoptent sans coup férir un fonctionnement académique et compassé.
Cependant, avant même l’élection des autres membres du bureau, un des présidents juge bon d’interrompre les opérations, estimant « qu’il y a d’abord à examiner la question de [l’]organisation » 696. Quoique s’exprimant « en [s]a qualité de président de la chambre d’agriculture du Cher », Louis de Vogüé ne peut manquer d’apparaître à ses pairs avant tout comme le président de la Société des agriculteurs de France (SAF) 697. On saisit d’autant mieux ainsi sa volonté précoce de « savoir si quelque chose sortira de [cette] réunion, et quelle sera cette chose » que suit l’affirmation de ce qu’« il ne peut pas s’agir de constituer une sorte d’organisme national » 698. C’est lui qui mentionne le modèle de l’Assemblée des présidents de chambre de commerce, dont la permanence au cours des intersessions est assurée par la chambre de commerce de Paris : « constituée dès 1899, mais sous la forme d’une simple association » 699, cette assemblée semble réunir des qualités organisationnelles qui siéent à une partie de l’auditoire. Au-delà du poids de la référence des chambres de commerce, découlant de leur homologie au moins sémantique et de leur nette antériorité, c’est bien autour de la loi et de la règle que s’arrime la discussion. On peut voir dans le refus du marquis de Vogüé d’« ajouter un rouage de plus à ceux peut-être déjà trop nombreux qui existent en agriculture et dans le gouvernement économique des choses », la véritable raison de son aversion pour ce qui n’est « pas prévu par la loi » 700. Cet insistant souci légaliste, partagé par Henry Chéron, n’est pas qu’un paravent : il guide la constitution de la commission d’organisation dont les membres sont nommés au cours de la matinée. Les deux vice-présidents du bureau provisoire sont certes choisis parmi les « présidents de chambre voisines de Paris, au cas où il y aurait, par la suite, des pièces à signer » : élus à la tête des chambres de la Seine et de la Seine-et-Marne, Alfred Nomblot et Georges Rémond prennent place au bureau. Le choix des membres de la commission est moins facile, notamment parce que son rôle futur est flou. C’est le débat qui oppose Georges Mahoudeau, du Syndicat des agriculteurs de Loir-et-Cher 701 et Louis de Vogüé : tandis que le premier veut confier à la commission la responsabilité de mettre sur pied un « organisme permanent chargé de centraliser tous les travaux des chambres d’agriculture, et de les provoquer à l’occasion » en en rédigeant des statuts que la loi viendrait ensuite entériner, le second minimise la portée de ces désignations et s’en tient à sa conception d’« un petit règlement à élaborer » 702.
Les parlementaires, Joseph Faure excepté, ayant été écartés sur proposition du marquis de Vogüé – nous reviendrons sur cette exigence plus avant –, c’est autour de deux pôles que se constitue la commission d’organisation. Louis Michel, sénateur de Meurthe-et-Moselle, ne peut être candidat : il propose d’adjoindre aux trois membres du bureau déjà désignés Louis de Vogüé et Félix Garcin, respectivement présidents de la Société des agriculteurs de France (SAF) et de la puissante Union du Sud-est des syndicats agricoles (USESA). Cette proposition semble tomber sous le sens pour le président, qui préconise aussi la nomination de « quelqu’un qui soit compétent en matière de droit », en la personne de Fernand Larnaude 703, le septuagénaire doyen honoraire de la Faculté de droit de Paris, fondateur et président du comice agricole de Condom et de l’Armagnac, président de la chambre d’agriculture du Gers 704, et auteur en 1899 d’une brochure sur Les accidents du travail et l’agriculture 705. Le président de la chambre de l’Hérault demande à ce qu’il soit ajouté à la liste son suppléant-délégué, Maurice Roche-Agussol, professeur de droit à la faculté de Montpellier, auteur de conférences sur le rôle économique des associations agricoles 706. Ce n’est pas sans provoquer l’ire de Pierre Boudon, président de la chambre du Lot-et-Garonne, maraîcher et président de la Société coopérative de Saint-Salvy 707, qui considère que les présidents sont rassemblés pour « défendre les intérêts de la terre, et non pas pour nommer des commissions de professeurs ». La cinglante réplique de Fernand Larnaude – « tout professeur de droit que je suis, j’appartient à une famille attachée à la terre depuis quatre cents ans » 708 – pointe les désaccords latents au sein d’organisations largement acquises à l’agrarisme et dévoile les fragiles assises de légitimités personnelles et collectives toujours disputées.
Les hommes-forts du syndicalisme agricole et les juristes ne contrôlent cependant pas toute la commission. Le compte-rendu est muet sur les raisons de la nomination du huitième membre de la commission : il s’agit d’Octave Vigne, député de 1902 à 1919, depuis exclu du parti socialiste, demeurant un influent coopérateur 709. L’ambiguïté et les atermoiements de son itinéraire politique en font une piètre caution de gauche pour l’assemblée naissante. Joseph Lefèvre, vice-président délégué de la chambre d’agriculture du Vaucluse, est ajouté à cette liste plus tard au cours de cette première session : il est ingénieur-agronome et professeur à l’INA, spécialiste des engrais 710 et membre de l’Association française des sélectionneurs de plantes 711. La composition de cette commission témoigne d’une indiscutable distance à la pratique du métier d’agriculteur, largement plus marquée qu’elle ne l’est au sein du groupe des présidents dans leur ensemble : on compte parmi les neuf membres quatre diplômés de droit et trois ingénieurs – respectivement agronome, agricole et horticole –, soit infiniment plus que dans l’ensemble de l’effectif. Proximité du centre décisionnel qu’est Paris, positions stratégiques dans les organisations influentes et compétences juridiques ont guidé ces choix, eux-mêmes induits par la situation encore peu assurée des chambres d’agriculture sur le plan organisationnel.
Joseph Faure évoque une loi qui « vaut ce qu’elle vaut » et la nécessité de « remédier [à ses] vices, à ses défauts, à ses insuffisances très nombreuses » 712. À côté des questions financières, sont mentionnés d’« autres points faibles de la loi » 713. Au cours du banquet, Jules Gautier, le président de la CNAA, file la métaphore médicale : la loi du 3 janvier 1924 aurait « quelques petits défauts de conformation », et il faut la soumettre à une « orthopédie à la fois législative et réglementaire, pour arriver à lui donner véritablement l’usage de tous ses organes » 714. Ainsi les premières questions examinées et les premières motions votées concernent les ressources des chambres, point sur lequel la loi est restée muette. Henry Chéron s’exprime en tant que sénateur, ayant voté la loi sur les chambres d’agriculture en janvier 1924, et témoigne de ce qu’alors ses homologues « compt[aient] sur les chambres d’agriculture, une fois constituées, pour obtenir, avec l’autorité morale que leur confère le nombre considérable de suffrages qui les ont élues », le vote de ressources financières.
La discussion qui s’engage est largement menée par l’ancien ministre de l’Agriculture, surtout parce qu’il appartient à la commission des finances du Sénat et préside celle qui a été constituée au ministère de l’Agriculture « pour étudier quelles sont les modifications à apporter à la loi, en particulier quelles ressources on pourrait créer pour les chambres d’agriculture » 715. Il a pour principal interlocuteur Pierre de Monicault, député et membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale 716, qui a rédigé, pour la commission créée au ministère de l’Agriculture, un rapport sur les potentielles ressources des chambres d’agriculture. Leur désaccord profond sur ce sujet commande leurs interventions croisées, malgré la quasi-symétrie des fonctions occupées. Pierre de Monicault se déclare opposé à un financement qui reposerait uniquement sur les centimes additionnels à la contribution foncière de la propriété non bâtie : cette imposition toucherait certains propriétaires non électeurs aux chambres d’agriculture, de surcroît, la propriété foncière serait déjà trop lourdement imposée et les exploitants non propriétaires et les salariés agricoles, qui en sont exemptés, auraient tendance « à être un peu trop libéraux dans le vote des ressources ».Il est en revanche favorable à des ressources mixtes, combinant à cette option une majoration de l’impôt sur les bénéfices agricoles, « de façon à atteindre les exploitants », voire instaurant « une sorte de taxe de capitation sur tous les électeurs » 717. À l’inverse, Henry Chéron, adversaire résolu de l’idée de majoration de l’impôt sur les bénéfices agricoles, préconise sans ambages la solution des centimes, pour des raisons de simplicité de perception et d’ajustement aux dépenses prévues.
Les autres intervenants sur ce sujet sont peu nombreux. Fernand Larnaude arbitre en juriste constitutionnaliste, tentant de concilier la nécessité d’une solution rapide réclamée par Henry Chéron et la patience prônée par Pierre de Monicault. S‘élève également la voix du sénateur de Meurthe-et-Moselle, Louis Michel, président de l’Office agricole régional de l’Est 718, qui s’oppose préventivement à un transfert des ressources des offices agricoles vers les nouvelles chambres d’agriculture. Henri Patizel et Gustave Coste, présidents des chambres d’agriculture de la Marne et du Gard interviennent en réaction aux paroles de Pierre de Monicault, qui enjoint l’assemblée à la patience, « quitte à perdre un an s’il le faut » 719. Tous deux président des organisations plutôt proches du « boulevard Saint- Germain », au sein du mouvement coopératif dans la Marne et d’un syndicat adhérent à la Confédération générale des vignerons du Midi. C’est Émile Damecour, représentant de la Manche au Sénat, y siégeant dans le même groupe qu’Henry Chéron, qui amène Pierre de Monicault à dévoiler les solutions envisagées. Suite à quoi Félix Garcin met en garde ses homologues contre « le risque de faire œuvre vaine, en émettant des vœux d’ordre trop général » 720 : surtout, il souhaite que la « commission exécutive » soit chargée de « maintenir le contact avec les pouvoirs publics, afin de réaliser par un moyen quelconque – loi de finances ou collectif de décembre – la réforme sur le principe de laquelle tous [sont] d’accord » 721.
Quant à Hervé de Guébriant, président de l’Office central de Landerneau, il propose, au nom de la chambre du Finistère, qu’au lieu d’une majoration « les ressources des chambres d’agriculture soient réalisées par un prélèvement sur le produit de l’impôt sur les bénéfices agricoles » 722. Aussitôt, Bernard-Henri de Menthon, président de l’Union des syndicats agricoles de Bourgogne et Franche-Comté, affiliée à l’Union centrale des syndicats des agriculteurs de France (UCSA), représentant la chambre d’agriculture de la Haute-Saône, se rallie avec empressement à la « très raisonnable » proposition de majoration de l’impôt sur les bénéfices agricoles. Enfin, Philippe Verzier, président de la chambre du Rhône, semble vouloir s’en remettre à « une commission de gens compétents » 723, sans qu’on puisse y lire avec certitude un ralliement à la suggestion de Félix Garcin. Le texte proposé par Henry Chéron se conclut sur le « vœu que les chambres d’agriculture soient autorisées à percevoir jusqu’à concurrence de 10 centimes additionnels, un impôt sur le principal de la contribution foncière de la propriété non bâtie » 724.
La discussion sur la représentation des chambres d’agriculture au sein des offices agricoles, quoique traversée de tensions anciennes, s’écoule sans heurts et il n’est rien décidé qui contredise le texte de la loi du 3 janvier 1924. Joseph Faure envisageait d’aborder « la question de la consultation des chambres d’agriculture » : si personne ne s’empare du sujet, il semble toutefois qu’interrogations et malentendus sous-tendent le débat. C’est surtout le fait du sénateur Louis Michel qui fait observer que les présidents assemblés « ne sont pas tous mandatés pour prendre une décision comme celle-là », – soit celle du vœu sur les dix centimes –, et se considère comme « obligé de voter contre » 725. Il ne rencontre certes qu’incompréhension de la part de Georges Mahoudeau qui estime que tous les membres de l’assemblée sont « mandatés pour réclamer des ressources » : pour ce dernier, l’urgence qu’il y a à dégager les chambres d’agriculture du flou législatif qui les paralyse, la crainte partagée de les voir « retomber au néant », tient lieu de règlement interne. Mais lorsque la proposition est mise aux voix, Louis Michel est accompagné par Raymond de Laulanié, qui déclare que « simple délégué de [s]a chambre d’agriculture, [il n’est] pas mandaté pour voter cela » 726. Si la retenue de ce dernier peut résulter de ses fonctions de délégué, porte-parole improvisé d’une assemblée impromptue, on ne peut en dire autant dans le cas de Louis Michel.
« Issu d’une famille primée par la Société des agriculteurs de France », distinguée par un prix « qui récompensait autant l’agriculteur lui-même que sa famille pour ses traditions d’excellence professionnelle et de haute valeur morale » 727, Louis Michel a épousé la fille de Charles Louis, vice-président de la Société centrale d’agriculture, et repris la grande exploitation que celui-ci exploitait à Tomblaine 728 et la transforme en un établissement expérimental 729. Il lui succède à la mairie en 1904 730 et à la présidence de la Société centrale d’agriculture en 1912 731. En 1927, il cumule les présidences de la Fédération des associations agricoles de l’Est de la France, du comice agricole de Nancy, du Syndicat agricole de l’arrondissement de Nancy, tandis qu’il est le vice-président de la CNAA et de la Société française de protection de la main-d’oeuvre agricole 732. Depuis 1920, il siège au Sénat où il est « un animateur de la commission de l’agriculture ». Ce serait « à son initiative » qu’auraient été créées de nombreuses organisations, dont les Caisses de crédit agricole, la Caisse départementale de réassurance contre la mortalité du bétail, le Syndicat d’élevage du cheval ardennais, le Syndicat lainier de l’Est, le Syndicat départemental d’élevage bovin et de contrôle laitier 733. Pivot des organisations agricoles de son département, il est lié par des relations de parenté et d’alliance à la plupart des grandes familles de la bourgeoisie agricole du département, patiemment étudiées par Sylvain Maresca 734, et dispose d’un réseau familial et professionnel considérablement étendu 735.
Rompu aux fonctions électives et aux délibérations, il jouit d’une autorité morale certaine au sein des organisations agricoles de son département : ce qui nous conduit à penser que c’est bien de considérations relatives à l’ampleur et à la nature du mandat de président de chambre que découle son opposition. Est-il simplement rétif à la place d’instance décisionnelle nationale que semble vouloir occuper l’assemblée des présidents ? S’insurge-t-il contre l’impensé de pratiques délibératives conçues comme allant de soi, quand les règles sont intégralement « à écrire », tant la loi du 3 janvier 1924 les maintient dans le flou ? Toujours est-il que cette première session s’ouvre dans une certaine improvisation des rôles, et qu’il faudrait prendre en compte de possibles importations discordantes de règles exogènes, celles des sociétés, des syndicats et des académies, dont aucune ne peut convenir à une institution inédite telle de l’APCA.
En comparaison, l’Assemblée des présidents de chambre de commerce a-t-elle connu un développement moins chaotique ? L’angle d’approche de cette institution semble toujours être celui de la place de la puissante chambre de commerce de Paris en son sein, et cela éloigne sans doute d’une perception fine de ses enjeux internes. D’aucuns considèrent que « l’institutionnalisation de l’APCC constitua un processus rapide : la périodicité des réunions fut fixée d’emblée comme biannuelle ; à partir de la Grande Guerre elle passa à trois réunions par an. La composition du bureau réalise naturellement un équilibre subtil entre les "grandes" chambres pour les fonctions de vice-président et les "petites" chambres pour celles de secrétaire et de trésorier. Élargi progressivement durant l’entre-deux-guerres à sept vice-présidents, deux secrétaires et deux trésoriers, le bureau bénéficia en février 1948 d’un règlement intérieur qui resta en vigueur jusqu’à la disparition de l’APCC : désormais étaient membres du bureau tous les présidents de régions économiques, cinq présidents de chambres non présidents de régions économiques, le président de la chambre de Nice et un représentant des régions économiques prix en-dehors des présidents. L’APCC n’était financée que par les cotisations des chambres et à partir de 1947 des régions économiques » 736. Rien dans cette description n’évoque cependant un déroulement sans heurts ni hésitations, lequel n’est qu’apparent et découle d’une vision a posteriori, dont l’ambition est de fournir un résumé commode, décor d’une autre histoire. Philippe Lacombrade évoque bien plutôt « des débuts timides », une lente et laborieuse « " nationalisation " de la fréquentation » et surtout un « processus d’institutionnalisation » de l’action de l’APCC pour le moins tâtonnant 737.
Au-delà du « "cafouillage" inévitable », évoqué bien plus tard par Joseph Faure dans ses Mémoires 738, on assiste plus sûrement à l’objectivation de préoccupations qui marquent l’assemblée dès ses débuts : elles ont trait à la légitimité et à la délégation, à la représentation collective ou individuelle, informelle ou instituée, à l’emboîtement des organisations et des fonctions et aux marges de manœuvre qui en résultent.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, Discours de Jules Gautier, président de la CNAA, p. 36.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 2.
Alain CHATRIOT et Claire LEMERCIER, « Une histoire des pratiques consultatives de l’État », article cité, p. 195.
Pierre BARRAL, Les agrariens français de Méline à Pisani, ouvrage cité, p. 138.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 3.
Ibidem, p. 2.
Georges ROUGERON, Les Consultations politiques dans le département de l’Allier. Le Personnel politique bourbonnais : 1789-1963, Moulins, [s.n.], 1964, 294 p., p. 203.)
Ibidem.
Annuaire Silvestre 1923
Ibidem.
L’Action rurale, n° 40, dimanche 3 avril 1927. (une)
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 3.
Pierre PIERRARD, Dictionnaire de la IIIe République, Paris, Larousse, 1968, 255 p., pp. 63-64.)
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 3.
Ibidem, p. 4.
Ibidem, p. 5.
Jean-Pierre PROD’HOMME, « Les relations entre les organisations professionnelles et les agriculteurs », dans À quoi servent les sociologues ruraux ?.– Économie rurale. Revue française d’économie et de sociologie rurales, n° 103, septembre-octobre 1974, 74 p., pp. 45-51, p. 50.
APCA, Séance du 16 mars 1931. Compte rendu, p. 13.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 5.
Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, Paris, Lajeunesse, 1936, 608 p., p. 596.)
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 6.
« Clefs pour les CCI », dans Revue d’Histoire Consulaire, hors série n° 1-juin 1999. (http://www. acfci.cci.fr/histoireconsulaire/repereshistoriques.htm)
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 6.
Pour le 40 e anniversaire de présidence de M. A. Riverain au Syndicat des agriculteurs de Loir-et-Cher, Blois, Imprimerie centrale, [1923], 46 p.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 10.
Ibidem, p. 11.
Nos maîtres de la faculté de droit de Paris, Paris, 1932, 126 p., p. 14.)
Qui êtes-vous ? Annuaire des contemporains, 1924, pp. 440-441 ; Otto Henri LORENZ, Catalogue général de la librairie française, tome 19, Paris, D. Jordell, 1908-1909, 816 p., p. 101.)
Maurice ROCHE-AGUSSOL, Le rôle économique des associations agricoles. Une expérience de syndicalisme agricole, la C.G.V. Conférences faites par M. Roche-Agussol à l’Université de Montpellier, les 26 janvier et 2 février 1924, Montpellier, imprimerie de Roumégous et Déhan, [s. d.], 57 p.
Annuaire Silvestre 1923, p. 655.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 11.
Jean MAITRON et Claude PENNETIER [dir.], Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, ouvrage cité, pp. 220-223.
Joseph LEFÈVRE, Le Mouvement des engrais salins dans le sol, d’après les récentes recherches sur la question, Avignon, F. Séguin, 1913, 19 p.
Le Sélectionneur français…, ouvrage cité, volume 2, mars 1933, p. 5-10 : liste des membres de l’Association française des sélectionneurs de plantes.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 13.
Ibidem, p. 27.
Ibidem, p. 36.
Ibidem, p. 14.
Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, pp. 2488-2489.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 18.
Annuaire Silvestre 1923, p. 721.
APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p. 15.
Ibidem, p. 19.
Ibidem, p. 20.
Ibidem.
Ibidem, p. 25.
Ibidem, p. 27.
Ibidem, p. 25.
Ibidem, p. 27.
Sylvain MARESCA, « Grandeur et permanence des grandes familles paysannes… », article cité, p. 44.
Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, pp. 2455-2456.)
François ROTH, Encyclopédie illustrée de la Lorraine. L’Époque contemporaine. Tome 2 : le Vingtième siècle, 1914-1994, Nancy, Éditions serpenoises/Presses universitaires de Nancy, 1994, 271 p.
Denise LALLEMENT, Tomblaine de 1880 à 1940, mémoire de maîtrise, Faculté des Lettres de Nancy, octobre 1972, 76 f°. Arch. dép. Meurthe-et-Moselle, 4° K II 114, f° 49.
Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, pp. 2455-2456.
Annuaire Silvestre 1923.
Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, pp. 2455-2456.
Sylvain MARESCA, Les dirigeants paysans, ouvrage cité, pp. 118-119.
Lequel est lisible notamment, a posteriori, au travers de la composition de la foule rassemblée lors de ses funérailles, détaillée dans l’article suivant : « Une grande figure agricole disparue », dans Le Bon cultivateur de l’Est, 17 novembre 1936.
Christophe BOUNEAU, « La Chambre de Paris dans le réseau consulaire national… », article cité, p. 102.
Philippe LACOMBRADE, « L’assemblée des présidents des chambres de commerce : naissance d’un contre-pouvoir, 1899-1914 », dans Jean GARRIGUES [dir.], Les groupes de pression dans la vie politique contemporaine en France et aux États-Unis de 1820 à nos jours », Rennes, PUR, 2002, pp. 85-96 ; Henry PEITER, « Institutions and attitudes : the consolidation of the business community in bourgeois France, 1880-1914 », dans Journal of Social History, IX, June 1976, pp. 510-525.
Joseph Faure, 1875-1944… ouvrage cité.