Chapitre 2. L’AP(P)CA des années 1930 : connexions agrariennes

Le contexte des années 1930 est d’abord celui de la crise économique, qui atteint l’Europe et la France à partir de 1931 et se manifeste par le ralentissement de la production industrielle et la baisse des prix agricoles, provoquant faillites et chômage dans les campagnes. La montée des extrémismes est patente et tandis que les ligues prolifèrent, le mouvement dorgériste, mouvement agrarien radical anti-républicain, prend de l’ampleur ⁷⁶¹, et les idées corporatistes gagnent du terrain, notamment au sein des centrales syndicales agricoles. Parallèlement, les organisations agricoles se structurent à gauche, avec la transformation, en 1929, du Conseil paysan français de la Confédération générale des paysans travailleurs (CGPT), d’obédience communiste, la fondation, en 1933, de la socialiste Confédération nationale paysanne (CNP) ⁷⁶² et, en 1936, la création par la CGT de la Fédération des travailleurs de la terre, regroupant les ouvriers agricoles. La politique agricole menée par le gouvernement du Front populaire répond partiellement aux aspirations de ces mouvements, contribuant à radicaliser et à souder les organisations agricoles adverses. Peu lisible dans nos sources, ce contexte tumultueux doit pourtant être présent à l’esprit du lecteur.

Après près d’un siècle de tentatives législatives avortées, les chambres d’agriculture amorcent une structuration qui tout à la fois appuie leur fragile légitimité sur les grandes figure de ce parcours en pointillé, et s’improvisent une représentation nationale tout en important en son sein les rapports de force existant dans le champ des organisations professionnelles agricoles préexistantes. La première réunion a donné le ton et se posent déjà nombre de problèmes que l’APPCA balbutiante traînera tout au long des années 1930. Et alors que topographies locales et parisiennes s’ajustent sans coïncider, se développe de façon empirique mais combative une activité consultative qui mobilise solidairement l’ensemble de l’institution, du niveau départemental au niveau national, en un système à double sens difficilement lisible. À la fin des années 1930, l’APPCA n’est-elle que la réunion épisodique de ces « notables moyens » ⁷⁶³ ou « notables types » ⁷⁶⁴ que seraient les présidents de chambre d’agriculture ? Il semble qu’au contraire l’institution existe autrement que dans la juxtaposition de notabilités par ailleurs très hétéroclites.