Une institution balbutiante

Structuration institutionnelle en cours (I)

Ce n’est qu’en décembre 1927, dans le cadre des lois portant fixation du budget général de l’exercice 1928, que « les chambres d’agriculture sont autorisée à percevoir, à partir du 1 er janvier 1929, des centimes additionnels jusqu’à concurrence de dix au maximum sur le principal de la contribution foncière des propriétés non bâties ». Il faudra encore que soit signé le décret de décembre 1928 pour qu’en 1929 les chambres d’agriculture reçoivent leurs premières ressources. Après la réunion du 24 octobre 1927, les présidents de chambre d’agriculture ont fondé l’Assemblée des présidents de chambre d’agriculture, sous la forme d’une association loi 1901. En 1932, l’APCA, sans changer de dénomination, est transformée en un Syndicat des présidents de chambre d’agriculture. Le 31 octobre 1935, paraissent au Journal officiel les décrets-lois pris en application de la loi du 8 juin 1935 – autorisant le gouvernement à prendre par décrets toutes dispositions ayant force de loi pour défendre le franc – : parmi les dispositions diverses qui suivent celles relatives à la réforme administrative, « le Gouvernement marque une étape décisive dans sa politique de défense agricole par des décrets portant une assemblée permanente des chambres d’agriculture ». Il s’agit plutôt d’instituer une « assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture ».

Le président du Conseil, Pierre Laval, et les ministres de l’Agriculture et des Finances signent un décret qui débute par une longue justification : « l’organisation d’une meilleure collaboration entre les institutions professionnelles de l’agriculture et les pouvoirs publics est, à n’en pas douter, une des mesures qui peuvent contribuer le plus efficacement au redressement de la situation agricole que poursuit le Gouvernement, et par là, à la reprise de l’activité économique, et au maintien, sur des bases solides, de la stabilité de la monnaie. Dans ce but, faisant application de l’autorisation qui lui a été donnée par le Parlement, le Gouvernement a estimé que le moment était venu de parfaire l’organisation professionnelle par l’institution d’un organe central à caractère consultatif, représentatif des intérêts généraux et spéciaux de l’agriculture ». Après avoir loué le caractère représentatif des chambres départementales, le législateur poursuit : « cependant, le cadre départemental de leur circonscription – nécessaire pour l’expression des intérêts professionnels locaux – est un obstacle sérieux aux relations entre les chambres d’agriculture et le Gouvernement. Il nous est apparu que ces relations seraient grandement facilitées par l’institution d’une assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture. Sans doute, une assemblée des présidents des chambres d’agriculture a fonctionné presque dès l’origine des chambres d’agriculture et a rendu les plus grands services à la cause agricole, mais elle ne possède pas le caractère public et son statut juridique, quelque peu ambigu, la gêne dans son fonctionnement. Le moment est venu de créer une organisation centrale, avec un stat mieux en rapport avec son rôle véritable. Constituée par les délégués élus par les chambres départementales d’agriculture, l’assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture serait effectivement, auprès du Gouvernement et du Parlement, l’organe consultatif, représentatif des intérêts généraux et spéciaux de l’agriculture. Le caractère d’établissement public qui lui serait conféré, les règles de fonctionnement (inspirées de celles qui sont applicables aux chambres départementales d’agriculture) qui lui seraient imposées nous paraissent de nature à donner aussi bien aux agriculteurs eux-mêmes qu’aux pouvoirs publics, les garanties qu’ils sont en droit d’exiger d’une telle institution, dont le rôle d’ailleurs demeurerait purement représentatif et consultatif » 775. Au sein de l’institution, le décret-loi ne provoque pas de bouleversement majeur, sinon un renforcement de son activité et de sa légitimité : les membres du bureau restent les mêmes, tandis que l’Assemblée des présidents (APCA) perdure quelques années, comme une coquille vide. Les tâtonnements sont lisibles aux niveaux départemental et national, notamment à travers l’examen des budgets.

L’évolution des comptes financiers de l’APCA, puis de l’APPCA, entre 1927 et 1938 donne un premier aperçu de ce processus. Si les recettes de l’APCA débutante, en 1927 et 1928, sont extrêmement modestes, elles croissent rapidement et sont multipliées par dix entre 1927 et 1930, puis par près de trois entre 1930 et 1934. En 1935, elles sont 80 fois plus importantes que lors de la création de l’assemblée. Les représentations graphiques 776 montrent bien à la fois la lente mais sûre augmentation des recettes et des dépenses de l’APCA en tant qu’organisation officieuse, puis le très rapide accroissement de celles-ci à la suite du décret-loi de novembre 1935 créant l’APPCA. Recettes et dépenses explosent en 1935, et tout en tenant compte de l’emprunt de près de trois millions de francs contracté en vue de l’acquisition de l’immeuble de la rue Scribe, les ressources de l’assemblée ne cessent de croître : elles sont en 1937 équivalentes à 150 fois ce qu’elles étaient dix ans plus tôt – en francs constants.

Les comptes de l’exercice 1934 montrent la répartition des recettes et dépenses de l’APCA après sept années d’existence 777. Les contributions des chambres d’agriculture représentent les deux tiers des recettes. Elles sont complétées par le produit de la vente des publications, procès-verbaux et revues, tandis que les subventions paraissent inexistantes. 42 % des dépenses sont affectées aux traitements et salaires du personnel de l’assemblée. Ce poste de dépense n’atteint cependant guère que 131 221 francs, ce qui correspondrait à trois à quatre fois le salaire accordé à Luce Prault, secrétaire général de l’APCA depuis 1927 778. Le poste « publications » représente un tiers des dépenses de l’APCA et, à côté des frais généraux inhérents à l’activité administrative de l’assemblée, les frais occasionnés par les réunions sont dérisoires.

L’examen des comptes de l’exercice 1939 779 permet de déceler une légère diminution de la part de la contribution des chambres d’agriculture au budget de leur assemblée permanente : quoique celle-ci augmente, en francs constants, de plus de 300 %, sa part passe de 68 à 59 %. De même l’accroissement des frais de traitement du personnel, supérieur à 200 %, ne doit pas masquer l’amoindrissement relatif de ce poste de dépense. Les différences de présentation des comptes et budgets occultent certaines évolutions, telle celles des publications de l’assemblée qui sont pourtant de plus en plus importantes. Les frais liés à la tenue des sessions et aux réunions du Comité permanent général (CPG) et du bureau explosent littéralement. Enfin apparaissent des « subventions des chambres d’agriculture en faveur de divers groupements et collectivités agricoles », d’un montant de 500 000 francs, qui sont apparemment redistribuées par le biais de l’APPCA, sans que le détail nous en soit connu. Ainsi, pour la période de l’entre-deux-guerres, les comptes et budgets de l’AP(P)CA ne nous permettent pas de connaître avec plus de précision l’activité déployée. Cependant, un regard attentif porté sur les dépenses des chambres départementales peut éclairer la structuration en cours du local au national, et vice-versa.

En 1934, le total des dépenses des chambres d’agriculture va de 2000 francs, pour la chambre corse, à 206 000 francs pour celle du Bas-Rhin 780. Sur cette échelle de un à dix se répartissent l’ensemble des chambres. Seules 21 d’entre elles déclarent des dépenses excédant 100 000 francs et cinq seulement plus de 150 000. La médiane se situe autour de 50 000 francs : un tiers des chambres affichent des dépenses allant de 25 000 à 50 000 francs et un autre tiers 50 000 à 100 000 francs. En moyenne, les frais de fonctionnement représentent 32 % des dépenses des chambres, mais d’importantes variations sont observables d’un département à l’autre. Dans les sources facilement accessibles, la « subvention »attribuée à l’assemblée permanente est présentée dans la même colonne que celle qui est allouée à la chambre régionale : ces deux dépenses excèdent rarement 10 % du total et se répartissent équitablement en deçà et au-delà de 5 %. Peu d’éléments nous sont livrés, mais selon le règlement de l’association professionnelle agricole qu’est l’APCA en 1934, « le patrimoine social est formé notamment : a. des cotisations de ses membres, fixées à 5 francs par an ; b. des contributions annuelles et des subventions attribuées par les chambres d’agriculture et toutes autres personnes ; c. du produit de la cession des publications faites par l’assemblée ; d. des dons et legs » 781. Vraisemblablement, comme à la fin des années 1920, c’est le bureau de l’assemblée qui « fixe la cotisation à payer annuellement par chaque chambre d’agriculture pour faire face aux frais d’organisation ou autres et à la publication des comptes rendus » 782.

En portant le regard sur les comptes des années 1938 et 1939, on constate d’emblée la considérable augmentation des volumes financiers. Dans les chambres d’agriculture, le total des dépenses va de 11 679 francs à plus de deux millions 783. Si les écarts semblent se creuser, passant de un à dix en 1934, puis de un à 180 en 1939, cela est dû à quelques cas particuliers : les chambres d’agriculture de Loire-Inférieure et de Seine-Inférieure ont vraisemblablement bénéficié d’augmentations très importantes de leurs recettes parce qu’elle se sont chargées de la construction et de l’entretien de silos à blés, qui constituent de considérables postes de dépenses. Mais même en excluant ces deux cas extrêmes, le creusement des écarts est manifeste, puisque en 1939 le total des dépenses de la chambre la mieux dotée représente plus de 32 fois celui de la chambre la moins riche. En francs constants, les dépenses ont en moyenne augmenté de 63 % dans les chambres départementales, mais cette augmentation masque des disparités flagrantes. Pour 19 chambres, les dépenses font plus que doubler : il s’agit surtout de chambres d’agriculture situées dans la moitié méridionale du pays, qui ne brassaient en 1934 que de très faibles sommes 784. Pour les autres cas, les affectations des nouvelles dépenses sont extrêmement diverses. La chambre d’agriculture de Saône-et-Loire a vu le volume de ses dépenses augmenter en francs constants de près de 400 % : elle consacre en 1939 près de 50 % de ses dépenses aux concours annuels des sociétés d’agriculture. Celle de la Mayenne, dont les dépenses ont crû de 224 %, débourse 82 000 francs, sur un total de 119 000, pour financer les cours agricoles par correspondance qu’elle a créés. 58 % des chambres d’agriculture affichent des dépenses supérieures à celles de 1934, mais sans atteindre le double de la somme d’alors. Enfin, 21 % des chambres ont vu le volume de leurs dépenses baisser, attestant d’une existence encore fragile et de capacités d’action limitées.

La part allouée aux frais de fonctionnement a tendance à diminuer entre 1934 et 1939 : dans cinquante départements, elle pèse moins dans le budget des chambres, quand bien même elle a augmenté dans le même laps de temps, en valeur absolue et en francs constants. Il ne reste guère que huit chambres pour lesquelles ce poste de dépense excède 50 % du total : pour près de 55 % des chambres d’agriculture, cette part se situe entre 25 et 50 % ; pour les autres (37 %), les frais de fonctionnement représentent moins d’un quart des dépenses. Les dépenses relatives à la rémunération du personnel vont de mille francs, pour la chambre gersoise, à 76 000 francs, somme déclarée par la chambre d’agriculture du Bas-Rhin – ce poste de dépense représentant 6 à 76 % du total des frais de fonctionnement, et 1 à 45 % de l’ensemble des dépenses de la chambre – : autant de situations extrêmement variées 785 qui ne doivent pas masquer l’évolution d’ensemble qui semble être celle d’une augmentation des frais liée au recrutement d’un ou plusieurs agents administratifs, voire techniques, augmentation cependant moins rapide que celle du reste des dépenses. On retrouve la même évolution au niveau de l’APPCA : c’est l’indice d’une institution encore jeune, en train de constituer ses équipes administratives en même temps qu’elle élargit son champ de compétence. D’après les informations notées par Luce Prault en 1939 et 1940, 65 chambres d’agriculture se seraient dotées des services d’un secrétaire administratif, en dehors des cas où le directeur des services agricoles (DSA) remplit cet office. Ces dépenses restent cependant très modestes, puisqu’on ne compte guère que quatre chambres d’agriculture qui emploient plus d’un salarié, et que le total de ces dépenses n’excède pas l’équivalent de deux fois la rémunération de Luce Prault, secrétaire administratif de l’APPCA.

La répartition des dépenses des chambres n’est pas facile à analyser : les « subventions et dépenses avec affectations spéciales » ne sont guère détaillées et il n’est pas aisé de situer les organisations citées, et notamment de déterminer si elles sont nées dans le giron de la chambre d’agriculture ou en dehors d’elle. En 1934, Roger de La Bourdonnaye présente un rapport sur les « attributions autres que consultatives des chambres d’agriculture », en se fondant sur les réponses de 67 chambres d’agriculture à une enquête de l’APCA. Il en conclut que ces attributions consistent alors en la création de « Maisons de l’Agriculture » – dont l’existence et le rôle seront abordés plus avant –, ainsi qu’en services de cotation des denrées agricoles. Ces derniers ont été créés par 17 chambres. Les chambres d’agriculture s’intéressent également aux recherches scientifiques en constituant des laboratoires : un laboratoire de panification en Haute-Garonne, un institut pédologique à Strasbourg, un service d’analyse des terres, engrais et provendes dans les Côtes-du-Nord, un service d’analyse des laits dans la Loire. Ce sont encore des « œuvres d’enseignement » et des bibliothèques, des bourses aux élèves des écoles d’agriculture ou ménagères, des participations aux entreprises de drainages, irrigations, reboisement, génie rural et travaux agricoles, à la construction de silos à céréales, au soutien aux coopératives, syndicats, associations et groupements divers. En 1934, malgré quelques initiatives isolées, l’action des chambres d’agriculture passe très largement par le soutien, la participation, le subventionnement. En 1939, on compte quelques cas d’actions entreprises directement par des chambres d’agriculture, mais la tendance reste très discrète. Les créations d’établissements d’utilité agricole sont si peu nombreuses que leur énumération occupe peu de lignes 786. La chambre d’agriculture des Basses-Pyrénées consacre près de la moitié de son budget à sa station de génétique du maïs 787. Quelques rares et vagues « services de comptabilité » auraient été fondés. Plus tangibles sont les cours d’enseignement et d’apprentissage créés çà et là : cours par correspondance dans la Vienne, la Haute-Vienne, le Doubs, la Mayenne, la Sarthe notamment. Les silos des départements de l’Allier, de la Seine-Inférieure et de la Loire-Inférieure mobilisent des sommes considérables, et nombre de chambres d’agriculture semblent attendre de savoir si ces activités sont susceptibles de rémunérer les capitaux engagés avant de les imiter.

Deux exemples montrent la diversité potentielle de répartition des dépenses des chambres d’agriculture 788. Dans le Rhône, à côté des dépenses de matériel, de personnel et des frais de déplacement, 17 % des dépenses sont consacrées au centre de recherches vétérinaires et 9 % au laboratoire d’œnologie de Villefranche, créé par la chambre elle-même. La ventilation des dépenses dans de multiples directions est manifeste : les différentes productions – fruits, vins et élevage – sont inégalement dotées et, sans doute dans des buts de propagande, les aides débordent le cadre strictement agricole en subventionnant notamment « Les amis de la Doua » et « Radio-Lyon ». Les ambitions de la chambre de Seine-Inférieure en matière d’enseignement agricole, de soutien aux producteurs de lait et de pommes, de météorologie et de lutte contre les animaux nuisibles, lui font y consacrer d’importantes sommes, mais qui paraissent dérisoires en regard de celles qui sont investies dans les silos à céréales.

Au cours des années 1930, l’APPCA se contente d’enregistrer ces initiatives exogènes, sans prétendre à aucun rôle autre que celui d’une très discrète volonté d’émulation, encore bien timide en 1940 789. Comment l’activité de l’assemblée est-elle perçue par les membres des chambres d’agriculture ? L’absence de correspondance et de témoignage oblige à des conjectures. Le secrétaire général de l’APPCA, en 1940, voit celle-ci, vis-à-vis des chambres départementales, comme « un organisme d’action commune pour assurer en permanence leur liaison, les maintenir en contact étroit avec le pouvoir central, les documenter, coordonner leurs travaux et en effectuer la synthèse, orienter et concentrer leur activité, et conférer ainsi le maximum d’autorité aux desiderata de l’ensemble de l’agriculture française ». Son secrétariat permanent a pour tâche de « préparer les réunions périodiques, renseigner les Chambres d’agriculture et notamment, par la publication de la Revue Chambres d’agriculture , servir d’organe d’information et de liaison qui permette aux Chambres départementales, par une collaboration continue, de coordonner leur travaux et de rationaliser leur activité » 790. La coordination en question tourne largement autour de l’activité consultative des chambres d’agriculture et de l’assemblée, dans un double rôle de médiation et de documentation. Alors qu’en 1934, le financement de l’APCA par les chambres départementales reposait sur un système de cotisation dont le montant était proposé par le bureau de l’APCA, le décret-loi d’octobre 1935 introduit une nouvelle dimension : son article 4 décrète que « chaque chambre départementale d’agriculture est autorisée à verser une cotisation à l’Assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture dans la limite d’un centime additionnel sur le principal de la contribution foncière des propriétés non bâties ». L’institutionnalisation d’une cotisation de type associatif a-t-elle suscité des résistances, susceptibles de trahir une méfiance de certaines chambres d’agriculture ne reconnaissant pas à l’APPCA la légitimité qu’elle revendique ?Nous n’avons pu isoler qu’un indice dans ce sens. Le compte rendu de la session de mai 1938 comporte ces quelques lignes : « il faut toutefois signaler que la chambre d’agriculture des Hautes-Pyrénées a refusé de payer le reliquat de 663 francs 36 dont elle restait redevable envers l’Assemblée permanente » 791. Si cela ne signifie pas avec certitude que la chambre des Hautes-Pyrénées dénie toute utilité à l’APPCA, une certaine distance est décelable, notamment si l’on précise que le président de la chambre, Georges Batbie, ne se rend à aucune des sessions de l’AP(P)CA au cours des années 1927-1940.

D’après le tableau publié dans le numéro de la revue de l’APPCA daté d’avril 1939, les sommes allouées à l’assemblée permanente vont de 798 francs, dans le cas du territoire de Belfort, à 33 527 francs, pour la Manche. La médiane se situe entre 12 000 et 13 000 francs. Dès la fin des années 1920, les ressources des chambres départementales d’agriculture reposent essentiellement sur une taxe additionnelle de onze centimes, au maximum, sur le principal de la contribution foncière des propriétés non bâties : chaque chambre réserve alors le onzième centime à l’APPCA. Si la valeur de la somme versée est liée à la valeur des centimes additionnels à la contribution foncière des propriétés non bâties, très variable d’un département à l’autre, elle ne semble pas lui être directement proportionnelle. D’après les tableaux publiés en 1939, la part de la subvention à l’APPCA dans le total des dépenses va de 1 à 25 % des dépenses. De deux choses l’une. D’une part, certaines chambres ont contracté un important emprunt, leurs dépenses sont ainsi partiellement déconnectées de leurs recettes issues de la taxe foncière, et la part de la subvention paraît minime. D’autre part, d’autres chambre ne semblent pas profiter jusqu’au maximum de dix centimes des ressources reposant sur le foncier non bâti, et la somme versée à l’APPCA, tout de même équivalente à un centime sur onze, pèse lourd par rapport aux dépenses totales. 28 chambres d’agriculture versent 50 % de la somme totale versée à l’APPCA, tandis que les 62 restantes apportent l’autre moitié. Les chambres du Nord Ouest de la France semblent particulièrement soutenir l’APPCA, du moins les chiffres le laissent penser, en valeur absolue comme en valeur relative, et les marges pyrénéennes et alpines sont nettement moins présentes 792.

Le titre III de la loi du 3 janvier 1924 précisait d’emblée : « les chambres départementales d’agriculture pourront se concerter en vue de poursuivre l’étude et la réalisation de projets communs à plusieurs départements. Elles pourront même se constituer en unions, sous le titre de chambres régionales, après en avoir avisé le ministre de l’Agriculture. La chambre régionale se composera de membres délégués par les chambres départementales fédérées, à raison de quatre délégués par département ». Le décret du 8 décembre 1928 sur le régime financier des chambres régionales d’agriculture décrète que leurs recettes ordinaires comprennent notamment « les subventions des chambres départementales du ressort de la chambre régionale ». En 1939, suivant les informations publiées dans Travaux des chambres d’agriculture, cette subvention va de cent francs, pour l’Yonne, à 15 500 francs, pour l’Isère. La part de celle-ci dans le total des dépenses va de 0,05 %, toujours pour l’Yonne, à 8,7 %, pour la Haute-Savoie. Cinquante chambres consacrent moins de 1 % de leurs dépenses aux chambres régionales et vingt autres de 1 à 2 %. Récente et non impérative, laissé à l’initiative des chambres elles-mêmes, la structuration régionale trahit sans peine sa défaillance à la fin des années 1930. La répartition géographique montre très clairement les inégalités en la matière et dévoile deux phénomènes. Souple, la structuration régionale se fonde sur le principe du regroupement volontaire et admet les multi-appartenances. Si trois chambres n’appartiennent en 1936 à aucune chambre régionale, 75 dépendent d’une d’entre elles, dix ont apporté leur adhésion à deux chambres régionales, et trois sont même représentées dans trois d’entre elles. La répartition géographique des chambres départementales qui ont ainsi opté pour l’appartenance à plusieurs chambres régionales révèle une coïncidence avec celle où les subventions aux chambres régionales sont les plus faibles 793. À l’inverse, les chambres d’agriculture qui sont les plus impliquées financièrement dans les structures régionales le sont de façon univoque, en faveur d’une chambre régionale : ainsi perçoit-on un début de structuration dans le Nord-Pas-de-Calais et en Bretagne, mais surtout autour de la chambre régionale de Lyon.

Notes
775.

Journal officie de la République française, 31 octobre 1935, p. 11407 et p. 11641.

776.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Graphiques 1 à 3.

777.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Tableau 1. Graphiques 4 et 5.

778.

Voir infra. Chapitre 5. B. La crise d’avril 1953 : « boîte noire » 2610 et répercussions, p. 548, et Annexes. Dossier n° 8. 3. Luce Prault. Document 3.

779.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Tableau 1. Graphiques 6 et 7.

780.

Travaux des chambres d’agriculture, 16 mars 1934, pp. 99-107.

781.

APCA, Séances des 16 et 17 mars 1934, Compte rendu, p. 12.

782.

APCA, Séances des 19-20 mars 1929, Compte rendu, p. 10.

783.

Travaux des chambres d’agriculture, 20 avril 1939, pp. 589-605.

784.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Carte 1.

785.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Carte 2.

786.

Luce PRAULT, « La représentation professionnelle agricole. Les Chambres d’Agriculture et l’Assemblée permanente des Présidents des Chambres d’Agriculture », dans Droit social, avril 1940, pp. 107-112, p. 110.

787.

Travaux des chambres d’agriculture, 20 avril 1939, pp. 589-605.

788.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Tableaux 2 et 3.

789.

Luce PRAULT, « La représentation professionnelle agricole… », article cité.

790.

Ibidem, p. 111.

791.

APPCA, Session ordinaire des 31 mai-1 er juin 1938, Compte rendu, p. 441.

792.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Carte 3.

793.

Voir Annexes. Dossier n° 2. 1. Carte 4 et document 1.