Des rapports aux « vœux » ?

L’analyse à laquelle il a été procédé repose surtout sur le recensement complet des rapports présentés devant l’assemblée en session plénière et des vœux votés. Par vœu, reprenant le terme usité à l’époque étudiée, nous entendons les textes adressés aux « pouvoirs publics », dont la rédaction et le vote occupent très largement l’assemblée au cours de la période de l’entre-deux-guerres. L’attente de départ est en partie déçue puisqu’on observe une nette disjonction entre rapports et vœux : cette disjonction devient alors l’objet d’étude, se substituant au schéma théorique d’une chaîne ininterrompue d’informations circulant de la base au sommet, et vice et versa. Le dépouillement des comptes rendus de séances a révélé l’existence d’une zone de flou entre rapports et vœux. Quoique sténographiés avec précision, les comptes rendus font souvent l’impasse sur les conditions dans lesquelles un vœu est élaboré et il n’est pas toujours facile de déterminer la relation de parenté entre un rapport et la position commune votée en fin de session. Se jouent plusieurs enjeux derrière cette opacité relative. C’est encore la question de la légitimité et de la représentativité qui commande de s’appuyer sur des initiatives individuelles ou collectives, sur une consultation plus large de la base. C’est également le rapport à l’expertise et à la compétence qui sous-tend la nécessité revendiquée ou non de s’appuyer sur un rapport, de se retrancher derrière lui ou de l’instrumentaliser. Se dessinent enfin les frontières ténues entre la face interne et la face externe d’une institution qui joue son identité, à mi-chemin entre public et privé, au cœur de réseaux enchevêtrés qui interdisent de penser des mondes clos sur eux-mêmes face à des altérités monobloc.

Le présupposé qui voudrait qu’un nombre élevé de rapports donne lieu au vote d’un nombre inférieur ou égal de vœux à adresser aux pouvoirs publics est immédiatement démenti à l’examen des comptes rendus. Si 292 rapports sont présentés devant l’assemblée de 1928 à 1940, soit neuf à dix en moyenne par session, pas moins de 550 vœux sont votés, soit 17 à 18 par session. La proportion est d’à peine plus d’un rapport pour deux vœux, en apparence, mais la situation est infiniment plus complexe. 160 rapports, sur 292, soit 55 %, donnent lieu au vote d’un vœu dans la même session. Il s’en suit que 29 % seulement des 550 vœux découlent d’un rapport présenté au cours de la session. Des variations majeures sont cependant observables qui permettent d’échafauder des hypothèses expliquant ces résultats. Des décalages temporels sont observables tout au long de la période. Ils sont d’abord dus à un constant effet de mûrissement. Ils sont ensuite générés par un effet d’accumulation, après la crise et la refondation de 1935. On observe également un décalage temporel dû au nécessaire mûrissement des décisions. Lorsqu’un rapport aborde un nouveau thème, il arrive que le vote des vœux qu’il contient ou entraîne soit ajourné à la session suivante : une douzaine de cas ont pu être repérés. Quelques exemples sont éclairants : celui de la réglementation de la propriété horticole montre bien, par exemple, les atermoiements fréquemment observables à l’APCA.