Encart biographique : Charles-Alfred Nomblot et la question de la propriété horticole

Lorsqu’en mars 1929, Alfred Nomblot, président de la chambre d’agriculture de la Seine, député et secrétaire général de la Société nationale d’horticulture de France, présente un rapport sur « la propriété agricole et horticole », alors qu’à l’issue du débat des « voix nombreuses » clament « aux voix, aux voix ! », Joseph Faure assène : « il semble bon de ne pas prendre position aujourd’hui. Si M. le rapporteur voulait bien accepter d’examiner la question de plus près à la Commission de l’agriculture de la chambre des députés en tenant compte des suggestions et des observations qui ont été présentées… (Protestations) ». Il faut préciser que c’est moins un vœu qu’une proposition de loi qu’Alfred Nomblot soumet à l’APCA, laquelle proposition de loi il entend déposer à l’Assemblée nationale. Consacrant « le principe de la propriété agricole et horticole et conf[érant] à l’obtenteur des variétés nouvelles le droit exclusif d’exploiter, à son profit, l’obtention nouvelle », organisant un « Office national de la propriété agricole et horticole » 933, légiférant sur les conditions de dépôt des brevets agricoles et horticoles et sur la protection des marques agricoles et horticoles, cette proposition de loi a suscité des débats houleux, dont l’histoire se révèle des plus significatives. Souligner le rôle du rapporteur peut-il être envisagé sans évoquer l’itinéraire de celui-ci, ses multiples engagements, ce qui lui vaut la reconnaissance d’une légitimité et les tribunes auxquelles il a accès.

Né le 25 février 1868 au Creusot (Saône-et-Loire) 934, Charles Alfred Nomblot est ingénieur horticole 935. Dès la fin du 19e siècle, il est installé à Bourg-la-Reine au sein de l’établissement horticole et des pépinières « Nomblot-Bruneau » 936, du nom d’Henriette Bruneau 937, épousée en juin 1894 938. Il est secrétaire général lors du congrès international d’arboriculture et de pomologie, tenu pendant d’exposition universelle de 1900 939, pendant laquelle les établissements Nomblot-Bruneau présentent leurs produits, comme ils l’avaient fait en 1889 940. Au cours des années suivantes, en 1904 à Saint-Louis, en 1905 à Liège, en 1906 à Milan, en 1908 à Saragosse, en 1910 à Bruxelles et à Gand en 1913, leurs productions horticoles sont à nouveau à l’honneur 941, tandis qu’un représentant de l’entreprise – Alfred Nomblot ou son beau-père vraisemblablement – est membre du jury des expositions de Londres (1908) et Turin (1911).

Au début des années 1920, Alfred Nomblot, maire de Bourg-la-Reine 942, dirige un établissement primé à de nombreuses reprises pour ses spécialités d’arbres fruitiers, « formés ou non formés », sa collection générale de végétaux d’ornement de toutes forces, conifères, rosiers, rhododendrons, plantes grimpantes, plantes à forcer, et de plantes vivaces 943. Particulièrement compétent dans le domaine fruitier 944, notamment à propos des poires dont il aurait établi une liste des 337 meilleures variétés 945 : il est alors secrétaire général de la Société nationale d’horticulture, secrétaire de l’office agricole départemental et délégué à l’office régional, ainsi que membre de la CNAA 946. Candidat malheureux aux législatives de 1924, sur la liste du cartel d’union républicaine et sociale de la banlieue 947, il est en 1927 élu à la chambre d’agriculture de la Seine dès sa création et en devient le premier président : il a alors 59 ans. Le 24 octobre 1927, lors de la première réunion des présidents à Paris, il est désigné pour faire partie du bureau provisoire avec Georges Rémond, président de la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne, autre vice-président 948 : au contraire de ce dernier, il n’est pas reconduit dans cette fonction en mars 1928, puisque la vice-présidence échoit à Félix Garcin 949. Lors de cette séance, il présente un rapport sur le crédit agricole, pour demander l’augmentation de la dotation de la Caisse nationale de crédit agricole et mettre celle-ci en situation de jouer le rôle de caisse de compensation 950 : le « vœu » qu’il propose alors est largement édulcoré.

Élu député en avril 1928, il s’inscrit au groupe de la « gauche républicaine », et devient membre de la commission de l’armée, de celle du commerce et de l’industrie et enfin de celle de l’agriculture 951. Lors de la séance du 5 décembre 1928, avec plusieurs collègues dont Henri Queuille, ancien ministre de l’Agriculture, Pierre de Monicault et Achille Fould, il dépose une proposition de loi « ayant pour objet la création et la protection de la propriété agricole et horticole, 1°/ en matière de variétés ou de races nouvelles. 2°/ en matière de marques et qualifications agricoles et horticoles » 952.

Philippe Verzier, président de la chambre d’agriculture du Rhône, aborde d’abord la difficulté de déterminer et prouver la contrefaçon. C’est ensuite Raymond de Laulanié, délégué de la chambre d’agriculture de la Vienne qui fait part de son hostilité à la protection des semences agricoles : il prend l’exemple du blé Vilmorin 23 et de la rapidité de sa propagation, reprochant à la proposition de loi de Nomblot de conduire à freiner cette diffusion. Ceux qui appuient cette crainte d’une régression de la culture du blé semblent nombreux dans l’assemblée. Joseph Lefèvre, délégué de la chambre d’agriculture du Vaucluse, ingénieur agronome, professeur d’agriculture à l’Institut national agronomique, membre de l’Association française des sélectionneurs de plantes 953, « hybrideur de blé » selon ses déclarations 954, émet des doutes sur les possibilités pratiques d’assurer la protection et de reconnaître les variétés. Il déclare également : « si un commerçant vend du blé Vilmorin 23 de la maison Vilmorin, on peut lui appliquer une sorte de licence. Mais qu’un agriculteur qui a cultivé du blé hybride Vilmorin 23 et qui le donne à son voisin, à son frère, qui l’échange avec son cousin, puisse être poursuivi, ce serait chose excessive et que nous ne pouvons pas demander (Applaudissements) » 955. Ainsi le débat est bien vite traduit en termes d’intérêts par les protagonistes eux-mêmes : l’intérêt particulier – celui des sélectionneurs, graineurs, semenciers, obtenteurs – s’opposant à ce qui est présenté comme l’intérêt général – soit les bénéficiaires de la production de blé et de la propagation des « bons blés », sans que l’on sache s’il s’agit de la population, des coopératives ou des seuls exploitants céréaliers. Alfred Nomblot s’obstine : « s’il est bon de diffuser rapidement une bonne variété, et sur ce point je suis d’accord avec vous, sous réserve des moyens à employer, encore faut-il l’obtenir. Si vous ne faites rien pour encourager le chercheur, vous travaillerez contre l’intérêt général qui exige l’intensification des recherches dans cette voie ».

Après l’ajournement proposé par Joseph Faure, certains membres de l’APCA proposent de réduire la proposition à la production horticole et florale, car comme l’énonce sans ambages Augustin Couzinet, président de la chambre d’agriculture de la Haute-Garonne, « pour les blés, vous n’aurez personne avec vous » 956. Joseph Lefèvre en convient et le formule ainsi : « Il serait très dangereux que nous ayons une position acquise sur la question. Nous devrions maintenant prendre une décision pour ce qui vise la propriété horticole et laisser la question à l’étude pour ce qui vise la propriété agricole (Protestations) » 957. C’est Pierre Saint-Olive, délégué de la chambre d’agriculture de l’Isère et président de l’Union laitière du Nord-Dauphinois qui demande le renvoi aux chambres d’agriculture, suivi par Joseph Faure qui conclut par ces mots : « le rapport de M. Nomblot sera donc envoyé à chaque chambre d’agriculture, qui sera invitée à y répondre et à présenter ses observations et ses suggestions » 958. Un an plus tard, en mars 1930, l’APCA vote un vœu sur ce sujet, reconnaissant la « nécessité d’établir légalement la reconnaissance de la propriété agricole et horticole des nouveautés végétales et sa protection » et approuvant la « proposition de loi Ricolfi rapportée au Parlement par M. A Nomblot, "mais sous la réserve qu’aucune mesure pareille ne soit établie et que soit notamment et nettement reconnu dans le texte définitif le droit, pour les agriculteurs cultivant les variétés nouvelles, d’en céder librement le produit, même comme semences, sous la seule condition de ne pas recourir, à cet effet, à des méthodes commerciales de vente" » 959. Sans préjuger des résultats de la consultation des chambres d’agriculture, dont nous ne connaissons pas le détail, on peut observer que l’APCA en reste au statu quo de mars 1929 : l’indécision est bien ici la résultante d’intérêts divergents, et la composition de l’assemblée, qui compte plus de céréaliers que de sélectionneurs, n’est que le lieu de la confrontation d’intérêts en construction. Naissante, la notion de « propriété agricole » sera réglementée dans d’autres cénacles.

Les sujets abordés et défendus peuvent être classés en cinq catégories thématiques – organisation professionnelle, économie agricole et rurale, aspects techniques, législation sociale, équipement et aménagement 960. Les questions relatives à l’organisation professionnelle représentent 20 % des vœux. Leur cas est spécifique puisqu’elles sont assez disjointes des rapports auxquels elles donnent lieu : les rapports du trésorier et du secrétaire général de l’AP(P)CA sont à usage exclusivement interne, et en revanche les vœux votés ne sont guère débattus. C’est notamment le cas de l’épineuse et lancinante discussion sur les rapports des chambres d’agriculture et de l’AP(P)CA avec ceux que l’on rassemble en une vague entité appelée « pouvoirs publics », soit surtout les préfets et les interlocuteurs du ministère de l’Agriculture. À l’inverse les rares rapports sur les chambres de commerce n’aboutissent pas, tandis que les cinq rapports concernant la représentation dans les organismes consultatifs donnent lieu à 17 vœux différents.

Les aspects techniques sont relativement peu abordés : ils représentent à peine 11 % des rapports et des vœux. Les questions les plus récurrentes ont trait aux engrais et à la protection phytosanitaire. De 1931 à 1936, Édouard Bernard, secrétaire de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire, présente sept rapports sur les engrais azotés, les amendements calcaires et le nitrate de soude. Il y est question de la participation des agriculteurs et de leurs organisations à la gestion de l’Office national industriel de l’azote (ONIA). En 1932, le vœu qui découle d’un de ses rapports demande « que l’Institut des Recherches agronomiques et les Offices agricoles départementaux et régionaux, dont la majeure partie des ressources est fournie par le budget de l’État, facilitent, avec le concours particulièrement actif des directeurs des Services agricoles et des professeurs d’agriculture, dans toutes les régions de la France, l’organisation d’expériences sur les nouveaux engrais azotés et le développement de l’emploi des engrais dont l’expérience aura démontré la valeur ; [et] que ces études soient orientées notamment vers la recherche de quelques types d’engrais peu nombreux répondant aux besoins et aux possibilités agricoles » 961. Parallèlement, de 1930 à 1933, Henri Decault propose cinq rapports, dont les quatre derniers sont suivis du vote de vœux, sur la « défense sanitaire des végétaux ». Tous deux sont, au moins un temps, portés par une commission, au niveau de l’APCA, portant précisément sur la question défendue.

Les questions relatives à la médecine vétérinaire et à la prophylaxie sont également relativement présentes, avec une dizaine de rapports au cours de la période, et près de 17 vœux s’y rapportant plus ou moins directement. Pierre-Ferdinand Patriat, président de la chambre d’agriculture de Côte-d’Or et de la Caisse régionale de réassurance contre la mortalité du bétail, propose en novembre 1928 et mars 1929, deux rapports sur la « prophylaxie de la tuberculose bovine et le contrôle de la salubrité des viandes », en réaction au projet de loi voté par les députés le 15 mars 1928. Il soumet ensuite, en mars 1931, un rapport sur l’« organisation de la lutte contre les épidémies du bétail et particulièrement contre la fièvre aphteuse », au nom de la chambre régionale d’agriculture de l’Est : cela donne lieu au vote d’un vœu demandant « que des crédits importants, comparables à ceux dont sont dotés les laboratoires étrangers, soient accordés chaque année au Laboratoire de recherches des services sanitaires, pour l’accroissement du personnel, la poursuite et le développement des travaux en cours [et qu’] une partie de ces crédits soit affectée aux laboratoires des affections contagieuses de nos écoles vétérinaires, [demandant également] la création d’un corps mobile de huit Inspecteurs sanitaires [et à ce] que les chambres d’agriculture, dès qu’elles auront les crédits nécessaires, subventionnent le Laboratoire national de recherches des services sanitaires » 962. En 1936, c’est encore lui qui présente, au nom de la commission générale des productions animales de l’APPCA, un rapport sur « le projet de loi sur l’exercice de la Médecine vétérinaire ».

Lors de la même session, René Bardin – président des syndicats spécialisés « race bovine » et « race chevaline » de Chevenon, président de la Fédération des syndicats hippiques et de la Fédération des syndicats d’élevage de la Nièvre,représentant de la Science zootechnique et de l’élevage au Comité supérieur des livres généalogiques des races françaises d’animaux, constitué par décret du 13 juillet 1923 à la direction de l’Agriculture du ministère du même nom 963 et enfin vice-président de la chambre d’agriculture de la Nièvre et membre de la même commission – présente un rapport sur « l’étude des méthodes scientifiques de la lutte contre l’avortement épizootique ». Toujours le 26 mai 1936, Joseph Harent, membre de la commission générale des productions animales, président de la chambre d’agriculture et sénateur de la Somme, présente un texte sur « la toxicité des tourteaux de lin », objectivant le lien fait, au niveau de l’APPCA, entre les intérêts des producteurs de céréales et des éleveurs, quel qu’en soit l’angle d’approche.

Les rapports et les vœux concernant la législation sociale au sens large, soit autant la protection sociale que la famille, la main-d’œuvre agricole, les baux ruraux et le statut du fermage, les calamités agricoles, mais également les questions fiscales, sont relativement nombreux : une soixantaine de rapports y sont consacrés, et donnent lieu au vote de 90 à 120 vœux s’y rapportant directement ou non. Particulièrement nombreux sont les rapports et les vœux sur la question de la main-d’œuvre agricole. Les positions défendues sont celles de propriétaires, inquiets des questions relatives à la fixation des salaires, aux litiges avec des ouvriers agricoles et au statut de la main-d’œuvre immigrée. En mars 1935, « l’APCA se prononce nettement contre l’application de la loi du 10 août 1932  964 dans les exploitations agricoles. Elle escompte qu’après avoir reconnu la nécessité d’emploi de la main d’oeuvre étrangère spécialisée en agriculture, le Ministre du Travail voudra bien attribuer les autorisations d’introduction dans les délais les plus courts en simplifiant au maximum la procédure d’examen des demandes actuellement usitées, afin que les ouvriers puissent arriver en temps utile, et que ne soient pas compromises les cultures intéressées » 965. Clairement, l’assemblée permanente se situe dans la droite ligne du processus alors en cours : à partir de 1932, « les pouvoirs publics renoncent partiellement à leur liberté d’action antérieure pour s’en remettre, dans toute la mesure du possible, à l’initiative des partenaires sociaux ; organisations patronales et ouvrières sont mises sur un pied d’égalité ; les unes et les autres peuvent donc être à l’origine de l’ostracisme » 966, dans une limpide logique corporatiste.

L’identification des principaux rapporteurs des questions de législation sociale est instructive. Se distinguent surtout Félix Garcin, président de l’USESA, et, dans une moindre mesure, Julien Riboud, secrétaire de la même union de syndicats. Le premier, également vice-président de l’APPCA, présente onze rapports dans ce domaine entre 1928 et 1938, portant sur les « facilités de crédit à accorder aux Pupilles de la Nation qui se destinent à l’agriculture », sur la « fixation des salaires agricoles par les arrêtés préfectoraux », sur « la Semaine de 40 heures et l’agriculture » et sur « le bien de famille paysan, y compris le problème du carnet de travail considéré comme preuve de la qualité de créancier de la succession pour l’enfant qui a travaillé avec ses parents sans toucher de salaire ». Mais, surtout, Félix Garcin semble avoir été intronisé spécialiste de la question des « assurances sociales » à l’APPCA, en tant que rapporteur de la Commission générale d’organisation professionnelle et de législation rurale. En 1930 et 1938, Julien Riboud, l’un de ses seconds à l’USESA, est rapporteur, à quatre reprise, sur le sujet des calamités agricoles et de l’indemnisation de leurs victimes. La présence forte parmi les rapporteurs des représentants des puissants agriculteurs du Nord de la France – départements du Nord, de la Somme, des Ardennes, du Loir-et-Cher, et de Seine-et-Oise notamment – ne fait que souligner la réalité de prises de position favorables aux gros employeurs de main-d’œuvre agricole – comme dans le cas de la défense d’une révision des barèmes préfectoraux de salaires agricoles et de la participation des chambres d’agriculture à leur établissement, prônée par Paul Lefébure, suppléant-délégué de la chambre d’agriculture de Seine-et-Oise et secrétaire de la coopérative agricole de l’Union centrale des syndicats des agriculteurs de France (UCSAF) 967.

Les questions relatives à l’équipement et à l’aménagement ne sont pas absentes, même si elles ne constituent guère que 6 à 8 % des rapports et des vœux. Les transports semblent préoccuper avant tout autre sujet les présidents de chambre d’agriculture : onze rapports et quinze vœux y sont consacrés. Contrairement à bien des segments de l’activité consultative de l’AP(P)CA, celui-ci ne semble pas avoir été approprié par un petit groupe, voire par un seul spécialiste. Sept présidents discourent de ce sujet devant leurs homologues au cours des années 1928-1938, sans que leurs compétences en la matière soient immédiatement lisibles au vu des pans connus de leur trajectoire. Les implications en sont assez diverses : il est question des Offices agricoles de transports, des chemins ruraux et vicinaux, de la coordination du rail et de la route, ainsi que de la traction animale sur les canaux. Est abordée quelques fois la question des espaces forestiers, notamment celle de « la sauvegarde et la reconstitution de la Forêt française », envisagée par la focale des « ennemis de la forêt » puis du « problème du reboisement ». Il n’est pas surprenant de trouver comme rapporteur principal, à trois reprises, de cette question le comte Jean de Nicolaÿ, ingénieur agronome, membre titulaire de la troisième section, consacrée à la sylviculture, de l’Académie d’agriculture de France, et vice-président de la section sylviculture de la Société des agriculteurs de France (SAF), président de la chambre d’agriculture de la Sarthe 968. Les vœux votés par l’AP(P)CA sur la forêt dévoilent sans peine les intérêts de certains présidents dans ce secteur productif à l’écart du reste de l’agriculture. Il est notamment demandé « que la forêt soit dotée d’un statut juridique et fiscal qui tienne compte de la nature spéciale de cette propriété, en assure la consistance, la continuité et la transmission [et] que le reboisement par les propriétaires et les communes soit organisé méthodiquement sous l’impulsion des chambres d’agriculture », que soient mis à disposition par les pouvoirs publics des crédits importants, « suivant un règlement établi par l’Administration des Eaux et Forêts et le bureau de l’APCA », que soit décrétée l’obligation pour les communes de reboiser les terrains vacants, que soit entreprise une lutte méthodique contre la propagation des incendies, favorisée par l’État au titre des calamités agricoles, que soit favorisé le maintien du reboisement par les associations agricoles au premier plan de ses préoccupations par le plan d’outillage national et enfin que soit organisée la défense contre la propagation de certaines maladies cryptogamiques, notamment par l’interdiction d’entrée en France de bois provenant de régions contaminées 969.

Finalement sont abordées furtivement les questions relatives à l’équipement individuel et collectif, de la ferme au village. Suite à une enquête auprès des chambres d’agriculture, le député radical-socialiste, Alexis Jaubert, éphémère sous-secrétaire d’État à l’Agriculture, du 18 décembre 1932 au 13 janvier 1933, présente en mars suivant un rapport sur « l’exploitation des Réseaux ruraux d’électricité » : dès ses débuts à l’Assemblée nationale, en 1928, il a déposé plusieurs propositions de loi, sont une tendant notamment à modifier la loi du 2 août 1923 relative à l’électrification des campagnes 970. Jules-Édouard Lucas, président de la chambre d’agriculture de Seine-et-Oise, propose quant à lui, en avril 1939, un très long rapport, de 90 pages, sur le logement rural.

Mais ce sont surtout les questions économiques qui dominent les débats. Elles représentent 40 à 47 % des vœux et des rapports. 1450 des 3548 pages consacrées aux rapports dans les comptes rendus de séances, soit 40 %, recueillent des exposés portant sur l’économie agricole et rurale. Deux domaines dominent. D’abord, les vœux relatifs au commerce extérieur sont extrêmement nombreux : de un à cinq par session jusqu’en 1931, il en est voté plus d’une dizaine par session entre la fin de l’année 1931 et le début de l’année 1933, puis cinq à sept lors des sessions de 1933 et 1934. Il s’agit d’un des aspects de la réaction à la crise économique, certes, mais il faut rappeler que dès la première réunion des présidents de chambre d’agriculture, en octobre 1927, cette question était très présente. Durant la première moitié des années 1930, les vœux se rapportant au commerce extérieur sont au nombre de cent : il y est dès les débuts de l’APCA question de traités de commerce, de régime douanier, de réforme du régime de l’admission temporaire des blés et de franchises. Les deux tiers de ces vœux concernent une production en particulier : 18 vœux portent sur la réglementation du commerce international du blé et des céréales, neuf sur celle du marché de la viande et des produits animaux, neuf autres sur le commerce des produits laitiers, six sur les importations et exportations de vins, onze sur celles des fruits et légumes et enfin une douzaine sur d’autres produits de l’agriculture, telles le lin, le chanvre, le sucre, la laine et le bois 971. La question du commerce extérieur est peu débattue, comme si le tarif douanier allait de soi.

Le fonctionnement consultatif dévoile plusieurs caractères rapidement discernables. Un effet de démultiplication est lisible : alors que les rapporteurs font dans leurs exposés un notable effort de synthèse, on observe une explosion des vœux en intérêts sectoriels concurrents au cours des débats, puis une sédimentation de vœux par production, notamment dans le secteur économique. Ensuite, c’est à la réitération de vœux à l’identique que l’on assiste : sans nouveau rapport, sous l’effet de l’impuissance et de l’exaspération, l’APCA, puis l’APPCA, vote et publie à nouveau des vœux rédigés et votés lors de la ou des sessions précédentes. Enfin, et cela sera développé plus avant, au cours des années 1930, l’AP(P)CA augmente sans cesse sa réactivité par rapport à l’actualité législative : au moins 150 des 550 vœux votés font référence à une loi ou à un décret récemment promulgué, que ce soit pour en demander l’application, pour exiger de compléter les mesures prises ou pour s’y opposer – d’aucuns observent le même phénomène à l’APCC dès le début du 20e siècle 972. Pierre de Monicault, membre du conseil de la SAF, président de la chambre d’agriculture de l’Ain et ancien député de ce département, réputé à l’Assemblée nationale pour sa faconde et son activisme 973, semble en tirer, au nom de l’APPCA, un certain orgueil, quand il déclare : « Nous sommes des Français et je dirais même des super-français en ce sens que, lorsqu’une proposition néfaste nous est faite, nous en discutons tout de même l’application en essayant d’en tirer le moins mauvais parti possible » 974. En ce sens, entre chambres d’agriculture et pouvoirs publics, dont les assemblées parlementaires, les rapporteurs se font médiateurs.

Notes
933.

APCA, Séance du 19 mars 1929. Compte rendu.

934.

Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français : notices biographiques sur les ministres, députés et sénateurs français de 1889 à 1940, Tome VII, Paris, Presses universitaires de France, 1972, pp. 2 323-2 775, p. 2 572.)

935.

Bottin mondain, Paris, Annuaire Didot-Bottin, 1930.

936.

Annuaire Silvestre 1923, p. 1 675 (Publicité). Voir Annexes. Dossier n° 4. 2. Document 2.

937.

Ibidem et http://www.francegenweb.org/mairesgenweb/details.php?id=70502&co=Bourg-la Reine&dept =92

938.

http://www.genealogie92.org/

939.

Alfred NOMBLOT, Exposition universelle de 1900. Congrès international d’arboriculture et de pomologie, Paris, impr. de L. Maretheux, 1901, 144 p.

940.

Annuaire Silvestre 1923, p. 1675.

941.

Ibidem.

942.

http://www.francegenweb.org/mairesgenweb/details.php?id=70502&co=Bourg-la-Reine&dept=92

943.

Annuaire Silvestre 1923, p. 1 675.

944.

Alfred NOMBLOT, Traité d’arboriculture fruitière et de pomologie, Paris, La Maison rustique, 1929, 382 p.

945.

http://paysfoyen.canalblog.com/archives/2007/11/index.html

946.

Ibidem.

947.

Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité.

948.

APCA, Séance du 24 octobre 1927. Compte rendu, p.9.

949.

APCA, Séance du 22-23 mars 1928. Compte rendu, p. 38.

950.

A. NOMBLOT, « Le Crédit Agricole », dans Compte rendu de la séance des 22 et 23 mars 1928, n°, 22 mars 1928, pp. 82-88.

951.

Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité.

952.

Alfred NOMBLOT, « La propriété agricole et horticole », dans Compte rendu de la séance des 19 et 20 mars 1929, 19 mars 1929, p. 27

953.

Le Sélectionneur français…, ouvrage cité, volume 2, mars 1933, p. 5-10 : liste des membres de l’Association française des sélectionneurs de plantes.

954.

APCA, Séance du 19 mars 1929. Compte rendu, p. 60.

955.

Ibidem, p. 61.

956.

Ibidem, p. 63.

957.

Ibidem, p. 65.

958.

Ibidem.

959.

APCA, Compte rendu des séances des 17-18 mars 1930, p. 345.

960.

Pour le détail, voir Annexes. Dossier n°3. 2. Document 1.

961.

Édouard BERNARD, « Les engrais azotés. Leur fabrication et leur répartition en France », dans APCA, Compte rendu des séances des 15 et 16 mars 1932, pp. 158-170 et p. 306.

962.

Pierre-Ferdinand PATRIAT, « Organisation de la lutte contre les épidémies du bétail et particulièrement contre la fièvre aphteuse », dans Compte rendu des séances des 16 et 17 mars 1931, pp. 157-163.

963.

Annuaire national agricole 1930 et Annuaire national agricole 1936.

964.

Qui « permet de déterminer par profession ou par secteur géographique la proportion de travailleurs étrangers considérée comme acceptable ».

965.

APCA, Compte rendu des séances des 18 et 19 mars 1935, p. 305.

966.

Pierre GUILLAUME, « Du bon usage des immigrés en temps de crise et de guerre, 1932-1940 », dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, 1985, volume 7, pp. 117 126.

967.

Annuaire national agricole 1930

968.

De même est-ce le grand propriétaire Henry de Rouville qui expose les résultats « d’un essai d’organisation départementale de reboisement dans le Tarn ». Henry de ROUVILLE, « D’un essai d’organisation départementale de reboisement dans le Tarn », dans APCA, Compte rendu des séances des 16 et 17 mars 1931, pp. 189-201.

969.

APCA, Compte rendu des séances des 21 et 22 octobre 1930, p. 294.

970.

http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=4009

971.

Voir Annexes. Dossier n° 4. 2. Tableau 2.

972.

« Les séances de l’Assemblée constituent ainsi le cadre dans lequel s’élaborent les stratégies communes pour contrer les effets d’une grève ou d’un projet de loi ». Philippe LACOMBRADE, « L’Assemblée des président des chambres de commerce… », article cité, p. 92.

973.

Ses biographes écrivent : « Après avoir au lendemain de la guerre blâmé les " discoureurs " , il s’était infligé à lui-même un souriant démenti en intervenant sans cesse à la tribune, au point de pouvoir déclarer en 1928 : "Pendant huit ans de vie parlementaire, pas un mois ne s’est passé sans que le Journal officiel ne témoigne de mes idées" ». http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=5341

974.

APPCA, Compte rendu des séances des 31 mai et 1 er juin 1938, p. 179.