La discrète notabilité d’un horticulteur : Henri Decault

Né en 1880, issu d’« une vieille famille agricole attachée depuis trois siècles à la terre du Blésois », Henri Decault « fait de bonnes études primaires supérieures » 1119, puis se consacre à l’horticulture, « se spécialisant dans l’étude et la création de plantes nouvelles dans les genres chrysanthèmes, dahlias, hortensias ». Ses rares biographes considèrent que « son activité professionnelle devait le porter rapidement à s’occuper d’une foule de questions économiques et sociales où il fit paraître une rare compétence »  1120 . En 1923, cet horticulteur résidant au 47 de la rue de Foix, à Blois, est secrétaire général de la Société d’horticulture du Loir-et-Cher, créée en 1884, qui compte alors 550 membres et qui est connue pour avoir « joué un rôle important dans le développement de l’horticulture [et] propagé les procédés rationnels de culture aux lieux et places des anciennes méthodes qui tendent de plus en plus à disparaître : sous son influence le goût horticole s’est rapidement répandu dans la région » 1121. Il est également secrétaire de la Fédération nationale des syndicats horticoles de France, qui rassemble 80 syndicats horticoles affiliés et 4500 membres, « tous horticulteurs » 1122. Henri Decault est l’« auteur de nombreux articles agricoles et horticoles, historiques et économiques, ainsi que de communications remarquées aux congrès nationaux et internationaux qu’il organise depuis vingt-cinq ans » 1123, dont celui tenu en novembre 1926 autour des « petits fruits de table » à Blois 1124.

Ce serait « l’estime de ses confrères [qui l’aurait] appelé à des postes aussi importants que ceux de président de la Chambre d’Agriculture de Loir-et-Cher, de la Société d’agriculture de Loir-et-Cher, du Comice agricole de l’arrondissement de Blois, du Syndicat horticole de Loir-et-Cher, de l’Association française des exportations agricoles, etc... » 1125. Sur les listes des candidats aux élections des membres de la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher en 1927, au suffrage universel des agriculteurs de la circonscription de Blois, il est dit « horticulteur à Blois, lauréat de la Prime d’honneur, président du Syndicat horticole du Loir-et-Cher, président d’honneur des coopératives maraîchères et fruitières de Vendôme et de Blois, secrétaire général de la Société d’horticulture de Loir-et-Cher et administrateur de la Fédération des associations agricoles du Centre » 1126. Il est aussitôt élu président de la chambre d’agriculture. Présent dès la première session de l’APCA en octobre 1927, il y reste coi et ne fait qu’une très courte incursion dans la discussion lors de la session qui se tient au printemps 1928.

Avant 1930, il devient membre de l’office agricole de son département et est secrétaire général de la Fédération nationale des sociétés d’horticulture et des associations horticoles de France, d’Algérie, de Tunisie et des colonies 1127 : en février 1930, il est réélu membre de la chambre d’agriculture 1128. À partir d’octobre de la même année, il est, à chaque session pendant deux ans, rapporteur devant l’assemblée sur la question de la « défense sanitaire des végétaux » : constatant les difficultés d’exportation des produits agricoles, l’insuffisance du service phyto-pathologique actuel et le manque de coordination des efforts entre le service phyto-pathologique actuel et les services extérieurs du ministère de l’Agriculture, il propose la « désignation d’un inspecteur général de l’Agriculture qui serait chargé, auprès du ministre de l’Agriculture, de coordonner l’action de tous les organismes qui doivent collaborer à la lutte contre les ennemis des cultures », l’élargissement des activités de l’Institut des recherches agronomiques et la participation à son conseil d’administration de représentants des chambres d’agriculture, la signalisation, par la direction des services agricoles (DSA), « en accord avec les chambres d’agriculture, les offices agricoles et les associations agricoles, […] des maladies et des insectes nuisibles aux cultures, [mais aussi] la vulgarisation des procédés de lutte, l’organisation de celle-ci et la propagande générale de l’action à entreprendre », et, enfin, la « constitution au service de la répression des Fraudes d’une section phyto-pathologique chargée de contrôler les exportations et les importations de produits agricoles et de réprimer toutes contraventions à la réglementation phyti-pathologique tant sur les lieux de production que sur les points frontières » 1129. Dès octobre 1932, Henri Decault est également l’auteur d’une communication sur « la production maraîchère, fruitière, horticole et de pépinière en France ».

Le 14 mars 1933, il est élu membre titulaire du conseil d’administration de l’APCA, par 53 voix sur 80 votants 1130. Il est toujours aussi régulièrement rapporteur devant ses pairs, sur des sujets de plus en plus variés dépassant le seul domaine horticole et touchant aux « Halles centrales », à la « révision des évaluation foncières », à la « protection des fruits et légumes » et au « marché des fruits et légumes ». Le 11 janvier 1936, une réunion se tient à Blois qui rassemble des délégués des principales organisations syndicales, associatives et coopératives agricoles départementales et locales : en effet, « avant de procéder aux dépôts de candidatures prescrits par la loi, M. Decault, président de la Chambre d’Agriculture, a tenu à recueillir l’avis autorisé des groupements agricoles, […] afin de discuter en commun les candidatures et de présenter toutes propositions qu’ils jugeraient utiles ». À l’issue des discussions, les délégués approuvent, « à l’unanimité, au nom de leurs groupements », des listes de candidats qui sont presque tous des membres sortants. Dans les pages de L’Agriculture du Centre, Henri Decault publie un « appel aux agriculteurs » les encourageant à se rendre nombreux aux urnes lors du scrutin du 9 février, arguant de ce qu’une participation massive renforcerait la légitimité d’une institution départementale qui « a assuré la liaison permanente entre tous les groupements agricoles, permettant ainsi la coordination des efforts sur le plan professionnel, [qui] a collaboré à la création et à l’organisation des Coopératives qui, dans tous les domaines de l’activité agricole, rendent d’inappréciables services aux agriculteurs [et qui] a favorisé le mouvement mutualiste en Loir-et-Cher, dont le plus beau fleuron est certainement la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel qui nous a permis de financer toutes les récoltes du département ». Mentionnant la création de l’APPCA par le décret-loi d’octobre 1935, le président de la chambre d’agriculture insinue qu’une importante participation des agriculteurs au vote contribuerait à « donner à cette Assemblée, émanation des Chambres départementales, l’autorité nécessaire pour parler au nom de l’Agriculture française » 1131.

En novembre 1936, il est rapporteur de la vaste question des « productions horticoles », sur la base des résultats de l’enquête menée auprès des chambres départementales et prônant notamment la « constitution d’un organisme autonome, strictement professionnel, sous l’égide de l’APPCA, avec les organisations agricoles intéressées, sous le contrôle du Ministère de l’Agriculture, "afin de coordonner les efforts des producteurs, d’organiser la vente de leurs produits, de donner aux acheteurs nationaux et étrangers les garanties de qualité nécessaires et de parer à la concurrence parfois excessive de certaines importations" » 1132. La session de novembre 1936 s’ouvre sur une motion d’ordre général par laquelle l’APPCA, « tout en exprimant les plus expresses réserves sur certains des décrets-lois du 12 novembre 1938, […] proclam[e] son approbation absolue et unanime de l’attitude énergique du Gouvernement pour faire respecter la loi et sauvegarder l’unité française » 1133. De fait, l’esprit des décrets-lois Reynaud correspond bel et bien aux aspirations des dirigeants de l’APPCA, qui ne cachent pas leur rejet des réformes issues du Front populaire, mais ils réclament des « amendements en faveur de l’agriculture ». Quand Adrien Toussaint présente un rapport sur « l’aide à la famille rurale », Henri Decault est chargé du dossier « exode rural » : les dérogations à la loi dite « des quarante heures » y sont notamment encouragées et le président de la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher rejoint les préoccupations d’un Félix Garcin, attaché à défendre sa vision du « bien de famille paysan », soit « toute exploitation qui apporte à une famille qui le cultive manuellement la source principale de ses moyens d’existence [et où] l’emploi de la main-d’oeuvre salariée temporaire, ou permanente dans des circonstances exceptionnelles, est autorisé » 1134. Cela suffit-il à classer politiquement le discret dirigeant national, vice-président du Comité supérieur de l’arboriculture fruitière au ministère de l’Agriculture 1135, que Robert O. Paxton qualifie, à tort, de « sénateur radical » 1136 ?

À la veille de la guerre, Henri Decault est premier vice-président de la Confédération nationale des groupements professionnels horticoles de France 1137 : c’est à ce titre qu’il est nommé membre de la Commission de l’organisation corporative paysanne (COCP) le 21 janvier 1941. Celui qui au sein de la COCP est membre du comité de fusion et coordination (section coopération) 1138, y est d’une telle discrétion qu’Isabel Boussard ne lui consacre pas une ligne, ni dans sa thèse, ni dans la version publiée de celle-ci 1139.

Notes
1119.

Ce qui révèle vraisemblablement des origines familiales relativement modestes.

1120.

Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, Paris, Lajeunesse, 1938, 531 p., p. 170.

1121.

Annu Silvestre 1923, p. 594.

1122.

Ibidem, p. 956.

1123.

Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, ouvrage cité, p. 170.

1124.

Henri DECAULT, Premier Congrès commercial des petits fruits de table, tenu à Blois (Hôtel de la Chambre de commerce), le 7 novembre 1926, Orléans/Paris, Société nouvelle de l’Impr. du Loiret/Publications agricoles de la compagnie d’Orléans, 1928, XIV-291 p.

1125.

Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, ouvrage cité, p. 170.

1126.

L’Agriculture du Centre, 20 février 1927.

1127.

Annuaire national agricole 1930, p. 243 et p. 126.

1128.

L’Agriculture du Centre, 9 février et 2 mars 1930.

1129.

APCA, Séance des 16 et 17 mars 1931. Compte rendu, pp. 319-321.

1130.

APCA, Séance du 14 mars 1933. Compte rendu, p. 131.

1131.

L’Agriculture du Centre, 2 février 1936.

1132.

APPCA, Séance des 12-13-14 novembre 1936. Compte rendu, p. 164.

1133.

APPCA, Séance des 29-30 novembre 1938. Compte rendu, p. 17.

1134.

APPCA, Séance des 31 mai-1 er  juin 1938. Compte rendu, p. 12.

1135.

Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, ouvrage cité, p. 170.

1136.

Robert O. PAXTON, Le temps des chemises vertes… ouvrage cité, p. 195 : « le sénateur radical Henri Decault, ancien patron des organisations agricoles du département avant la guerre ».

1137.

Nath IMBERT, Dictionnaire national des contemporains, ouvrage cité, p. 170.

1138.

Arch. nat., F10 4973, archives de la Corporation paysanne, Réunion du Comité de répartition géographique des Unions régionales du mardi 1er février 1941.

1139.

Isabel BOUSSARD, Vichy et la Corporation Paysanne… ouvrage cité ; Isabel BOUSSARD, La Corporation paysanne. Une étape dans l’histoire du syndicalisme agricole français… ouvrage cité.