L’organisation corporative dans les départements

Un rapport de Rémy Goussault, daté du 17 février 1941, pose les principes « pour l’utilisation des organisations existantes ». Considérant que « la loi du 2 décembre n’intervient pas sur un terrain vierge », il expose la situation : « il existe beaucoup d’organisations agricoles qui offrent leurs éléments pour constituer le syndicalisme corporatif. Ces organisations agricoles écloses dans des conditions différentes et construites d’après des principes différents, contiennent toutes de bons éléments dont il faut tenir compte. Elles apportent, en outre, une expérience de la vie régionale, des hommes, des services, des institutions. À l’exception de celles qui sont endormies, elles disposent toutes d’un patrimoine acquis de confiance paysanne. On peut donc poser en principe que toute organisation professionnelle ayant fait ses preuves dans la région, à condition de n’avoir pas été organisation politique, peut apporter ses éléments à la construction syndicale corporative » 1261. L’unité territoriale est le département, et ce choix découle largement de l’organisation antérieure : toutefois, des fédérations provinciales sont prévues et tiennent particulièrement à cœur des membres de la COCP. On voit bien combien est forte la volonté de « recyclage » des éléments humains et matériels des organisations préexistantes : les dirigeants, les « administratifs », les locaux, les organes de presse et les services mis en place dans l’entre-deux-guerres sont convoités. Comme cela a été partiellement démontré, ces éléments sont les pièces d’un système, dans lesquelles les chambres d’agriculture avaient tant bien que mal conquis une place : pour mettre sur pied l’organisation corporative régionale, en s’appuyant avant tout sur les organisations syndicales, les dirigeants nationaux de la Corporation ont-ils conscience d’intervenir dans un paysage organisationnel complexe ? Palimpseste de réseaux professionnels et politiques enchevêtrés depuis un demi-siècle, que la création des chambres d’agriculture a parfois brouillés avant qu’une nouvelle stabilité entre organisations ne se mette en place, ce réseau organisationnel instable n’en constitue pas moins le seul socle sur lequel les membres de la COCP peuvent espérer s’appuyer.

À l’issue de sa deuxième session, la COCP, par l’intermédiaire de son comité de répartition géographique des unions régionales, décide de classer les départements en quatre catégories. La catégorie A comprend « les organisations prédominantes dans leur région, qui sont ou peuvent devenir rapidement une structure syndicale, conforme aux dispositions de la loi. Sur ces organisations, la Corporation pourrait compter tout de suite et le travail d’organisation corporative pourrait commencer sans délai dans leur région ». La catégorie B regroupe « les organisations les plus actives de la région, à condition que leurs dirigeants constituent pour une surface d’au plus deux départements, un comité préfigurant la future union régionale corporative, élargi aux représentants des organisations syndicales jusqu’alors dissidentes de l’organisation de base. Celle-ci fait la propagande corporative et réalise les constructions syndicales locales avec l’aide et l’appui du Comité ». Dans la catégorie C seraient classés « les organisations et les départements dans lesquels une très vive opposition ou des difficultés sérieuses ont séparé jusqu’ici les groupements et dans lesquels il faut donc procéder à des fusions et à l’élimination des difficultés avant de commencer tout travail de construction corporative ». Enfin, la catégorie D serait réservée aux « départements et régions dans lesquels n’existe pas d’organisation syndicale, ni même d’éléments pouvant donner lieu à une organisation syndicale, ou dans lesquels règne une confusion de groupements superficiels » 1262. Le premier objectif est la constitution d’un Comité régional d’organisation corporative (CROC) constitué d’une douzaine de membres ainsi que d’un délégué responsable – dans les départements de catégorie A – ou délégué régional – dans les départements de catégorie B à D –, ainsi que de délégués adjoints.

Notes
1261.

Arch. nat., F10 4973, archives de la Corporation paysanne, réunion du Comité de répartition géographique des Unions régionales corporatives, 18 février 1941 (étude de M. Goussault, 17 février 1941..

1262.

Ibidem, conclusions du Comité de répartition géographique des Unions régionales corporatives (19 février 1941.