[Jules-Édouard Lucas, vice-président 2212]
Jules-Édouard Lucas est né en 1880 à Paris 3e. Son père Jacques, issu d’une famille de teinturiers et tisserands de petites étoffes de Lodève (Hérault), où il est né en 1831, épouse la fille d’un marchand de nouveautés et gagne Paris. Au tournant du siècle, il est dit « industriel » et dirige avec son frère une fabrique de boutons située rue des Cendriers, à Paris dans le 20e arrondissement, ainsi qu’une fabrique de boutons à Pavant (Aisne) : il fait alors bâtir un immeuble au 108 du boulevard Richard Lenoir, à Paris 11e 2213.
Sitôt diplômé de l’Institut national agronomique, où il était entré en 1901 2214, le tout jeune ingénieur Jules-Édouard Lucas prend la direction d’une ferme à Gournay-sur-Marne 2215, vaste exploitation consacrée à l’élevage ovin et louée au châtelain local 2216. Il épouse en mai 1905 Marthe Desréaux, fille d’un négociant en vin parisien, ingénieur des arts et manufactures et est élu adjoint au maire de Gournay-sur-Marne en 1906 2217 : c’est également dans cette commune que naîtra sa fille, Jeanne, en février 1906. Sous son impulsion, sont entreprises sur l’exploitation des expériences sur l’utilisation du froid pour la conservation du lait, sur l’alimentation animale, la traite mécanique et le contrôle laitier 2218. Éleveur « à la pointe du progrès », Jules-Édouard Lucas est également auteur de nombreux articles et ouvrages traitant de l’élevage laitier et de la conservation du lait, notamment par le biais des exemples étrangers 2219, de la valeur alimentaire des nouveaux aliments du bétail 2220, de l’utilisation du froid 2221, de l’hygiène et du lait de qualité (dit « lait OFCO ») 2222, mais aussi des machines à traire 2223 et des écoles de zootechnie 2224. Récompensé par la médaille d’or des épidémies lors des inondations de 1910 et de celle de la Société d’encouragement à l’industrie nationale en 1913, il est, dès 1912, élu correspondant national de l’Académie d’agriculture de France, à la section des élevages 2225.
Il a 34 ans quand la guerre éclate : réformé « à cause de sa vue déficiente » 2226, il déploie une intense activité dans le domaine agricole au cours des années de conflit. En 1915, il fonde la Société auxiliaire agricole 2227, dirigée par Tony Ballu, ingénieur agronome appartenant à la promotion 1903 à l’INA 2228. En 1916, il est administrateur de la Société d’exploitation agricole de la Brenne, qui a pour objectif « la remise en culture des terres abandonnées » 2229 de cette région de l’Indre, tandis qu’Henri Bocher, promotion 1883 à l’INA, en est le secrétaire général 2230 . Entre 1914 et 1918, il se serait également occupé « des parcs et abattoirs » 2231. Devant l’Académie d’agriculture, il présente un rapport sur l’approvisionnement en lait de Paris en 1917 : se fondant sur les données fournies par le service sanitaire de la préfecture de la Seine, les compagnies de chemins de fer, les sociétés laitières et les syndicats des crémiers et des nourrisseurs, il établit des statistiques interprétatives des grandes difficultés de l’économie laitière depuis le début de la guerre 2232, insistant tout particulièrement sur le cas extrême du Nord-Pas-de-Calais 2233. En 1919, il est nommé administrateur de la Société d’exploitation et de reconstruction agricole : il aurait alors eu l’idée de « fonder une établissement d’enseignement en voyant les besoins de l’agriculture, la pénurie de techniciens et le retour des hommes qui n’ont pu poursuivre leurs études par suite de la guerre » 2234.
Ce serait en 1919, au domaine de Beauregard à Mézières-en-Brenne, « au cours d’une réunion groupant M. Lucas, M. Bocher et M. Leroy [André Leroy, ingénieur agronome promotion 1911, de Saint-Leu en Seine-et-Oise] que l’idée de la création de l’ITPA [serait] née et qu’il fut demandé aux agros amis de compléter l’équipe » 2235. Fondateur de l’Institut technique de pratiques agricoles (ITPA), Jules-Édouard Lucas en confie la direction à Henri Bocher, s’adjoint Tony Ballu, un autre ingénieur agronome, exploitant à Epernay et très innovant en matière de machines agricoles, et met à la disposition de l’école l’exploitation de Gournay-sur-Marne 2236. En 1923, il est secrétaire de l’office agricole départemental de Seine-et-Oise 2237 et quitte le poste de maire-adjoint de sa commune 2238. Il publie régulièrement des articles dans l’organe officiel des coopératives agricoles de Seine-et-Oise, Les Amis de l’agriculture, tout juste fondé 2239.Mentionné dans les pages du Bottin mondain en 1925, en tant que membre du Conseil supérieur de l’agriculture, il est à cette date décoré des palmes académiques et chevalier du Mérite agricole : double résident, il habite un immeuble bourgeois au 7 rue Villaret-de-Joyeuse, dans le 17e arrondissement de Paris 2240. Bientôt, l’exploitation de Gournay-sur-Marne arbore le « titre » reconnu de « ferme agronomique » où sont entrepris de nombreux essais à l’initiative des organisations agricoles publiques et privées 2241. Son fils Jean-Pierre, né en 1907, suit l’exemple paternel et entre à l’Institut national agronomique en 1927 2242.
En cette même année 1927, il est élu membre de la chambre d’agriculture de Seine-et-Oise, sur la liste des délégués des groupements agricoles, au côté d’Aimé Monmirel, son homologue à l’office agricole 2243. Il en est aussitôt élu président et siège avec ses pairs lors de la première réunion des présidents des chambres d’agriculture en octobre 1927 2244, lors de laquelle il reste silencieux. Lors de la session suivante, en revanche, le 22 mars 1928, il intervient longuement en faveur d’un « secrétariat organisé », « qui sera[it] un organe de documentation et également un organe d’exécution » 2245 et qui disposerait de ressources suffisantes pour fonctionner. Le conseil d’administration de l’APCA naissante, nouvellement constitué, l’élit comme secrétaire 2246 ce même 22 mars 1928 : dès lors, et jusqu’en mars 1935, chaque session s’ouvre sur son rapport, juste après l’allocution du président Joseph Faure et le rapport du trésorier Hervé de Guébriant. Ces rapports font le bilan de l’action des chambres d’agriculture et de leur assemblée au cours de l’intersession : questions statutaires, attributions légales, « doctrine » 2247 occupent le secrétaire d’une APCA encore balbutiante. Il en est tout autrement après la parution du décret du 30 octobre 1935 instituant une Assemblée permanente des présidents des chambres d’agriculture : entre 1937 et 1940, Jules-Édouard Lucas, également secrétaire de l’APPCA, présente d’abord, en octobre 1937, un rapport sur l’application des lois sociales à l’agriculture 2248 préparé en collaboration avec la commission générale d’organisation professionnelle et de législation rurale, ensuite, en avril 1939, un long rapport d’une centaine de pages sur le logement rural 2249.
Au cours des années 1930, il a été également vice-président et secrétaire général de la chambre régionale d’agriculture du Nord et de l’Île-de-France, secrétaire de la Société nationale d’encouragement à l’agriculture, sise au 5 avenue de l’Opéra à Paris, secrétaire de la section économie du bétail et industries laitières de la Société des agriculteurs de France (SAF) et président de la Société d’agriculture de Seine-et-Oise 2250. Il voyage à de nombreuses reprises : il donne des conférences en Algérie et au Maroc en 1933, se rend à un congrès en Italie en 1934 2251, visite des laiteries en Bulgarie en 1938 2252, se rend en Hongrie, en Allemagne, en Angleterre 2253. En 1938, il est fait officier de la Légion d’honneur 2254. L’année suivante, il prend la direction de l’ITPA, agrandit les locaux, « augmente le nombre de professeurs, complète la formation par la création d’une année préparatoire et surtout d’une 3 e année pratique surveillée par un professeur » : il y enseigne lui-même la zootechnie, « selon l’esprit qu’il a voulu pour cet établissement : la technique de l’ingénieur et la pratique de l’éleveur » 2255.
Le 1er avril 1942, son nom figure en seizième position de la liste proposée à la ratification du ministère par l’assemblée générale des syndics corporatifs de Seine et Seine-et-Oise, réunis dans la salle de la Société nationale d’horticulture, au 84 rue de Grenelle à Paris 2256 : il devient ainsi membre de l’Union régionale corporative agricole (URCA) de Seine-et-Seine-et-Oise, mandat renouvelé en décembre 1943. Bien qu’ayant vraisemblablement quitté sa ferme de Gournay-sur-Marne, c’est en tant que « fermier » qu’il est désigné comme membre de l’URCA et en août 1943, il est mentionné comme syndic de cette commune 2257. Entre 1945-1946, il est en revanche absent du comité départemental d’action agricole de Seine-et-Oise, ainsi que de l’Union départementale de la CGA et celle de la FDSEA et des instances nationales mises en place à la Libération : il est cependant, en 1946, président du comité départemental des céréales de Seine-et-Seine-et-Oise 2258, organisme parapublic.
Outre le poste de rédacteur en chef de L’Île-de-France agricole 2259, dans lequel il publie plus de mille éditoriaux entre 1945 et 1953 2260, ses activités à partir de la Libération sont presque exclusivement consacrées à la question de l’habitat rural, déjà abordée avant 1940 : en devenant administrateur du comité national de l’habitat rural, président de la SICA d’habitat rural de Seine-et-Oise, vice-président du Comité départemental des HLM et administrateur de l’Association du logement 2261, Jules-Édouard Lucas manifeste un intérêt très poussé pour ce domaine d’intervention rendu encore plus crucial par la guerre. Bien que la chambre d’agriculture de Seine-et-Oise ne réponde pas à l’enquête ouverte le 26 juin et le 18 septembre par la chambre de la Dordogne concernant la reprise d’activité des chambres d’agriculture 2262, Jules-Édouard Lucas est présent à l’APPCA dès novembre 1948. Au cours des quatre sessions de 1950 et 1951, ses rapports sur l’habitat rural sont invariablement à l’ordre du jour : il y mêle préoccupations techniques, désormais apanage des chambres, considérations sur le dépeuplement des campagnes et points de vue de grands fermiers et de propriétaires bailleurs 2263. Élu par les délégués des groupements agricoles en février 1952, il est aussitôt réélu à la présidence de la chambre d’agriculture : c’est cependant un homme affaibli, quasi aveugle à la suite de l’échec d’une opération de la cataracte, résidant désormais entre le 31 rue de Tocqueville, Paris 17e et Juziers, qui poursuit ses activités au sein de l’ITPA et incarne les fondateurs au sein de l’APPCA.
Voir Annexes. Dossier n° 7. 2. Dossier documentaire 2.
Page personnelle dans l’arbre généalogique de Patricia Mélantois, épouse de l’arrière-petit-fils de Jules-Édouard Lucas : http://gw3.geneanet.org/index.php3?b=patoushka1&lang=fr;p=jules+edouard+eugene;n
=lucas. Nous remercions à nouveau Mme Patricia Mélantois et sa famille de nous permettre de communiquer ces informations.
Annuaire INA 1936.
Annuaire national agricole 1930, 1er volume, p. 105.
Entretien avec Aline Mélantois et Annette Queyras [vérif], petite-fille et petite-nièce de Jules-Édouard Lucas, avril 2008.
http://gw3.geneanet.org/index.php3?b=patoushka1&lang=fr;p=jules+edouard+eugene;n=lucas
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Edmond RABATÉ et J.-E. LUCAS, Notes sur l’agriculture de la Hollande (voyage organisé par la compagnie d’Orléans), Paris, Imprimerie nationale, 1912, 68 p.
J.-E. LUCAS, Les coques de cacao dans l’alimentation des vaches laitières, Nancy, imprimerie de Berger-Levrault, 1913, 30 p.
J.-E. LUCAS, L’emploi du froid en laiterie, rapport au Congrès de Strasbourg 1905 ; J.-E. LUCAS, Les utilisations du froid en agriculture, rapport au Congrès international du Froid, 1908.
J.-E. LUCAS, La vache laitière, hygiène et production du lait, Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 1914, 155 p.
J.-E. LUCAS, Les machines à traire, Nancy, imprimerie de Berger-Levrault, 1914, 16 p.
Pierre de MONICAULT et J.-E. LUCAS, Projet d’établissement d’écoles de zootechnie, Nancy, Berger-Levrault, 1914, 5 p.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Ibidem.
Annuaire INA 1936, p. 192.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Ibidem.
J.-E. LUCAS,« Approvisionnement de Paris en lait en 1917 », dans L’industrie laitière, n°4, avril 1918.
Nicolas DELBAERE, « Le lait et la Grande Guerre dans le Nord-Pas-de-Calais », consulté sur http://www.lemensuel.net/imprimer.php?id_article=950#nb1
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Ibidem.
Annuaire Silvestre 1923, p. 985.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Bottin mondain, 1925.
MONTMIREL, « Quelques travaux de l’Office agricole de Seine-et-Oise », dans Le Lait, vol. 7, n° 64-1927, pp. 440-452, p. 441 : détermination de la valeur nutritive pratique des tourteaux d’arachide, février à avril 1926.
Annuaire INA 1936, p. 300.
Annuaire national agricole 1930, 1er volume.
APCA, Compte rendu de la séance du 24 octobre 1927.
APCA, Compte rendu de la séance des 22 et 23 mars 1928, pp. 20-21.
Ibidem, p. 38.
J.-E. LUCAS, « Rapport du Secrétaire », dans APCA, Compte rendu des séances des 18 et 19 mars 1935, pp. 26-35.
J.-E. LUCAS, « L’Application des lois sociales à l’Agriculture », dans APCA, Compte rendu des séances des 30 novembre et 1er décembre 1937, pp. 323-334.
J.-E. LUCAS, « Enquête sur le logement rural », dans APCA, Compte rendu des séances des 24 et 25 mai 1939, pp. 325-415.
Annuaire national agricole 1930, 1er volume, p. 175.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Entretien avec Aline Mélantois et Annette Queyras, petite-fille et petite-nièce de Jules-Édouard Lucas, avril 2008.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Ibidem.
Arch. nat., F10 5035, archives de la Corporation paysanne, Unions régionales corporatives agricoles (suite), département de la Seine, [1941-1944], procès-verbal de l’assemblée constitutive de l’URCA, le 1er avril 1942.
Ibidem.
Annuaire national agricole 1945, p. 262.
Annuaire de la presse française et étrangère et du monde politique, Paris, [s.n.], 1948.
« J.-E. Lucas, 1880-1965 », dans Technique et pratique agricoles, 3e trimestre 1965.
Ibidem.
Arch. APCA, CA Seine-et-Oise à Deux-Sèvres, 1949-1965, double d’une lettre de Luce Prault à Jules-Édouard Lucas, le 5 novembre 1948.
Voir notamment Jules-Édouard LUCAS, « Bâtiments d’habitation et d’exploitation agricoles. Entretien. Réparations. Améliorations. Reconstruction. Amortissements. Régime fiscal », dans Chambres d’Agriculture, avril 1950, pp. 47-57.