Marc Ferré, secrétaire  ²²⁹⁹

Marc Ferré naît en 1900, à Saint-Martin-la-Rivière (Vienne) : il est le fils de Joseph Ferré, propriétaire âgé de 23 ans ²³⁰⁰, qui a été maire de la commune et conseiller général ²³⁰¹. Après avoir fait de « brillantes études au lycée de Poitiers », il entre en 1921 à l’Institut national agronomique ²³⁰² : « à 23 ans, ingénieur agronome, diplômé de la section de mutualité et de coopération agricole, il refus[e] les offres les plus flatteuses qui eussent assuré une brillante carrière pour retourner dans sa petite Patrie et se consacrer à la défense de l’Agriculture » ²³⁰³.

À 25 ans, il est secrétaire général du Syndicat des agriculteurs de la Vienne et animateur de son bulletin La Vienne agricole, tandis que son frère Robert est vice-président du Syndicat des planteurs de tabac du département ²³⁰⁴. Avec ses frère et père, il travaille « activement au développement des exploitations familiales », à Saint-Martin-la-Rivière, hameaux de Moulin-Brault et de la Goumoisière, et entre successivement au conseil d’administration de la Caisse régionale de crédit agricole et à celui de la régie du Syndicat intercommunal d’électricité et de la mutualité agricole ²³⁰⁵. Entré, « dès qu’il eut l’âge » ²³⁰⁶ à la chambre d’agriculture, il est élu en 1933, à 32 ans, comme délégué des associations et syndicats agricoles du département ²³⁰⁷. C’est également au cours des années 1930 qu’il crée la Coopérative des agriculteurs de la Vienne ²³⁰⁸. En 1939, il est secrétaire général de la Fédération des associations agricoles du Poitou, présidée par Victor Boret, ancien ministre de l’Agriculture, président du Syndicat des viticulteurs de la Vienne ²³⁰⁹ et président de la Caisse régionale de crédit agricole ²³¹⁰.

Mobilisé comme officier de réserve en 1939, il rentre à Saint-Martin-la-Rivière l’année suivante ²³¹¹. Nommé membre de la Commission de l’organisation corporative paysanne ²³¹², « qui a mandat […] aux lieux et places des rouages centraux de l’organisation corporative jusqu’à leur création » ²³¹³ en janvier 1941, il ne dépare pas à l’ « équipe de notables » ²³¹⁴ qui la constitue. Dans la foulée, il est choisi pour siéger parmi les membres du Conseil national de Vichy ²³¹⁵ et y représenter les syndicats agricoles, avec Henri Gindre, président du Syndicat des agriculteurs du Cher. « Choix révélateur de ce que peuvent dissimuler des choix professionnels » pour Michèle Cointet, qui émet « quelques doutes sur son apolitisme, [affirmant que] M. Ferré a joué un rôle aussi efficace que discret dans la fédération, de fait, de mouvements de droite et des ligues en 1936 dans la Vienne [et] a fortement contribué à l’élection de cinq députés hostiles au Front populaire » ²³¹⁶. Selon Jean Raffarin, qui fut à ses côtés directeur de la coopérative des agriculteurs de la Vienne dans les années 1950 ²³¹⁷, c’est son amitié avec Pierre Caziot qui lui valut cette nomination ²³¹⁸.

Président du Comité régional d’organisation corporative (CROC) ²³¹⁹ dans une Vienne coupée en deux par la ligne de démarcation, il « prend naturellement la tête de la Corporation paysanne […], d’accord avec ses collègues de la chambre d’agriculture » ²³²⁰. Élu syndic régional de l’URCA dès juin 1942 ²³²¹, en présence de Pierre Caziot, par 266 voix sur 268 ²³²², il est renouvelé dans ses fonctions en décembre 1943 ²³²³. En février 1944, il est nommé membre de la chambre régionale d’agriculture de Poitiers ²³²⁴ par le ministre secrétaire d’État à l’Agriculture, sur proposition de l’URCA. Tout au long de la période d’occupation, Marc Ferré aurait refusé « d’admet[tre] la séparation des agriculteurs de la Vienne », et créé à Montmorillon une Maison de l’agriculture, double de celle de Poitiers, ainsi qu’une Caisse (bis) de crédit agricole à Chauvigny. Selon le récit de Jean Raffarin, dix ans plus tard, « les bidons de la laiterie coopérative de Chauvigny qui participent à l’alimentation de Poitiers en lait, sont quotidiennement utilisés pour passer à la barbe de l’occupant, la correspondance, la comptabilité, les fonds qui doivent assurer dans les deux zones, la survie de[s] organisations et atténuer d’autant pour les agriculteurs les difficultés de l’heure ». Son thuriféraire affirme d’ailleurs, à propos de la position de Marc Ferré sous l’Occupation, que « l’autorité dont il dispose lui permet de tenir tête à l’occupant » : ainsi il aurait cessé de publier dans La Vienne agricole, résisté « à toutes les réquisitions abusives » et manifesté « son opposition formelle aux réquisitions de main-d’œuvre » ²³²⁵.

À la Libération, les critiques pleuvent ²³²⁶ et son « retour » aux responsabilités est lent : le Comité départemental d’action agricole (CDAA) est dirigé en 1945 par un homme qui n’a pas appartenu aux instances corporatives, même au niveau local, et tandis que les deux syndics-adjoints de l’URCA, André Penot et Raymond de Laulanié, investissent la FDSEA dès février 1946, en tant que trésorier et membre du conseil d’administration ²³²⁷, Marc Ferré semble rester encore dans l’ombre. C’est en tant que trésorier de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) qu’il aurait fait son retour en 1947 ²³²⁸, ce qui laisse penser qu’il avait avant cette date repris ou conservé ses fonctions au sein de la laiterie coopérative de Chauvigny. Avec Raymond de Laulanié, il assiste en tant que suppléant délégué à la séance de l’APPCA du 24 novembre 1948, en l’absence de Xavier Bernard, président de la chambre de la Vienne, excusé ²³²⁹. Selon ce dernier, absent de l’APPCA jusqu’à la fin de l’année 1950, Marc Ferré, élu vice-président de la chambre d’agriculture, est son « interprète » ²³³⁰ et fait connaissance avec Luce Prault.

En 1951, Marc Ferré cumule d’importantes fonctions locales, en tant que président de la laiterie coopérative de Chauvigny, mais surtout départementales, avec sa réélection à la présidence de la Caisse régionale de crédit agricole et à celle de la Mutualité sociale agricole, avec la création de la cave-coopérative et du Syndicat des viticulteurs de la Vienne, et avec la présidence à la fois du Syndicat départemental des éleveurs et engraisseurs de porcs et celle de la Coopérative agricole des agriculteurs de la Vienne ²³³¹. À Paris, il préside la section des bailleurs de baux ruraux de la FNSEA et la Fédération nationale porcine, et il est membre du comité central de la Fédération nationale du crédit agricole (FNCA), toujours sise au 129, boulevard Saint-Germain ²³³². En 1951 toujours, il entre au Conseil économique et social (CES) où il est élu vice-président de la commission des finances.

Réélu lors des élections à la chambre d’agriculture de février-mars 1952, il en devient aussitôt président : le très actif Marc Ferré, choisi par les associations et syndicats agricoles, cumule, en plus des fonctions déjà citées, la présidence de la Coopérative de céréales des agriculteurs de la Vienne, un mandat d’administrateur de la Fédération nationale des associations viticoles et la vice-présidence de la Confédération nationale de l’élevage ²³³³. Choisi pour représenter le Poitou au comité permanent général de l’APPCA, il est élu par ce dernier secrétaire de l’assemblée le 1er mai 1952 ²³³⁴.