Les conseillers agricoles des années 1950

« Le démarrage du conseil est assez timide dans les chambres qui disposent de peu de ressources » 2925 : par le décret du 24 décembre 1954, « en vue de couvrir les dépenses afférentes à la création et à l’exploitation des établissements et services visés à l’article 6 ci-dessus [soit les établissements ou services d’utilité agricole créés par les chambres départementales], les chambres départementales d’agriculture […] peuvent être autorisées, par décret en conseil d’État pris sur le rapport du ministre de l’Agriculture et du ministre des finances, à percevoir des cotisations extraordinaires établies sur la même assiette que les décimes prévus à l’article 1607 du code général des impôts, dans la limite d’un maximum fixé par le décret d’autorisation » 2926. Ainsi « bien que les chambres soient officiellement reconnues dans leur rôle d’employeur de conseillers agricoles, le démarrage de leur activité de conseil demeure lent » 2927. Alors, les conseillers agricoles des chambres d’agriculture ne seraient que « quatorze sur la France entière en 1954 » 2928, nous en comptons une cinquantaine en 1955 2929, et ils atteindraient l’effectif de 83 en 1956 2930. L’annuaire des chambres d’agriculture de 1959, publié au milieu de l’année 1960, permet de dresser un état des lieux assez précis. Le préambule de cette publication expose ainsi : « C’est en 1951 que la chambre d’agriculture de la Somme a créé un premier poste d’assistant technique, le premier en France. Aujourd’hui, ce Service compte douze techniciens, dont chacun couvre un secteur d’activité limité en général à deux cantons, chaque technicien pouvant travailler régulièrement avec 1500 agriculteurs environ. À côté des visites individuelles qui occupent la plus grande partie de son temps, l’assistant technique organise périodiquement des réunions d’information, des visites de champs de démonstration ou d’exploitation ; il reçoit en outre les directives et les critiques d’une assemblée des agriculteurs de la région. Son unique objectif est l’accroissement du revenu net de l’agriculteur avec lequel il travaille. Il ne cherche donc pas à faire appliquer une politique, ni à faire acheter à l’agriculteur plus de produits. Aujourd’hui, une cinquantaine de chambres d’agriculture ont suivi l’exemple de la chambre d’agriculture de la Somme et ont créé des services d’assistance technique. Ces services employaient plus de 260 techniciens au début de l’année 1960 et les perspectives d’embauche donnent à penser qu’à la fin de l’année, 400 postes seront pourvus » 2931.

C’est encore et toujours l’exemple de la Somme qui est mis en avant : présenté comme l’acte fondateur et l’étalon des actions en cours, cet exemple ne peut qu’être convoqué dans la démonstration, justement pour en montrer le caractère réducteur et sa capacité à masquer la diversité des actions entreprises. À l’orée des années 1960, d’après les informations fournies par les chambres départementales d’agriculture et publiées sur chacune des pages de l’annuaire, on parvient à identifier 222 individus qui occupent un poste s’approchant de celui du « conseiller agricole » 2932. 53 chambres d’agriculture sur 90 seraient l’employeur d’au moins un agent technique : huit en comptent un seul, douze en ont recruté deux, près d’un quart des chambres en mentionnent de trois à six. Les chambres d’agriculture qui disposent de plus de six postes « type conseiller agricole » ne sont guère qu’une poignée en 1960. Jean-Pierre Prod’homme considère les organisations agricoles du point de vue de leur « personnel permanent dont l’importance numérique est aujourd’hui un des signes du poids respectif de chacune d’entre elles. C’est dire que pour des organismes identiques entre départements, et entre les organismes d’un même département, l’effectif salarié est un critère utile permettant de mesurer l’efficacité de ceux-ci et leur emprise sur le monde agricole » 2933. En 1960, d’un département à l’autre, les différences sont déjà importantes : on voit bien sur la carte de répartition des postes « type conseiller agricole » par chambre départementale 2934 que deux zones très différentes se distinguent. Un vaste Bassin parisien allant de la Picardie au Perche est une première zone dans laquelle les conseillers des chambres d’agriculture sont déjà nombreux, zone également repérée pour la précocité de ses initiatives en la matière. Des Savoie au sud du Massif central, les conseillers agricoles sont également nombreux alors qu’ils ne l’étaient guère en dehors de l’Aveyron en 1955 : l’organisation y a donc été rapide.

La diversité des taxinomies usitées est grande, quoique se discerne une forme de normalisation des termes depuis 1955 : est-elle le fait de ceux qui supervisent la publication de l’annuaire et y introduisent des normes nouvelles ? Est-elle intériorisée par les dirigeants des chambres d’agriculture eux-mêmes ? Si l’on compte de très nombreux « conseillers agricoles », pas moins d’« agents techniques » et d’« assistants techniques », d’autres façons de les désigner apparaissent. Certaines ont pour objet de préciser les attributions et le domaine d’intervention de l’agent considéré. Le « conseiller agricole de contact » de l’Yonne n’a sans doute pas la même fonction que l’« ingénieur de région et conseiller de gestion » des Côtes-du-Nord. Dans l’Aveyron, les techniciens sont très spécialisés : cultures fruitières, reboisement, élevage bovin et production laitière, vulgarisation féminine enfin, définissent les limites de leur intervention auprès des agriculteurs. 25 occurrences de taxinomies dérivées du terme « vulgarisation » se rencontrent dans les pages de l’annuaire. Le « conseiller vulgarisateur » des Côtes-du-Nord voisine avec l’« agent de vulgarisation » des Ardennes, le « vulgarisateur cadre » nivernais avec le responsable de la « vulgarisation de base » du Loir-et-Cher et celle de la « vulgarisation ménagère » ligérienne 2935.

Jean-Pierre Prod’homme, dans sa thèse de doctorat, trouve aux conseillers agricoles de la Marne quelques points communs malgré l’irréductible diversité. Ainsi, beaucoup sont d’origine agricole ou para-agricole : « on dit parfois des conseillers qu’ils sont des agriculteurs sans terre » 2936 . Jacques Rémy fait le même constat, estimant que « beaucoup d’entre eux sont alors des paysans sans terre, issus d’exploitations trop petites ou cadets de famille, et [qu’]ils partagent le même désir de faire entrer l’agriculture dans la société moderne » 2937. À partir de l’enquête conduite en 1982 à l’occasion des États généraux du développement, il évoque un taux d’enfants d’agriculteurs ou d’agricultrices atteignant toujours 52 %. Vocation et engagement militant en découleraient même si les aspirations restent tues et le sens à leur donner très différent d’un individu à l’autre : « pour certains qui n’ont pu être agriculteur, être conseiller, c’est sans doute un pis-aller. Pour d’autres, c’est une position d’attente avant de prendre la succession familiale sur l’exploitation ou avant de trouver l’opportunité d’une installation extérieure. Pour d’autres encore, c’est une manière de continuer l’agriculture par d’autres moyens, de demeurer proches de leur culture d’origine » 2938.

Il ne peut être question ici de dresser un portrait sociologique collectif des conseillers agricoles des chambres d’agriculture, pour lesquels aucune prosopographie n’a pu être tentée. Au reste, l’exercice nous entraînerait au-delà des limites de notre sujet : les quelques éléments que nous sommes susceptibles d’aborder à propos du groupe des quelques dizaines de conseillers agricoles qui, dans les années 1950, dépendent des chambres d’agriculture sont de deux natures. La question de leur formation paraît d’abord cruciale : elle touche au rôle des chambres d’agriculture dans le recrutement des conseillers, à celui de l’APPCA dans la formation « continue » des agents des chambres d’agriculture, et, partant, dans la définition de leur rôle ; enfin elle est l’un des « instruments de la formation d’un groupe social » 2939, voire le véhicule d’une « stratégie d’ensemble » menant à une « forme de division du travail entre conseillers et agriculteurs » 2940. Ensuite, ce sont les relations qui lient agriculteurs et conseillers, mais également les conseillers et leur institution de rattachement, qui nous importent. Entre agriculteurs et conseillers sont susceptibles de se développer des rapports de clientèle où se posent des questions de fidélisation et de capitalisation de réputation, dans la durée. Entre conseillers et institutions, sont-ce des relations de dépendance confinant à l’« esprit-boutique » 2941 ? En promouvant le modèle samarien 2942 à longueur de pages, l’APPCA relie son image à celle d’un certain type de conseiller agricole, se détachant implicitement de ceux qui ne correspondent pas aux canons assénés. Est-ce à dire que certains conseillers sont considérés comme les émissaires des chambres d’agriculture, voire de l’APPCA, auprès des agriculteurs ?

Dès les premières initiatives relatées, l’APPCA met en avant les dispositions prises par les chambres d’agriculture recruteuses de conseillers pour sélectionner les candidats potentiels et les conséquences de celles-ci sur la définition des postes à pourvoir. Ainsi, en Mayenne, « autant que possible, la chambre d’agriculture recherche des anciens élèves sortis depuis quelques années d’une École supérieure d’agriculture. Ils sont recrutés non pas sur concours, mais seulement sur références. Leur recrutement soulève un problème aussi difficile à résoudre que celui de leur financement ; en effet, pour le traitement qui lui sera versé, il est très difficile de trouver un jeune homme dynamique et fin psychologue alliant à une sérieuse formation scientifique une excellente connaissance pratique des choses de la terre ». Un salaire de 51000 francs mensuels 2943 est évoqué. Avant d’être installé dans son poste, le candidat doit suivre un « stage de formation d’une durée d’un mois » auprès des « directeurs des organismes professionnels et administratifs » et des conseillers agricoles déjà en fonction « qui lui tracent ainsi la voie à suivre en le faisant profiter de leur expérience » 2944. Dans l’Eure et l’Orne, la chambre d’agriculture organise un concours : dans l’Orne, « les conseillers sont recrutés par concours passé devant un jury composé de représentants de la profession et des ingénieurs des services agricoles. Les candidats doivent être âgés au minimum de 25 ans à la date du concours. Une bonne formation théorique et une longue pratique sont exigées, ainsi qu’une présentation et une maturité d’esprit suffisantes » 2945.

Parmi les cinquante conseillers des chambres rencontrés dans l’annuaire de 1955, si aucun ingénieur agronome n’a été recensé 2946, il a été possible d’identifier six ingénieurs agricoles issus des écoles supérieures d’agriculture. Trois ont été formés à Grignon, et y appartenaient aux promotions 1915, 1930 et 1944. Deux autres sont issus des promotions 1933 et 1947 de l’École de Rennes et enfin le dernier est entré en 1948 à l’École de Montpellier. Ces quelques cas démentent l’idée d’un recrutement massif de jeunes ingénieurs tous frais émoulus de l’école. Gabriel Binois est entré à Grignon en 1930 : en 1935, il travaille pour la Société coopérative de stockage de la Brie, à Melun 2947. En 1955, ce chevalier du Mérite agricole, titulaire de la Croix de guerre (1939-1945) est secrétaire général du Syndicat des agriculteurs de Seine-et-Marne 2948 en même temps qu’il est recensé comme « conseiller technique » de la chambre d’agriculture du département 2949. Six autres des premiers conseillers agricoles des chambres d’agriculture sont issus de l’Institut agricole de Beauvais et en sont sortis entre 1923 et 1953 2950 : en 1955, deux sont en poste dans l’Eure, deux dans la Somme, un autre entre Seine-Maritime et le dernier dans l’Aisne. Bernard Labrosse, de l’Ain, et J. Corbel, du Finistère, ont été formés à l’École supérieure d’agriculture d’Angers. Celui qui est vu comme le « premier conseiller agricole des chambres », Jean-Pierre Réal est issu de la promotion 1945 de l’Institut agricole de Toulouse 2951, comme son condisciple Gilbert Delaunay, conseiller agricole de la chambre d’agriculture de la Savoie 2952. Aux « débouchés nombreux et variés » dans le public ou le privé, dans l’enseignement, l’administration, la recherche, ou « dans l’une des branches de l’économie nationale » 2953, s’ajoutent, par la création des postes de conseillers agricoles des chambres d’agriculture notamment, de nouvelles perspectives pour les jeunes diplômés de cette école comme des autres écoles d’agriculture. Au total, ce sont 18 conseillers techniques qui se disent « ingénieurs ». Au sein des réseaux d’anciens élèves, formels et informels, la nouveauté de ce que l’on ne peut encore percevoir comme des carrières potentielles n’a pu manquer d’être diffusée.

Qu’en est-il en 1959 ? D’après les informations publiées dans l’annuaire daté de juin 1960 et les sources disponibles, il n’a pas été possible hélas de cerner de façon satisfaisante le capital scolaire des 222 conseillers agricoles ou équivalents employés par les chambres d’agriculture 2954. Neuf d’entre eux se disent « ingénieur agricole » sans préciser de quelle école ils sont issus : on peut présumer qu’il s’agit des établissements de Grignon, Rennes et Montpellier, seules écoles supérieures d’agriculture habilitées à délivrer ce titre, ou de l’Institut agricole de Toulouse devenu École nationale supérieure agronomique de Toulouse (ENSAT) en 1948 2955. Trois conseillers ont été identifiés comme ayant été élèves de l’École de Grignon, un autre de celle de Montpellier et deux viennent de Grand-Jouan-Rennes. Quatre conseillers sont d’anciens étudiants de l’École supérieure d’agriculture d’Angers (ESAA) – dont le diplôme n’a pas encore été reconnu par la commission des titres d’ingénieurs et par le ministère de l’Agriculture 2956. Deux sont d’anciens étudiants de l’École nationale d’horticulture de Versailles : l’un d’eux, Jean Murguet, entré à l’école en 1951 2957, est responsable du domaine « arboriculture, horticulture, viticulture » au sein du service technique de la chambre d’agriculture de la Savoie. En Saône-et-Loire, Louis Vizier, « ingénieur IAN », issu de l’École de Nancy, promotion 1950, est l’un des « assistants techniques et économiques » de la chambre d’agriculture. Alors qu’ils étaient totalement absents du groupe des conseillers agricoles des chambres de 1955, trois ingénieurs agronomes ont été repérés : appartenant aux promotions 1948, 1950 et 1952, Emmanuel Bresson, René Dubost et Gilbert Liénard ont été tous trois recrutés comme « ingénieurs et techniciens des services » de la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. Mary C. Benedict note que « puisque le titre d’ingénieur est fortement lié à cette idée de sélection et à l’image valorisée de l’enseignement de l’École polytechnique, il fonctionne comme une marque de prestige correspondant à une formation du plus haut niveau » 2958. Est-ce à dire que cette chambre instaure un pacte avec ces employés, en leur offrant un premier poste afin de bénéficier des retombées du prestige inhérent aux diplômés d’une grande école, à leur titre d’ingénieur agronome notamment, âprement défendu ? Si nous ne connaissons pas les activités d’Emmanuel Bresson et de Gilbert Liénard avant 1959, on sait que René Dubost est dit ingénieur à la Société Sanders, un laboratoire vétérinaire de Juvisy-sur-Orge, en 1957, tout en ayant une adresse à Louroux-Bourbonnais, dans l’Allier 2959.

Quatre ont étudié à l’École supérieure d’agriculture de Purpan, liée à l’Institut catholique de Toulouse. Pierre Dondey et Philippe Chambellant, « assistants techniques » de la chambre d’agriculture de Haute-Savoie, nés en 1931, sont issus de la même 33e promotion. Étienne Périé et André Sournac, respectivement, « vulgarisateur agricole (Groupements), agent échanges amiables » et « responsable de la Section technique » de la chambre d’agriculture de l’Aveyron – ils en étaient déjà les « assistants techniques » en 1955, ont appartenu aux 26e et 23e promotion de l’École de Purpan. Le premier, Étienne Périé, est né en 1925 : en 1969, à 44 ans, on le retrouve mentionné comme agriculteur, à la tête d’une exploitation de 135 hectares « + 50 herbages montagne » qu’il exploiterait directement et consacrée à l’élevage bovin et ovin 2960. Le second, André Sournac devient « directeur du service technique de la chambre d’agriculture » et le demeure au moins jusqu’au début des années 1970 2961 Les sources ne permettent guère de suivre l’ensemble des conseillers dans leurs carrières respectives – l’annuaire de 1964, notamment, est moins précis que les précédents et mentionne des effectifs plutôt que des listes de noms. Il conviendrait de mieux cerner ces itinéraires dans leur durée, afin notamment de jauger l’importance des liens qui relient ces hommes à l’institution qui les emploie.

Les élèves des petites écoles d’agriculture qui existent partout sur le territoire sont difficilement repérables : leur formation est peu renseignée et les sources qui permettraient de pallier ce silence sont dispersées. Notons que le seul conseiller à mentionner l’une de ces écoles est une conseillère, Élyette Theron, technicien spécialisé en vulgarisation féminine agricole de la chambre d’agriculture de l’Aveyron, qui se dit « diplômée de l’École de Coëtlogon, Rennes », école de laiterie, l’une des premières écoles féminines d’agriculture en France 2962. Il faut préciser que les femmes sont encore peu nombreuses à occuper des postes techniques dans les chambres d’agriculture, alors qu’elles sont nombreuses depuis les années 1930 à y exercer en tant que secrétaire-dactylographe : on en compte sept au début des années 1960. Une partie d’entre elles sont affectées à une vulgarisation explicitement féminine, comme le sont Jacqueline Guynot de Boismenu, « assistante technique ménagère agricole » dans l’Orne, Madame Palluy, chargée de la « vulgarisation ménagère » dans la Loire, ou encore Marie-Ève Chassaing, « assistante technique féminine » dans le Cantal. D’autres, en Corrèze, dans les Pyrénées-Orientales ou dans le Puy-de-Dôme, se consacrent cependant apparemment à des tâches aussi généralistes que celles de leurs homologues masculins : dans le Puy-de-Dôme, parmi les douze ingénieurs et techniciens des services, se distingue Nicole Bochet, issue de la promotion 1954 de l’École nationale d’agriculture de Grignon 2963.

Les conseillers agricoles des années 1950 sont-ils perçus comme étant au service d’une organisation ? Jean-Pierre Prod’homme parle, à propos des années 1970, de dépendance et d’« esprit-boutique » 2964. Le sociologue poursuit ainsi : « les mêmes agriculteurs constituent pour chacun d’entre eux une clientèle qu’il convient de satisfaire, afin de la conserver, et, si possible, de l’augmenter : c’est ainsi que seront estimés leurs mérites ; mais ces agents savent que la fidélité de leur clientèle n’est pas liée uniquement à leurs qualités propres, mais aussi au soutien qu’ils reçoivent de leurs organisations et même à la publicité – comme l’affirment certains – qu’elles assurent à l’efficacité de leur action auprès des agriculteurs » 2965. Il n’existe pas de données exhaustives sur le nombre des conseillers agricoles en postes dans les DSA : les régions du Nord et de l’Ouest sont notamment peu renseignées dans le Guide national de l’agriculture publié autour de 1960 2966. Les informations trouvées permettent toutefois de repérer que les zones de moindre densité des conseillers agricoles des chambres d’agriculture, la première, formant une bande allant grossièrement de La Rochelle aux Ardennes et la seconde bordant Pyrénées et Méditerranée, sont précisément celles où les DSA disposeraient des effectifs les plus importants, sans que ce constat soit systématique 2967. Dans de nombreux départements, les chambres d’agriculture rivalisent, en nombre de conseillers agricoles, avec la DSA, même si les « services extérieurs » du ministère de l’Agriculture sont de plus gros employeurs de conseillers en 1960-1962.

De plus, la juxtaposition des deux effectifs n’a pas le même sens d’un département à l’autre, suivant la nature des relations existant entre la chambre d’agriculture et la DSA. Ainsi, le président de la chambre d’agriculture de la Haute-Loire, Jean Deshors, député siégeant au groupe des « Indépendants et Paysans d’Action Sociale » 2968, exprime en ces termes sa vision des choses devant ses collègues de l’APPCA lors de la session des 3 et 4 décembre 1958 : « Dans les départements, il faut savoir si c’est la chambre d’agriculture ou d’autres qui font la vulgarisation. Certaines organisations qui ne font rien reçoivent des crédits dont on ne sait à quoi ils servent. Ce sont les chambres qui doivent créer les comités de vulgarisation et y désigner leurs délégués. À l’heure actuelle, le président de la chambre d’agriculture est vice-président du comité d’organisation, mais il y tient la place d’un candélabre » 2969. Son homologue du département voisin, Pierre Collet, président de la chambre d’agriculture de la Loire et trésorier de la FNSEA, ancien président de la JAC de son département 2970, déclare qu’il « connaît trop le dynamisme de M. Deshors pour pouvoir l’imaginer dans le rôle d’un candélabre (sourires) » et poursuit ainsi : « La profession ne subit pas la vulgarisation, elle la mène. Dans la Loire, les programmes sont préparés par un groupe de travail composé du président de la chambre d’agriculture et du directeur des services agricoles, assistés chacun de quatre collaborateurs » 2971. On voit bien ici combien la coexistence des conseillers agricoles des DSA et des chambres d’agriculture se résume difficilement à la question des effectifs – y interviennent des dimensions qualitatives et des questions de prééminence implicite – et combien l’appréciation de celles-ci est rendue difficile par l’ambiguïté d’un « double-langage », majorant ou minimisant la collaboration effective, suivant l’identité de l’interlocuteur et la nature de l’auditoire. Est-ce un jugement a posteriori que de considérer que « le but des chambres était d’apparaître comme des pôles où devaient venir s’ancrer les différentes actions de vulgarisation » 2972 ? On ne peut guère le comprendre sans envisager le rôle joué par l’APPCA dans le même temps.

Notes
2925.

Hélène BRIVES, « La voie française : entre État et profession… », article cité, p. 6.

2926.

Journal officiel de la République française, samedi 25 décembre 1954, Décret n° 64­-1263 du 24 décembre 1954 tendant à assurer la participation des chambres d’agriculture à l’expansion économique, pp. 12 157-12 158.

2927.

Hélène BRIVES, « La voie française : entre État et profession… », article cité, p. 6.

2928.

J.-F. de CAFFARELLI, « Le conseil agricole et la modernisation de l’agriculture française », dansChambres d’agriculture, n° 637-638, octobre 1990.

2929.

Annuaire APCA 1955.

2930.

J.-F. de CAFFARELLI, « Le conseil agricole… », article cité.

2931.

Annuaire APCA 1959, p. 8.

2932.

Voir Annexes. Dossier n° 8. 2. Graphique 1 et tableau 1.

2933.

Jean-Pierre PROD’HOMME, Agriculteurs organisés… ouvrage cité, f° 186.

2934.

Voir Annexes. Dossier n° 8. 2. Carte 1.

2935.

Ligérienne : du département de la Loire.

2936.

Jean-Pierre PROD’HOMME, Agriculteurs organisés… ouvrage cité, f° 191.

2937.

Jacques RÉMY, « "Le développement" : instrument de la formation d’un groupe social », dans Éducation Permanente, n° 77, mars 1985, p. 107-116, p. 112.

2938.

Jacques RÉMY, « Portrait social des conseillers : retour sur image », dans Jacques RÉMY, Hélène BRIVES et Bruno LÉMERY [dir.], Conseiller en agriculture, Dijon/Paris, Éducagri éditions/INRA éditions, 2006, 271 p., pp. 83-99, p. 89.

2939.

Jacques RÉMY, « "Le développement": instrument de la formation d’un groupe social », article cité.

2940.

Jacques RÉMY, « Portrait social des conseillers : retour sur image », article cité, p. 90.

2941.

Jean-Pierre PROD’HOMME, Agriculteurs organisés… ouvrage cité, f° 191.

2942.

Samariens : habitants du département de la Somme.

2943.

Ce qui équivaudrait à 5 800 francs de 2001, soit une rétribution proche du Smic du début du 21e siècle. (http://www.minefi.gouv.fr/a_votre_service/informations_pratiques/calculs/francs/francs.htm)

2944.

« Le Conseiller agricole et la vulgarisation dans l’Agriculture », dans Chambres d’agriculture, supplément Technique-Agriculture au n° 52, 1er mai 1954, pp. 1-22.

2945.

Ibidem, p. 11.

2946.

Soit les seuls diplômés de l’Institut national agronomique de Paris, selon la loi du 2 août 1918 « réservant le titre d’ingénieur agronome aux élèves diplômés de l’Institut national agronomique ». Annuaire INA 1957, p. 20.

2947.

Annuaire des ingénieurs agricoles1935, p. 256.

2948.

Annuaire des ingénieurs agricoles1955.

2949.

Annuaire APCA 1955.

2950.

Institut agricole de Beauvais, Annuaire de la Société amicale des anciens élèves (octobre 1961), [Beauvais], [Institut agricole de Beauvais], [1961], 156 p.

2951.

Annuaire en ligne de l’UNIAGRO. http://www.uniagro.fr/

2952.

Entretien avec Gilbert Delaunay, directeur honoraire de la chambre d’agriculture de la Savoie, mardi 25 mars 2003.

2953.

ENSAT, Bulletin de l’Association des Ingénieurs et anciens élèves, n° 4, 1952.

2954.

L’Annuaire des ingénieurs agricoles de 1955 et des années suivantes, notamment, n’a pu être consulté à la BNF : le dépouillement qui avait été entrepris pour les conseillers de 1955 n’a pu être poursuivi, les documents ayant entre temps été classés « hors d’usage ».

2955.

http://www.inp-toulouse.fr/ecoles/ensat/ensat.shtml#un_peu_d_histoire

2956.

Annuaire des anciens élèves de l’École supérieure d’agriculture d’Angers, 1965, [Angers], [Association amicale des anciens élèves de l’École supérieure d’agriculture d’Angers], 1965, 274 p.

2957.

Annuaire en ligne de l’UNIAGRO. http://www.uniagro.fr/

2958.

Marie BENEDICT-TROCMÉ, « Le titre d’ingénieur agronome », dans Michel BOULET [dir.], Les enjeux de la formation des acteurs de l’agriculture… ouvrage cité, p. 368.

2959.

Annuaire INA 1957.

2960.

Purpan. Annuaire des anciens élèves de l’École supérieure d’agriculture, 1969, Toulouse, Association des anciens élèves de l’École supérieure d’agriculture de Purpan, 1969, 189 p., p. 93.

2961.

Annuaire APCA 1970.

2962.

http://www.ecomusee-rennes-metropole.fr/collections/images/enseignement-agricole/ecole-de-laiterie-de-coetlogon-a-rennes.html

2963.

Annuaire en ligne de l’UNIAGRO. http://www.uniagro.fr/; Annuaire des anciens élèves de l’Institut national agronomique Paris-Grignon et des écoles fusionnées : Institut national agronomique de Paris et École nationale supérieure agronomique de Grignon. Annuaire 1982, Paris, Association des anciens élèves de l’Institut national agronomique Paris-Grignon, 1982, 423 p.

2964.

Jean-Pierre PROD’HOMME, Agriculteurs organisés… ouvrage cité, f° 191.

2965.

Ibidem, f° 192.

2966.

Guide national agriculture 1959-1961.

2967.

Voir Annexes. Dossier n° 8. 2. Cartes 1 et 2.

2968.

Assemblée nationale, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, tome 3 : C-D, pp. 330-332.

2969.

Chambres d’agriculture, 15 janvier 1959, p. 46.

2970.

Claudius DELORME, « Témoignage… », article cité, pp. 72-73.

2971.

Chambres d’agriculture, 15 janvier 1959, p. 47.

2972.

Pierre MULLER, Le technocrate et le paysan… ouvrage cité, p. 39.