« Ronds-de-cuir » ou militants ?

Parmi les ingénieurs agronomes et ingénieurs agricoles, se trouvent de nombreux membres de chambre d’agriculture qui sont ou ont été professeurs ou directeurs dans des établissements d’enseignement agricole. Hyacinthe Friant, dans le Jura, membre de la chambre élu en 1927, est « directeur honoraire de l’École de laiterie » de Poligny 3153. Martial Laplaud, membre de la chambre d’agriculture de Haute-Vienne de 1927 à 1952, ingénieur agronome issu de la promotion 1901, est l’ancien directeur du Centre national d’expérimentation zootechnique des Vaulx-de-Cernay, de la Revue de zootechnie et de l’Office français d’élevage 3154. Georges Trouard-Riolle, ancien directeur de l’École nationale d’agriculture de Grignon 3155, est membre de la chambre d’agriculture de l’Indre de 1927 à 1933, et en est le président en 1932. Prosper Lavallée, membre de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire élu en 1927, ingénieur agronome, est directeur de la ferme expérimentale d’Avrillé, directeur du Centre d’expérimentation des céréales d’Angers et enfin directeur technique de l’École supérieure d’agriculture et de viticulture d’Angers 3156. André Joffres, président de la chambre d’agriculture de l’Ariège de 1933 à 1943, est directeur de la ferme-école de Royat 3157. Albert Vilcoq, président de la chambre d’agriculture du Loiret de 1927 à 1935, est également « directeur de l’ É cole nationale d’Agriculture du Chesnoy [sic] » 3158. Fabien Duchein, sénateur de Haute-Garonne de 1920 à 1933, membre de la chambre d’agriculture de 1930 à 1936, est l’ancien directeur de l’école régionale d’agriculture d’Ondes 3159 : ancien élève de l’École nationale d’agriculture de Montpellier, il « fut d’abord répétiteur de physique dans cette même école ; professeur d’agriculture de 1892 à 1902, puis directeur de l’ é cole régionale d’agriculture d’Onde de 1903 à 1920, il fut directeur fondateur de l’ é cole d’agriculture annexée à l’ é cole régionale, puis professeur d’agriculture et d’économie rurale à l’Institut agricole de la Faculté des sciences de Toulouse, depuis sa fondation en 1905 » 3160. Cas typiques d’une légitimité fondée sur la reconnaissance de compétences techniques – à rapprocher de celui de Florimond Desprez, membre de la chambre d’agriculture du Nord et président de celle-ci en 1930, directeur de la station expérimentale agricole de Capelle 3161 –, ces situations somme toute nombreuses interrogent sur les motivations d’un engagement professionnel qui, de la candidature à l’exercice du mandat électif en passant par la campagne électorale, impliquent notamment la mobilisation d’un répertoire militant.

L’appartenance de certains membres des chambres d’agriculture aux services « extérieurs » du ministère de l’Agriculture est attestée dans quelques cas. M. Soursac, membre de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales de 1930 à 1933 et suppléant-délégué à l’APPCA, est directeur des services agricoles 3162 de ce département en 1923. Georges Jourdain, directeur des services agricoles de la Somme 3163, est membre de la chambre d’agriculture du département de 1927 à 1943. Hippolyte Latière, membre puis président, de 1939 à 1952, de la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes, est en 1936 « directeur de la Station des Epiphyties au Ministère de l’Agriculture » 3164. Parmi les présidents, se trouvent une poignée de directeurs honoraires. Jules Carlotti, président de la chambre d’agriculture de la Corse en 1952 et 1953, membre de celle-ci depuis 1927, ingénieur agricole formé à l’École de Montpellier, a été professeur d’agriculture et directeur de l’école d’agriculture d’Ajaccio 3165 et est dit en 1955 « directeur honoraire des Services Agricoles » 3166. Thimothée Sarazin, membre de la chambre d’agriculture de la Vendée depuis 1936, président de celle-ci de 1950 à 1957, est dit en 1955 « directeur des Services agricoles de la Charente-Maritime et de la Vendée (Directeur honoraire en 1934) » 3167. Jean-Baptiste Martin, membre de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire depuis 1927, président de la chambre d’agriculture de 1931 à 1943 et de 1949 à 1952, a également été directeur des services agricoles de ce département 3168. Né en 1862 en Haute-Vienne, il « exerça le métier d’instituteur en Bretagne avant d’entrer, en 1887, à l’Institut national agronomique » : « il fit toute sa carrière dans l’Administration de l’Agriculture, d’abord à Tulle, puis à Caen et enfin à Tours à partir de 1904 » 3169. Il a vraisemblablement pris sa retraite du poste de DSA au début des années 1930. Ses nécrologues insistent infiniment plus sur son action de dirigeant mutualiste que sur ses états de service : ainsi lit-on que « J.-B. Martin fut avant tout un pionnier de la mutualité et de la coopération » 3170, qu’il « fut un président-fondateur dont la compétence et la foi mutualiste savaient triompher des obstacles et [qu’] il fut réellement l’artisan qui mena à bien, dans son département, l’épanouissement de l’organisation professionnelle agricole » 3171. Leurs écrits trahissent d’ailleurs combien, au seuil des années 1960, la trajectoire du dirigeant tourangeau paraît insolite : « appartenait-il plus particulièrement à une époque ou à une génération, cet homme admirable qui se plaisait souvent à évoquer les lointaines années où il parcourait la campagne tourangelle, à bicyclette ou dans la cariole [sic] du paysan, pour jeter les bases de l’organisation professionnelle sous ses divers aspects et répandre, sans défaillance, les grandes principes d’union et de solidarité ? » 3172. Insister sur ses faits et gestes de dirigeant mutualiste, c’est, pour les rédacteurs des organes de presse professionnels, mettre en avant le rôle joué par le fonctionnaire de l’agriculture dans le domaine de l’action syndicale et mutualiste, sans révéler l’apport du public au privé. De même les chambres d’agriculture ont largement bénéficié de l’expérience de l’ancien DSA, qui a été vice-président de la chambre régionale d’agriculture de la vallée de la Loire en 1936, c’est aussi cette année-là – soit alors qu’il est officiellement dit « en retraite » 3173 – qu’il est élu membre suppléant du CPG, avant de devenir président de la commission des boissons fermentées et distillées.

Les passages du public au privé ou des postes administratifs aux mandats professionnels sont dans l’ensemble plus nombreux que les trajectoires inverses, et il ne semble pas qu’il faille voir là le seul effet de source. Michel Vastine, ingénieur agricole issu de la promotion 1908 de l’École de Montpellier 3174, vice-président du comice agricole et du Syndicat « race bovine hollandaise » de Thionville 3175, est élu membre de la chambre d’agriculture de la Moselle en 1930. Celui qui est « administrateur du domaine de Lagrange, à Saint-François-les-Thionville » 3176 est désigné comme suppléant-délégué à l’APPCA : il se rend à 19 reprises aux sessions de celle-ci, la plupart du temps en compagnie du président de la chambre d’agriculture, le sénateur Édouard Corbedaine. En 1936, il est réélu, au scrutin des associations et syndicats agricoles cette fois-ci, et est élu par ses pairs secrétaire de la chambre d’agriculture ; il est alors également vice-président de la chambre régionale d’agriculture de la région de l’Est. En 1949, les annotations relevées sur la liste des membres de la chambre d’agriculture le disent « parti : directeur des services agricoles du département des Ardennes, 1 avenue Pasteur, Charleville » 3177. Occupant désormais le poste d’ingénieur en chef à la DSA des Ardennes 3178, Michel Vastine échange quelques lettres avec Luce Prault, au moment de la reprise d’activité des chambres d’agriculture. Il écrit alors : « Je regrette beaucoup, en raison de mes nouvelles fonctions, de ne pouvoir rentrer avec vous dans la bagarre car, comme vous le dites, cela n’ira pas tout seul. Je crains même que, lorsque vous aurez obtenu des pouvoirs publics la remise en activité des chambres d’agriculture, et que les élections générales se fassent, la CGA et la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles absorbent ces chambres d’agriculture » 3179. Luce Prault répond : « je suis sûr que vous serez de cœur avec nous dans les nouvelles bagarres que nous allons ouvrir [et que] vous revivez la vie des Chambres d’Agriculture au sein de celle des Ardennes » 3180.

Même si les cas sont plus rarement repérables, on trouve parmi les membres des chambres d’agriculture des élus qui sont directeurs ou anciens directeurs d’organisations agricoles. Ainsi Louis Réocreux, membre de la chambre d’agriculture de la Loire de 1927 à 1970, a été directeur du Syndicat agricole d’Izieux 3181. Pierre Parchois, membre de la chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes de 1952 à 1959, était en 1947 directeur de la coopérative « Hortus » 3182. Jean Ducher, membre de la chambre d’agriculture de la Creuse de 1952 à 1959, est directeur de la coopérative « La Marchoise » 3183. Certains cumulent fonctions et postes au même moment. Just Rapenne, membre de la chambre d’agriculture de Haute-Saône en 1927, est alors dit « directeur du Syndicat agricole de Fougerolles » 3184. Fernand Berruchon, membre de la chambre d’agriculture de la Charente de 1939 à 1952, est également directeur de la laiterie coopérative de Baignes 3185. Élie Bertrand, membre de la chambre d’agriculture du Tarn de 1927 à 1933, est directeur de la Caisse coopérative de Gaillac 3186. M. Azam, élu membre de la chambre d’agriculture de l’Aveyron en 1933, est aussi directeur du crédit foncier de Rodez 3187. Léon Giraud, membre de la chambre d’agriculture de l’Allier de 1927 à 1952, est dit « directeur de la fédération des syndicats agricoles de l’Allier » en 1941 3188. Henri Guillaume, membre de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle de 1952 à 1959, est le directeur de la FDSEA 3189. Claude Brun, président de la chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône en 1934 et 1935 est le directeur du Réveil agricole 3190. Sont-ce des cas particuliers, marginaux et rarissimes liés au rôle charnière des organes de presse agricoles ou au flou des statuts des organisations agricoles locales ? Ces hypothèses semblent démenties par le fait qu’on trouve, parmi les présidents de chambre d’agriculture, des situations qui ne laissent guère de doutes : Théodore Brière, président de la chambre d’agriculture de la Sarthe en 1927 et 1928, est ainsi le directeur de la Caisse départementale de réassurance bétail de la Sarthe ainsi que de la Mutuelle agricole « La Sarthoise » 3191, tandis que Louis Tardy, président de la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres de 1953 à 1960, est « directeur général honoraire de la Caisse nationale de crédit agricole » 3192, mais encore est-il plutôt considéré comme ayant occupé des fonctions de « président-directeur général » 3193, expression qui dit la reconnaissance de sa situation de cumul des positions d’élu et de directeur.

On observe de manière générale une forme de répugnance à dévoiler un lien à l’agriculture autre que celui de la propriété et/ou de l’exploitation de la terre. La dimension technique et/ou administrative de ce lien est-elle considérée comme suspecte ? Lorsqu’elle affleure dans les biographies de responsables agricoles, elle est souvent explicitée par des raisons médicales. Ainsi en est-il de Samuel de Lestapis, élu membre de la chambre d’agriculture des Basses-Pyrénées en 1933, dont on peut lire dans la notice du Dictionnaire des parlementaires : « après son enfance passée dans les monts du Béarn, il alla faire ses études secondaires à Bayonne où il contracta, à l’âge de quinze ans, la poliomyélite. Malgré de longs traitements et des essais douloureux de rééducation des jambes, il demeura à demi-paralysé des membres inférieurs. Malgré son infirmité, il suit des cours d’agronomie et d’enseignement rural et entre dans les services de la Société des agriculteurs de France où il franchira tous les échelons pour en devenir finalement directeur général » 3194. En 1930, Samuel de Lestapis est ainsi directeur général de la SAF et de l’UCSA, au 8 rue d’Athènes à Paris 3195, positions qu’il articule avec les fonctions de membre du bureau confédéral de la CNAA et de président de la Caisse de réassurance contre la mortalité du bétail de Pau 3196. Les débuts de Jean Raffarin sont marqués aussi par la maladie, infléchissant son itinéraire : ainsi « après avoir obtenu son certificat d’études et suivi les cours de l’école complémentaire, il travaille à partir de 14 ans dans l’exploitation familiale, une petite ferme d’une dizaine hectares. Atteint par la maladie de Pott, qui l’oblige à rester pendant deux ans le buste plâtré, il prend alors des cours de comptabilité par correspondance et devient aide-comptable à la coopérative des agriculteurs de la Vienne à Poitiers, en 1936. C’est ainsi qu’il entre par hasard dans le militantisme agricole, un monde qu’il ne quittera plus jusqu’à sa mort. Dès l’année suivante, il est promu comptable » 3197. Étrange manière de présenter comme une évidence le passage d’une carrière d’administratif à l’engagement militant, sans aborder la dimension politique de ce virage, pourtant flagrante chez ces deux députés, dont le mandat parlementaire est antérieur ou concomitant de celui à la chambre d’agriculture.

Parmi les secrétaires généraux des unions régionales corporatives agricoles (URCA), on repère quelques cas d’itinéraires complexes. Le cas de François-Marie Jacq, déjà abordé à plusieurs reprises, en est l’exemple parfait : cet ingénieur agronome a été professeur d’agriculture du département de l’Eure 3198, puis, à partir de 1926, secrétaire général adjoint puis secrétaire général de l’Office central de Landerneau, ainsi que secrétaire administratif de la chambre d’agriculture du Finistère 3199. En mars-avril 1941, est choisi puis nommé délégué responsable du CROC du Finistère et des Côtes-du-Nord 3200, devient secrétaire général administratif de l’URCA, dans une continuité revendiquée avec le poste occupé à l’Office central dans les années 1930 3201, ce qui ne l’empêche pas d’être nommé membre de la chambre régionale corporative d’agriculture en janvier 1944 3202. Dès 1949, il est à nouveau secrétaire administratif de la chambre d’agriculture 3203. S’il incarne l’exemple parfait d’un cursus combinant public et privé, postes administratifs et mandats professionnels, fait d’allers et retours constants, d’une imbrication de positions de natures différentes, ce n’est toutefois qu’à la faveur du régime de Vichy et des dispositions réglant les nominations des représentants de la Corporation paysanne que François-Marie Jacq a occupé des fonctions dites « représentatives », en complicité avec Hervé de Guébriant.

D’autres trajectoires peuvent se rapprocher de ce modèle. En juillet 1942, le délégué régional de l’URCA de l’Hérault soumet au président de la COCP, Hervé de Guébriant, la candidature d’Édouard Fargues : cet homme de 53 ans, licencié ès-lettres et licencié en droit, a été professeur aux collèges de Castelnaudary et de Clermont-l’Hérault, ainsi qu’aux lycées de Nîmes et de Montpellier. « Démissionnaire en 1925 pour exploiter à Mèze (Hérault) la propriété qu’il a héritée de son père décédé en 1926, [il est le] fondateur en 1930 de la caisse de crédit agricole et de la cave coopérative de Mèze, dont il a exercé la présidence pendant sept ans ». En même temps qu’il occupe les postes de secrétaire administratif de la chambre d’agriculture de l’Hérault, depuis 1934, de la chambre régionale d’agriculture, du Syndicat des vignerons de Montpellier-Lodève, de la Fédération départementale des caves coopératives, du Syndicat central des distilleries de Montpellier-Lodève, du Syndicat des raisins de table de l’Hérault et, depuis 1941, de la Confédération nationale des caves coopératives et du comité d’organisation corporative de l’Hérault, il est membre du conseil d’administration de la Fédération des caves coopératives de l’Hérault, du Syndicat des vignerons de Montpellier-Lodève, de la Confédération générale des vignerons, ainsi que délégué de la CGV aux congrès annuels de la CNAA et de la Fédération des associations viticoles 3204.

Parmi les directeurs des chambres d’agriculture de 1955, on repère quelques cas, assez fréquents et déjà évoqués, de directeurs qui sont également membres du conseil d’administration de la mutualité agricole de leur département. Les cumuls de postes administratifs dans différentes organisations s’articulent parfois avec des fonctions électives. Ainsi Marcel Dumartin, directeur des services administratifs de la chambre d’agriculture des Landes, est également président de la CUMA « Motoculture » de Sorbets 3205. L’identification est souvent difficile, notamment du fait de la possible ambiguïté des termes « secrétaire » et « secrétaire général », et de l’éventuelle confusion entre « secrétaire administratif » et « administrateur » – entendu comme membre du conseil d’administration. Le flou qui entoure le mot « responsable »semble justement révéler cette potentialité de convergence des dimensions administratives et militantes, techniques et politiques, pour un même poste. Dans les chambres départementales, quelques passerelles existent qui illustrent l’idée de la perméabilité de la frontière entre administratifs et élus. Michel May, ingénieur agricole issu de la promotion 1935 de l’École de Grignon 3206, est âgé d’un peu moins de quarante ans quand il est élu membre de la chambre d’agriculture de Savoie en 1952. En 1955, cet agriculteur se dit maire de Yenne, près du lac du Bourget, secrétaire-trésorier du Syndicat départemental du contrôle laitier et du Herd-book, vice-président de la Coopérative d’insémination artificielle et président de la Fédération des CUMA 3207. Non réélu en 1959, il est recensé dans l’annuaire publié en juin 1960 comme employé du service technique et économique de la chambre, en tant que responsable du domaine « polyculture, comptabilité, gestion » 3208. Le cas d’André Penot, dans la Vienne, est plus singulier : cet ex-syndic adjoint de l’URCA, devenu trésorier de la FDSEA en 1946 3209, puis vice-président de celle-ci, président de la laiterie coopérative d’Archigny 3210 et membre de la chambre d’agriculture depuis 1952 3211, est dit, en 1959, « directeur des services de la chambre d’agriculture » – l’annuaire précise qu’il est également « directeur du service pour la vulgarisation et l’assistance technique agricole »  3212. Ce proche de Marc Ferré – qui préside la laiterie-coopérative de Chauvigny 3213, commune où André Penot est conseiller municipal 3214 –, âgé de 56 ans en 1959, remplace Paul Chaumenton, directeur de la chambre et de la FDSEA au début des années 1950, son aîné d’une vingtaine d’années. Quoique le préfet lui accole une « nuance radicale indépendante », tout en ne lui connaissant « aucune activité politique » et en considérant qu’il « ne s’est jamais fait remarquer sous Vichy et [a eu une] attitude correcte » 3215, l’action de cet élu-directeur se situe-t-elle à l’intersection du technique et du politique ? Est-ce sur ses références de « diplômé de l’ É cole d’agriculture d’Angers » 3216 qu’André Penot a été choisi comme directeur des services de la chambre d’agriculture de la Vienne ? N’est-ce pas plutôt parce qu’il incarne une forme de doxa du syndicalisme majoritaire du département et permet ainsi de simplifier les rapports entre la FDSEA et la chambre d’agriculture ?

Dans les années 1950 et 1960, à l’APPCA, directeurs et chefs de services, comme membres du bureau, semblent moins enclins à ce type de mélange des genres. Des exceptions seules peuvent être repérées. Le parcours de René Massot en témoigne. Président du Syndicat agricole de Beauvoir en 1936 3217, délégué adjoint du CROC de l’Yonne en avril 1941 3218, puis syndic adjoint en janvier de l’année suivante 3219, il est, en 1945, membre du conseil national provisoire de la CGA 3220, et deux ans plus tard secrétaire général adjoint du bureau confédéral de la même CGA et l’un des responsables des « affaires sociales » de la FNSEA 3221. En 1952, il est secrétaire général de la FDSEA de l’Yonne 3222 quand il est élu membre de la chambre d’agriculture départementale, au suffrage des agriculteurs, dans la circonscription d’Auxerre : à la session de mars 1952, il est élu président de la commission « enseignement et formation professionnelle » de la chambre d’agriculture et est désigné comme rapporteur sur « l’éducation professionnelle » pour la session suivante 3223. En novembre 1953, lors de la session de l’APPCA, il est présent en tant que suppléant-délégué pour accompagner le président Robert Lacaille et présente un rapport sur le remembrement 3224. Il réédite sa prestation en novembre 1954 3225 et en mai 1955 est rapporteur, toujours à l’APPCA, de la question de « la participation des chambres d’agriculture aux échanges amiables : l’état du décret n° 54-1251 du 20 décembre 1954 » 3226.

En 1956, René Massot est engagé par l’APPCA comme chargé de mission au sein d’un service intitulé « échanges amiables et remembrement », dont il est le seul employé 3227 : le rapport sur l’activité des services de l’année 1957-1958 précise que « la mission qui [lui] a été confiée […] consiste à aider à la réalisation des échanges amiables dans les divers départements ». Pour cela il participe à la rédaction du bulletin ronéotypé « propriété » « destiné à fournir aux agents agréés d’échanges amiables et aux dirigeants agricoles, responsables dans leurs départements des questions foncières, tous les renseignements qui peuvent leur être utiles dans l’accomplissement de leur tâche ». Son travail s’inscrit dans une vaste « propagande en faveur des échanges amiables »  3228. Il est également chargé de l’organisation de sessions de formation d’agents d’échanges amiables : en mars 1958, ces agents sont au nombre de 105 et sont rattachés à 51 chambres d’agriculture. Le rapport de 1959 précise encore ses attributions : il est ainsi chargé de « répondre aux demandes de renseignements qui peuvent provenir des chambres d’agriculture, des agents d’échanges, des agriculteurs, concernant les échanges amiables, le remembrement, la voirie agricole, les expropriations », « représenter l’APPCA aux réunions du Comité supérieur consultatif de l’aménagement foncier », « préparer la rédaction de vœux ou délibérations à proposer aux chambres départementales d’agriculture concernant les questions foncières », « assurer la tenue en mars d’une session de formation d’agents d’échanges amiables » et enfin « faire des conférences sur les sujets de remembrement et d’échanges amiables » 3229. On voit bien combien ce poste entérine la perméabilité intrinsèque des dimensions techniques et politiques au niveau de l’APPCA : les deux versants de l’activité de René Massot ressortissent à l’activité salariée, d’une part, et du militantisme, d’autre part. D’ailleurs la preuve en est que le chargé de mission est félicité par René Blondelle, en session de l’APPCA, pour « l’inlassable activité qu’il déploie dans la France entière en vrai "pèlerin" des échanges amiables » 3230. Ainsi, on voit combien est artificielle la séparation entre une activité consultative toute politique et une activité de services toute technique.

Notes
3153.

L’Action rurale, dimanche 3 avril 1927. (une).

3154.

Annuaire INA 1935.

3155.

Annuaire des ingénieurs agricoles1928.

3156.

Annuaire INA 1935.

3157.

Annuaire national agricole 1939.

3158.

Le Sélectionneur français…, ouvrage cité, volume 2, mars 1933, p. 5-10 : liste des membres de l’Association française des sélectionneurs de plantes.

3159.

Annuaire Silvestre 1923.

3160.

Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, p. 1518.

3161.

Le Sélectionneur français…, ouvrage cité.

3162.

Annuaire Silvestre 1923.

3163.

Ibidem.

3164.

Annuaire INA 1935.

3165.

Annuaire des ingénieurs agricoles1928

3166.

Annuaire APCA 1955.

3167.

Ibidem.

3168.

Annuaire national agricole 1930, p. 105.

3169.

« Jean-Baptiste Martin, 1862-1960. Un pionnier de la coopération laitière », dans L’Action laitière, septembre 1960.

3170.

Ibidem.

3171.

« Jean-Baptiste Martin », dans Bulletin d’information de la mutualité agricole, septembre 1960, p. 3 289.

3172.

« L’agriculture tourangelle en deuil. Jean-Baptiste Martin n’est plus », dans L’Action agricole de Touraine, vendredi 16 septembre 1960.

3173.

Annuaire INA 1935.

3174.

Annuaire des ingénieurs agricoles1935, p. 438.

3175.

Annuaire national agricole 1930, p. 193.

3176.

Annuaire des ingénieurs agricoles1935, p. 438.

3177.

Arch. APCA, CA Moselle à Nièvre, 1949-1965. Liste des membres à la suite de l’élection de février 1939, commentaires de 1949.

3178.

Guide national agriculture 1951-1952, p. 51.

3179.

Arch. APCA, CA Ardèche à Ardennes, 1949-1965, lettre de Michel Vastine, DSA des Ardennes, à Luce Prault, directeur de l’APCA, le 20 novembre 1948.

3180.

Ibidem, double d’une lettre de Luce Prault, directeur de l’APPCA, à Michel Vastine, Ingénieur en chef, Directeur des Services Agricoles des Ardennes, le 15 novembre 1948.

3181.

Annuaire Silvestre 1923.

3182.

Annuaire CGA 1947.

3183.

Ibidem.

3184.

L’Action rurale, dimanche 3 avril 1927. (une)

3185.

Annuaire national agricole 1939.

3186.

Annuaire Silvestre 1923 et Annuaire national agricole 1930.

3187.

Annuaire national agricole 1930.

3188.

Journal officiel de l’État français, 22 janvier 1941, décret portant nomination des membres de la commission de l’organisation corporative paysanne, 21 janvier 1941.

3189.

Guide national agriculture 1951-1952, p. 133.

3190.

Annuaire national agricole 1930.

3191.

Annuaire Silvestre 1923.

3192.

Guide national agriculture 1951-1952.

3193.

Henri TEMERSON, Biographies des principales personnalités françaises décédées au cours de l’année 1961, Paris, l’Auteur, 1962, 224 p., p. 205.

3194.

Jean JOLLY, Dictionnaire des parlementaires français… ouvrage cité, p. 2260.

3195.

Annuaire national agricole 1930, p. 112.

3196.

Ibidem, p. 122 et p. 304.

3197.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/raffarin-jean-marcel-23031914.asp

3198.

Suzanne BERGER, Les paysans contre la politique… ouvrage cité, p. 106.

3199.

Annuaire INA 1935 , p. 277.

3200.

Arch. nat, F10 4972, archives de la Corporation paysanne, listes des Comités régionaux d’organisation corporative (CROC), [1940-1941]

3201.

La « date d’entrée à l’URC » mentionnée est celle de 1924. Arch. nat., F10 4975, archives de la Corporation paysanne, action syndicale (suite). Secrétaire généraux : correspondance, commission nationale du 28 septembre au 2 octobre 1942, session de mars 1944. Bulletins d’inscription à la session des secrétaires généraux d’URC en 1944.

3202.

Journal officiel de l’État français, dimanche 13 février 1944, Arrêté du 29 janvier 1944 relatif à la constitution des chambres régionales d’agriculture, pp. 477-480.

3203.

Arch. APCA, CA Finistère, 1949-1965, lettre de F.-M. Jacq, secrétaire administratif de la chambre d’agriculture du Finistère, à Luce Prault, le 16 décembre 1949.

3204.

Arch. nat., F10 4975, archives de la Corporation paysanne. Action syndicale (suite). Secrétaire généraux : correspondance, commission nationale du 28 septembre au 2 octobre 1942, session de mars 1944. Bulletins d’inscription à la session des secrétaires généraux d’URC en 1944. Copie d’une lettre de Gabriel Dehan, délégué régional de l’URCA de l’Hérault, au président de la COCP, le 1er juillet 1942.

3205.

Guide national agriculture 1959-1961, p. 159.

3206.

Annuaire en ligne: http://www.uniagro.fr/

3207.

Annuaire APCA 1955.

3208.

Annuaire APCA 1959.

3209.

Arch. nat., F1a 4034 : Réponse des préfets à la circulaire n° 287 du Ministère de l’Intérieur sur la composition des fédérations départementales du syndicat des exploitants agricoles, février-mars 1946. Lettre du Préfet de la Vienne, 4 mars 1946.

3210.

La Vienne agricole, 20 février, 5 mars et 9 avril 1952 ; Annuaire APCA 1955.

3211.

Ibidem.

3212.

Annuaire APCA 1959.

3213.

La Vienne agricole, 20 février, 5 mars et 9 avril 1952.

3214.

Arch. nat., F1a 4034 : Réponse des préfets à la circulaire n° 287 du Ministère de l’Intérieur sur la composition des fédérations départementales du syndicat des exploitants agricoles, février-mars 1946. Lettre du Préfet de la Vienne, 4 mars 1946.

3215.

Ibidem.

3216.

Arch. nat., F10 5043, archives de la Corporation paysanne, Unions régionales corporatives agricoles (suite), département de la Vienne, [1941-1944], liste des membres du conseil régional corporatif de l’URCA, juin 1942.

3217.

Annuaire national agricole 1936, p. 345.

3218.

Arch. nat, F10 4972, archives de la Corporation paysanne, listes des Comités régionaux d’organisation corporative (CROC), [1940-1941].

3219.

Ibidem, nouvelles listes des membres des URCA et du Conseil régional corporatif, 1944.

3220.

Annuaire national agricole 1945, p. 75.

3221.

Annuaire CGA 1947.

3222.

Guide national agriculture 1951-1952, p. 219.

3223.

Arch. APCA, Procès-verbaux de sessions de la chambre d’agriculture de l’Yonne, 1950-1956, procès-verbal de la session de mars 1952.

3224.

Chambres d’agriculture, 15 décembre 1953, p. 32.

3225.

Chambres d’agriculture, 15 décembre 1954, pp. 46-47.

3226.

Chambres d’agriculture, 15 juin 1955, pp. 44-46.

3227.

Arch. APCA, Circulaires février 1957-mai 1957, rapport sur l’activité des services, année 1956-1957.

3228.

Arch. APCA, Circulaires février 1958-juillet 1958, rapport sur l’activité des services, année 1957-1958.

3229.

Arch. APCA, Circulaires juin 1959-décembre 1959, rapport sur l’activité des services, année 1958-1959.

3230.

Chambres d’agriculture, 1er janvier 1958, p. 32.