Doyens des chambres d’agriculture

Les sortants réélus en 1959 sont entrés à la chambre d’agriculture neuf à dix années plus tôt en moyenne, tandis que le groupe de ceux qui n’ont pas été réélus affiche une moyenne de quatorze ans d’« ancienneté ». Ce dernier terme est cependant à manier avec prudence, du fait de l’histoire mouvementée des chambres d’agriculture dans les années 1940. Pour résumer à grands traits, les élus de l’entre-deux-guerres ont été écartés, tandis que ceux qui ont accédé à la fonction de membre de la chambre d’agriculture à partir de 1952 ont tendance à se maintenir en place. Parmi les membres des chambres d’agriculture installés en mai 1959, ceux qui ont été élus dans l’entre-deux-guerres ne représentent plus que 8 % du total 3329, alors qu’ils constituaient un quart de l’effectif en 1952. Cette part des élus des années 1930 est beaucoup moins résiduelle parmi les présidents de chambre d’agriculture, où elle atteint 26 %. Ce différentiel d’ancienneté entre membres et présidents est visible dès le milieu des années 1930 et souligne l’existence d’une prime à la stabilité dans le choix des présidents des chambres d’agriculture : en 1960, les membres des chambres d’agriculture sont élus depuis sept ans en moyenne, quand les présidents le sont depuis plus de douze années 3330. Si la part des élus entrés dans les chambres d’agriculture en 1952 demeure la plus importante, ceux-ci ne constituent plus guère que 48 % de l’ensemble des membres des chambres d’agriculture et ne sont donc déjà plus à eux seuls majoritaires. En revanche, parmi les présidents de chambre d’agriculture, ceux qui ont été élus membres en 1952 restent très nettement majoritaires, en représentant plus des deux tiers de l’effectif.

Les membres réélus en 1959 ont en moyenne 56 ans, tandis que les membres non réélus paraissent plus âgés, avec une moyenne de 65 ans 3331. A-t-on écarté les plus vieux des sortants ? Si oui, cela s’est-il produit en amont de l’élection, au moment de la constitution des listes de candidats et des âpres négociations qui y président ? Ou alors, sont-ce les électeurs qui ont éliminé les listes constituées des plus âgés parmi leurs élus ? Il reste que les membres des chambres d’agriculture ont en moyenne 52 ans en 1959, en se fondant sur les données connues, qui concernent 1414 membres sur 2022, soit 70 % d’entre eux. Le plus jeune a 26 ans et le plus âgé 84. Les présidents sont en moyenne plus âgés de six années que les membres et le plus jeune d’entre eux n’a pas moins de 37 ans. L’âge médian des présidents reste élevé – 57 ans contre 53 ans pour les membres. La répartition des membres et des présidents de chambre d’agriculture par tranches d’âge est éclairante. La comparaison des pyramides des âges 3332 montre bien l’importance de la génération née au tournant du siècle, entre 1895 et 1909, soit celle des quinquagénaires et de ceux qui ont tout juste franchi le seuil des soixante ans. La confrontation des parts respectives des membres et des présidents par tranches d’âge pointe la surreprésentation des générations les plus âgées parmi les présidents : ainsi, 20 % d’entre eux ont plus de 65 ans quand la part des membres atteignant cet âge n’excède pas 10 %. De même, alors que 17 % des membres des chambres ont moins de quarante ans, un seul président représente cette génération.

Dans 64 départements, le président serait plus âgé que la moyenne des membres de la chambre 3333 : dans 25 départements, son âge excèderait de dix à 25 ans la moyenne d’âge de la chambre. Dans 25 autres départements, le président serait plus jeune que la moyenne des membres, mais la différence dépasserait dix années dans seulement quatre cas. On ne compte que six départements dans lesquels le président aurait moins de dix années de plus que le membre le plus jeune de la chambre, tandis que dans seize chambres d’agriculture, le président serait le doyen des membres et que, dans 23 autres, il serait né au cours de la même décennie que le doyen. Les lacunes des sources doivent nous inciter à la prudence mais les chambres d’agriculture semblent le plus souvent présidées par l’un des plus âgés de leurs membres, qui est également bien souvent l’un des plus anciens élus.

Au sein de l’APPCA ces déséquilibres s’accentuent encore. Les suppléants du comité permanent général (CPG), sont âgés de cinq ans de plus en moyenne que les simples présidents. Les titulaires affichent une moyenne d’âge qui avoisine 59 ans, contre 56 pour les autres présidents. La moyenne d’âge des membres du bureau avoisine quant à elle celle de l’ensemble des simples présidents. En revanche, l’ancienneté moyenne croit très nettement en même temps qu’on gravit les niveaux de l’organigramme : de 5,5 ans pour les membres des chambres, à 10,2 ans pour les présidents non élus au CPG, 12,8 ans pour les suppléants et 14,3 ans pour les titulaires du comité permanent général, elle atteint même 18,4 ans pour les membres du bureau. L’APPCA est donc indéniablement dirigée par ses plus anciens membres, qu’ils en soient les doyens par l’âge ou par l’expérience de l’institution : loin de constituer une exception – c’est tout l’intérêt d’observer les cursus internes aux organisations – cette forme d’inertie prend de l’épaisseur quand on considère les deux ou trois décennies qui précèdent, et la vague de fond qu’entendaient incarner les dirigeants de la Corporation paysanne.

Notes
3329.

Voir Annexes. Dossier n° 9, tableau 1 et graphique 1 et 2.

3330.

Voir Annexes. Dossier n° 12, graphique 4.

3331.

On connaît l’âge de 896 des 1240 membres réélus, mais seulement de 121 des 710 membres non réélus.

3332.

Voir Annexes. Dossier n° 9, graphique 4, 5 et 6.

3333.

Précisons que les moyennes d’âge sont calculées à partir de données lacunaires : 1414 années de naissance sont connues pour 2022 membres seulement, soit environ 70 % de l’effectif. Un biais existe sûrement car la principale source permettant de connaître les années de naissance des membres est l’annuaire des chambres d’agriculture daté de 1964 : les dates de naissance des membres élus en 1952, 1955 et 1959 et non réélus en 1964 restent ainsi plus souvent que les autres inaccessibles, faussant l’ensemble des résultats qui sont donc à exprimer au conditionnel.