Louis Richier, ex-député « paysan » et vice-président de l’APPCA

Louis Richier, né le 30 avril 1891 à Lazer dans les Hautes-Alpes, est l’aîné d’une famille de cinq enfants 3403 et le fils d’un agriculteur 3404 qui devient maire de la commune en 1899 3405. Le jeune Louis, titulaire du certificat d’étude 3406, effectue « en 1912 son service militaire dans l’infanterie, service prolongé par la mobilisation générale en août 1914. Affecté au corps expéditionnaire des Balkans, il particip[e] notamment à la bataille des Dardanelles. Il termin|[e] la guerre avec le grade de sergent et [est] rapatrié en 1918 pour des raisons sanitaires » 3407. À son retour en 1919, il devient secrétaire de mairie dans sa commune natale, où son père est toujours maire. Il se marie en 1921 avec Marie-Jeanne Arnaud, née dans une commune voisine 3408. En 1924, il devient président du Syndicat agricole de la vallée de Laragne, avant d’accéder à la présidence de la coopérative des blés de Buech et Durance et du Syndicat intercommunal d’électrification pour le sud du département 3409.

En 1927, à 36 ans, il est élu parmi les premiers membres de la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, au suffrage des électeurs individuels 3410. Deux ans plus tard, il succède à son père à la mairie de Lazer, fonction qu’il occupe jusqu’en 1953 3411. C’est sous l’étiquette de « radical indépendant » – il est réputé « inscrit au parti radical socialiste » – qu’il est élu au conseil général en 1934 3412, où il devient rapporteur de la commission de l’agriculture et de l’électrification 3413. Il mène de front ses responsabilités professionnelles et crée en 1936 le silo de Lazer 3414. Mobilisé en septembre 1939, ce père de famille nombreuse – sa femme a accouché de cinq filles entre 1922 et 1936, dont deux sont mortes en bas âge – rentre vite chez lui où il continue d’exercer les fonctions de premier édile. Dès janvier 1942, il est pressenti pour faire partie du Comité régional d’organisation corporative de son département et en devient membre en mars de la même année 3415. Ce n’est qu’en novembre 1943 qu’il est désigné comme syndic adjoint au sein de l’Union régionale corporative des Hautes-Alpes, constituée tardivement 3416. Considéré comme « résistant » par les renseignements généraux à la Libération 3417, il aurait « refus[é] la Collaboration et profit[é] de ses fonctions municipales pour aider la Résistance, [tandis que] son frère Albert 3418 avait de son côté rejoint le maquis » 3419.

Président du Comité départemental d’action agricole (CDAA) en 1945, il dirige ensuite l’Union départementale de la Confédération générale de l’agriculture (UD-CGA) 3420. Délégué cantonal de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de son département dès la Libération, il en devient le président l’année suivante 3421. Il occupe également la présidence du comité départemental des céréales 3422 et est promu au grade d’officier dans l’ordre du Mérite agricole en 1946 3423. Celui que le préfet considère comme « apolitique » 3424 et qui est même qualifié de « communisant » par un agent des renseignements généraux 3425, participe dès 1945 « à la mise sur pied de la fédération départementale du Parti paysan d’union sociale (PPUS), créé par Paul Antier » 3426, parti dont la « vocation à recycler la droite agrarienne maréchaliste » 3427 paraît évidente, du moins a posteriori, et dont les efforts immédiats des débuts visèrent surtout à « limiter l’emprise de la CGA » 3428. Il se présente à l’élection de la première Assemblée constituante qui a lieu le 21 octobre 1945 : la liste d’Union paysanne, adoubée par le PPUS, l’emporte de peu devant celles du Parti communiste et du Mouvement républicain populaire 3429. Il siège au groupe paysan 3430 avec Camille Laurens, ancien responsable de la Corporation paysanne, et Jacques Le Roy Ladurie, ancien ministre de l’Agriculture du gouvernement Laval 3431 et se préoccupe de la retraite des vieux travailleurs, y compris non salariés, ainsi que des engrais nécessaires en vue des récoltes de 1946 3432. Il ne se représente pas en 1946.

Au moment de la reprise d’activité de la chambre d’agriculture, il en devient vice-président et accompagne le président Léon Isaïe Dastrevigne aux sessions de l’APCA en novembre 1950 et mai 1951, en tant que suppléant-délégué 3433. Réélu en 1952, il brigue alors, avec succès, la présidence de la chambre : cumulant cette fonction avec les présidences des structures départementales de la CGA et de la FDSEA – dans cette dernière il est à la tête de la section blé – et celle de la section départementales de l’Office du blé 3434, il affermit sa position de « personnalité locale la plus importante des milieux agricoles » 3435. Le 22 avril 1952, l’APCA choisit les membres du comité permanent général : Louis est élu comme titulaire dès le premier tour de scrutin 3436. Le 18 mai 1954, le CPG élit le nouveau bureau : Pierre Lescourret, président de la chambre d’agriculture du Vaucluse, propose la candidature de Louis Richier, estimant « souhaitable que la région du Sud-Est–Midi soit représentée au sein du bureau » ; Louis Richier devient vice-président 3437. L’année suivante, il intègre le comité de gestion du Fonds national de péréquation des chambres d’agriculture (FNPCA), tout juste créé 3438, et supplée périodiquement René Blondelle à la présidence de celui-ci 3439. Son assiduité aux sessions de l’APCA est sans faille au cours des 41 séances qui ont lieu jusqu’aux élections de 1970, date à laquelle il quitte la présidence de la chambre : il faut noter également que Louis Richier vient d’abord le plus souvent seul à l’APCA, puis il se fait le plus souvent accompagner de son suppléant délégué, vice-président de la chambre, Émile Jartoux. Les responsabilités locales de Louis Richier s’étoffent au moment de son ascension interne à l’APCA. En 1955, outre ses fonctions antérieures, il exerce les fonctions de président de la coopérative des producteurs de semences et du Syndicat pour l’encouragement à la productivité agricole, ainsi que celle d’administrateur de la Caisse régionale de crédit agricole 3440. En 1958, il présente devant ses pairs de l’APPCA sur l’action agricole des conseils généraux 3441. En 1959, il est également président de la Société coopérative d’études et de constructions rurales des Hautes-Alpes 3442.

Philippe Brossillon, étudiant la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes, rencontre la figure de son président. Il évoque le fait que « Monsieur Richier vice-président de l’APPCA (président de la CGA) était très souvent absent des Hautes-Alpes et ne participait que de très loin au développement haut-alpin. Bien que vice-président de l’APPCA, il ne chercha jamais à développer les services de la chambre préférant laisser ce soin à l’administration agricole. Il comptait beaucoup plus sur ses relations personnelles, (il fut aussi maire de Lazer, conseiller général, député) pour favoriser l’agriculture haut-alpine ». Selon lui, comme Louis Richier « se considéra[i]t comme le seul représentant et défenseur de celle-ci, une opposition commença à se faire jour avant les élections de 1959 » 3443. Pour le géographe, le président de la chambre d’agriculture des Hautes-Alpes incarne la tendance agrarienne des organisations agricoles, face aux « aménageurs [qui] considèrent l’agriculture comme une donnée économique devant s’intégrer dans un environnement plus vaste où chacun a son mot à dire » 3444. La perception qu’il a d’un président absent du département, fréquemment à Paris, doit être corroborée par le fait qu’il ne lui est pas connu d’engagements dans des organisations agricoles nationales autres que l’APPCA.

Notes
3403.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp. Il s’agit de la version web du Dictionnaire des parlementaires français : notices biographiques sur les parlementaires français de 1940 à 1958, élaboré par le service des archives de l’Assemblée nationale ; le tome contenant la notice de Louis Richier n’est pas encore paru en version papier à la date de rédaction de la présente notice.

3404.

Whos who in France (5e édition), Dictionnaire biographique, 1961-1962, Paris, Jacques Lafitte, 1961, 2 volumes, 2951 p.

3405.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Notice biographique (anciens parlementaires), 13 avril 1967.

3406.

Ibidem.

3407.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3408.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Notice biographique (anciens parlementaires), 13 avril 1967.

3409.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3410.

Annuaire national agricole 1930, 1er volume.

3411.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Notice biographique (anciens parlementaires), 13 avril 1967.

3412.

Ibidem, Fiche individuelle strictement confidentielle, élections législatives du 21 octobre 1945.

3413.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3414.

Ibidem.

3415.

Arch. nat, F10 4972. Action syndicale. Organisation syndicale, organisation du service, organisation des Comités régionaux d’organisation corporative, des Comités d’organisation syndicale, puis des Unions régionales corporatives ; 1940-1943, organismes à dissoudre ; 1942-1944.

3416.

Arch. nat., F10 4978, Unions régionales corporatives agricoles, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, 1942-1944.

3417.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Fiche individuelle strictement confidentielle, élections législatives du 21 octobre 1945.

3418.

Annuaire des médaillés de la Résistance française, Paris, [s.n.], [s.d.], 324 p., p. 271 : Albert Richier, né à Lazer en 1893, a reçu la médaille de la Résistance française le 24 avril 1946, JO du 17 mai 1946.

3419.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3420.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Fiche individuelle strictement confidentielle, élections législatives du 21 octobre 1945.

3421.

Arch. nat., F1a 4034 : Réponse des préfets à la circulaire n° 287 du Ministère de l’Intérieur sur la composition des fédérations départementales des syndicat des exploitants agricoles, février-mars 1946. Télégramme du préfet des Hautes-Alpes, 16 mars 1946.

3422.

Annuaire national agricole 1945, 595 p.

3423.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3424.

Ibidem.

3425.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Fiche individuelle strictement confidentielle, élections législatives du 21 octobre 1945.

3426.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3427.

David BENSOUSSAN, « Le Parti paysan d’union sociale », article cité, p. 207.

3428.

Pierre LÉVÊQUE, Histoire des forces politiques en France. Tome 3 : de 1940 à nos jours, Paris, Armand Colin/Masson, 1997, 511 p., p. 315.

3429.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3430.

Ibidem.

3431.

Isabel BOUSSARD, Vichy et la Corporation Paysanne… ouvrage cité.

3432.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/richier-louis-30041891.asp

3433.

Chambres d’agriculture, novembre-décembre 1950 et mai-juin 1951.

3434.

Guide national agriculture 1951-1952, p. 91.

3435.

Arch. nat., F7 15517/B, Personnalités décédées du monde politique, syndical, artistique et scientifique : dossiers individuels classés par n° de dossiers (1941-1974), dossier 5346 (Louis Richier). Fiche des renseignements généraux, 28 août 1974.

3436.

Chambres d’agriculture, avril-juin 1952, p. 38.

3437.

Arch. APCA, Comité Permanent Général, mars 1954 à fin 1955, réunion du 18 mai 1954.

3438.

Ibidem.

3439.

Chambres d’Agriculture, n° 151, 1 juillet 1958, p. 31. M. Richier qui a, en fait, présidé aux destinées du Fonds national de péréquation des chambres d’agriculture pendant l’année.

3440.

Annuaire APCA 1955.

3441.

Louis RICHIER, "Action agricole des conseils généraux", dans Chambres d’Agriculture, n° 151, 1 juillet 1958, pp. 44-45.

3442.

Annuaire APCA 1959.

3443.

Philippe BROSSILLON, La Chambre d’agriculture des Hautes-Alpes : lieu de convergence des politiques et des acteurs de l’aménagement, ouvrage cité, f° 186.

3444.

Ibidem, p. 205.