Suivant le cheminement de Michel Callon, nous appellerons intéressement « l’ensemble des actions par lesquelles une entité […] s’efforce d’imposer et de stabiliser l’identité des autres acteurs qu’elle a défini par sa problématisation ». Rappelant qu’« intéresser c’est se placer entre (inter-esse), [c’est-à-dire] s’interposer », il montre comment fonctionne le processus d’intéressement visant à couper des liens entre des acteurs d’un réseau en s’interposant à leur place 3843 : s’interposer, c’est créer ou renforcer des médiations, c’est, pour un corps intermédiaire tel que l’APPCA, asseoir ou renégocier son rôle et sa légitimité, voire sa place. Norme sociale et norme professionnelle, l’exploitation à 2 UTH est un objet multiforme. À l’intersection de l’exploitation familiale « traditionnelle » et des groupements d’agriculteurs auxquels aspirent notamment les jeunes agriculteurs, elle recouvre, au prix de malentendus souvent tus, des réalités très différentes. De fait, un flou est entretenu par l’APPCA autour de la signification concrète des 2 UTH. Puisque le travail des femmes d’agriculteurs n’est pas comptabilisé comme une « unité travailleur » entière, puisqu’elles ne consacrent pas la totalité de leur temps à l’exploitation et que leur force de travail n’est pas celle d’un homme, il s’agit de ne pas départager ce qui ressortit des cas, nombreux et dépréciés, de cohabitation du père et du fils pendant de longues années sur l’exploitation, des plus rares et encore aventureux cas d’associations d’exploitants. Laisser croire que la norme des 2 UTH peut coïncider avec le ménage, c’est encore se poser en défenseur de toutes les exploitations, y compris celles où un seul « travailleur homme » peut être retenu. Au travers des méthodes statistiques employées et du rôle de l’APPCA pour promouvoir et uniformiser ces méthodes, notamment et avant tout la « méthode Gabillard », cette dimension de l’intéressement devient lisible.
Le 10 août 1961, le bureau A1 « Études françaises et Plan » de la sous-direction de l’Économie rurale et des études du ministère de l’Agriculture envoie à l’APPCA une étude intitulée « La superficie de l’exploitation rentable. Contribution à la recherche d’une méthode pour l’exécution des études prescrites par l’article 7 de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole ». Précisant que la loi prescrit « de conduire les études de manière telle que, des conditions étant posées et des hypothèses étant faites pour les principales variables, la rentabilité de l’exploitation soit directement fonction de sa superficie », l’étude propose un examen de diverses méthodes de calcul. C’est d’abord celle qu’imagine la section économique de la direction des services d’Ille-et-Vilaine : il s’agit de trouver « le niveau de recettes par travailleur tel que les recettes équilibrent les charges globales » puis de trouver la superficie correspondante, c’est-à-dire que cette approche part du principe selon lequel « il existe une bonne corrélation entre le rendement économique (rapport recettes/charges globales des exploitations) et les recettes par travailleur ». Sont ensuite exposées deux méthodes proposée par le CNJA. La première postule que « sachant […] quelle est la recette minimum par unité de travail pour équilibrer les charges, connaissant par ailleurs la recette par hectare "techniquement possible", pour connaître la superficie qui est nécessaire à chaque unité de travail pour obtenir la recette minimum, il suffit de diviser la première donnée par la seconde » et se fonde sur une collection de résultats comptables ou sur « des résultats d’exploitation à deux unités de travail "techniquement au point, bien gérée et assurant le plein emploi de la main-d’oeuvre" ». La seconde recherche le revenu du travail par hectare et dispose que « si l’on veut obtenir une certaine rémunération du travail, il faudra, pour y parvenir, autant d’hectares que la rémunération à obtenir contient de fois le revenu du travail par hectare ». Ces trois méthodes paraissent à l’évidence insuffisantes aux yeux des services ministériels : à la dernière notamment il est reproché de « supposer que la différence entre recettes et charges autres que de travail reste identique à elle-même quelque [sic] soit la surface mise en valeur et par conséquent supposer que toutes les charges croissent de la même manière avec la surface » 3844.
La première des « méthodes complexes » à être exposée est proposée par la station d’économie rurale de Rennes, au sein de laquelle collaborent l’INRA et l’École nationale d’agriculture de Rennes (ENAR). Partant du même principe que la deuxième méthode du CNJA, elle se distingue par la construction d’un modèle, au lieu de se référer à des cas concrets. La Société d’études régionales économiques et sociales du Centre-Est, la section économique de la direction des services agricoles de la Haute-Garonne et le bureau d’études de gestion de l’Association régionale de vulgarisation agricole adoptent une même démarche prenant en compte les charges fixes annuelles ne dépendant pas de la superficie et des systèmes de production et systèmes de culture pour calculer la recette à l’hectare. Sur ce document la page concernant la « recherche de la superficie assurant le plein emploi de deux unités de main-d’œuvre » a été soigneusement découpée. Suit une courte note sur le « calcul des incidences sur le niveau de la population active agricole » selon laquelle « il suffit de diviser la surface de la région considérée par la surface nécessaire à chaque unité de travail pour obtenir le nombre d’unités de travail limite » 3845. À l’évidence, ce succinct catalogue de méthodes d’élaboration de l’objet statistique qu’est l’exploitation à 2 UTH démontre que la volonté gouvernementale est bien celle de la sélection des exploitations qui, parce qu’elles atteignent un seuil minimal en matière de superficie, sont rentables du point de vue des conditions du moment. Le fait que l’APPCA ait porté son attention sur la seule des méthodes qui ne prend pas en compte directement la rentabilité est éclairant et confirme les hypothèses émises lors de l’observation de la problématisation opérée par l’assemblée permanente.
Le 24 août 1961, René Blondelle adresse au ministre de l’Agriculture nouvellement installé une lettre, déjà citée, dans laquelle il précise que le CPG de l’APPCA sera « appelé à préciser sa conception touchant la méthode devant procéder à l’élaboration des études en cause ». Le président de l’assemblée permanente poursuit toutefois et déclare qu’il serait souhaitable que « soit arrêté le texte définitif du document technique actuellement préparé par [les] services [du ministère] » 3846. Si est évoquée la question de la « collaboration d’un expert de[s] services centraux [de l’APPCA] » 3847, la désignation de cet expert est ajournée. Le 6 septembre, cette nomination est encore reportée puisque René Blondelle explique à Edgard Pisani qu’« avant de désigner cet expert, [il souhaiterait qu’on lui fasse] parvenir le projet de document technique que [les] services [du ministère] mettaient au point afin, connaissance prise de ce document, [que l’APPCA puisse] envoyer celui de [ses] collaborateurs qui connaîtra le mieux les problèmes abordés dans cette note » 3848. Deux semaines plus tard, le président de l’APPCA adresse aux présidents de chambre d’agriculture une longue circulaire par laquelle il leur demande « de bien vouloir faire procéder avec toute la diligence nécessaire aux études demandées ». René Blondelle explique aux présidents : « Nous vous transmettrons, dès que possible, la note méthodologique visée par la lettre de Monsieur le Ministre et à la mise au point de laquelle nous avons été invités à participer ; en attendant, nous avons l’honneur de vous communiquer les remarques que successivement le Bureau et le Comité ont faites sur les futurs travaux des chambres ».
Il est répété qu’il s’agit de « s’attacher d’abord à rechercher la superficie que deux unités de main-d’œuvre peuvent mettre en valeur dans le cadre d’une durée de travail analogue à celle en vigueur dans les autres activités de la région », et que l’accent est mis sur la capacité de travail, sans oublier de préciser que « certaines exploitations à un homme sont viables et ne doivent pas être pénalisées ». Est clairement indiqué aux chambres d’agriculture qu’« il faut fixer la superficie par le travail de deux unités de main d’œuvre pratiquant les spéculations traditionnelles, obtenant des rendements moyens, à l’aide de méthode et d’investissement accessibles aux agriculteurs actuels ». Enfin, « il semble utile de fixer en même temps que la superficie type d’une exploitation, le montant des capitaux qui serait nécessaire à deux travailleurs pour la mettre en valeur, capital foncier et capital d’exploitation », dans une logique de prise en compte de la rémunération de ces capitaux. Le président de l’APPCA conclut ainsi : « le Comité m’a donc chargé d’insister près de vous pour que tous les moyens dont vous pouvez disposer, en collaboration et en liaison étroites avec tous les organismes susceptibles de vous aider dans cette tâche, notamment avec les organisations professionnelles agricoles, soient mis en œuvre pour répondre à la demande de Monsieur le ministre de l’Agriculture dans les délais convenables » 3849. Le 22 septembre 1961, René Blondelle écrit à Edgard Pisani pour « appeler [son] attention sur les seules méthodes permettant de respecter à la fois ce délai [du 5 août 1962] et les obligations inscrites dans la loi » 3850 : une copie de cette lettre est adressée aux présidents de chambre d’agriculture le même jour 3851.
Il a été dit combien l’organisation des services des chambres d’agriculture était, à la fin des années 1950, très focalisée sur les activités de vulgarisation et de conseil agricole, donc à dominante technique. 43 chambres auraient, en 1959, un « service économique » ou « de gestion », voire « de comptabilité », mais il s’agit souvent d’un « service technique et économique » 3852 et d’intervenants polyvalents, de terrain et généralistes. Au mieux, comme c’est le cas dans l’Aube, la chambre d’agriculture a mis sur pied un service de gestion et d’économie rurale qui « a pour objet de promouvoir chez les exploitants la pratique de la comptabilité et du budget et d’aider les exploitants dans l’organisation et la tenue de leur comptabilité par les moyens les mieux appropriés » 3853. Aussi l’APPCA procède-t-elle, dès la fin du mois de septembre 1961, à une enquête dite « Population-Superficie », par laquelle elle entend recenser « les services et organismes susceptibles d’apporter une aide technique aux études préalables à la détermination de la superficie des exploitations à deux unités de main-d’œuvre ». Le secrétaire et le président de l’assemblée s’adressent ainsi à leur homologues : « afin de permettre à notre comité permanent général et à moi-même, d’apprécier l’importance et la valeur des moyens susceptibles d’être ainsi mobilisés pour le but poursuivi et, le cas échéant, d’envisager les mesures à prendre pour vous apporter une aide complémentaire, je vous serai reconnaissant de bien vouloir procéder, dès à présent, à l’inventaire des moyens dont vous pourriez disposer et de me retourner, après l’avoir rempli, la feuille de renseignement annexée à la présente circulaire et concrétisant le dit inventaire ».
Le questionnaire joint concerne les services et organismes à cadre départemental, mais aussi pluri-départemental ou régional. Il vise à énumérer les travaux entrepris par les « services officiels » – DSA, universités et direction régionale de l’INSEE –, par les services d’utilité agricole de la chambre d’agriculture – service de comptabilité et d’économie rurale et service économique –, par les organisations agricoles, au premier rang desquelles sont attendus les Centres de comptabilité et d’économie rurale, et enfin par divers intervenants – « personnalités et chercheurs isolés, sociétés d’agriculture, associations, etc. ». Sont recherchées, à l’appui des études à entreprendre, des comptabilités d’exploitation, des fiches de gestion et des études économiques et il est demandé « de mentionner les études ainsi effectuées susceptibles d’être utilisées dans le but poursuivi : étude des temps de travail, étude de productions agricoles déterminées etc… » 3854. Le processus d’intéressement est limpide : il s’agit clairement de pointer les Centres de comptabilité et d’économie rurale, souvent adossés aux chambres d’agriculture et à leurs services d’utilité agricole, comme les plus aptes à fournir les éléments statistiques et documentaires indispensables aux études, et de laisser entrevoir l’occasion d’un appui spécifique à ces activités. L’enquête « Population superficie » devient vite le « Dossier Moreau », du nom de Raymond Moreau, directeur du Centre national de comptabilité et d’économie rurale, dont les travaux, en 1961, ont trait au programme « études et recherches sur l’économie de l’exploitation », financé par l’INRA – « ces recherches visent essentiellement la mise au point des méthodes de prévision des besoins de travail sur l’exploitation agricole et l’adaptation des méthodes modernes de gestion à l’exploitation (programmation) » et découlent de l’étude de la détermination de la dimension optimale de l’exploitation familiale de polyculture-élevage dans la Plaine du Rhin 3855.
Pour l’APPCA, il s’agit d’opérer la même mutation dans les centres de gestion et d’économie rurale au niveau départemental qu’au CNCER au niveau national, c’est-à-dire d’y favoriser le passage de la promotion des pratiques de gestion à la prospective économique. 72 chambres d’agriculture répondent à ce questionnaire, dont 27 le font avant l’expiration du délai imparti, fixé par le président de l’APPCA au 25 octobre 1961 – les 45 autres répondent entre la fin octobre et le 19 décembre, dont 41 le font avant la tenue de la 63e session de l’assemblée permanente, le 29 novembre 1961. À l’aune des autres enquêtes diligentées par l’APPCA auprès des chambres d’agriculture, celle-ci est un indéniable succès. Tandis que les chambres d’agriculture y voient l’occasion de faire la preuve de leur proximité avec le territoire dans sa diversité – puisque c’est au niveau des petites régions que doivent se faire les mesures – l’APPCA peut jouer le rôle de collecteur d’informations très diverses à l’échelle fine. Il ne paraît pas controuvé de voir là la manifestation de l’entrée de l’APPCA dans la lutte d’influence et la course à la concurrence pour « occuper le terrain », face aux services ministériels notamment, au moment du développement spectaculaire et quasi ex-nihilo de la statistique agricole 3856. Le Centre de gestion de la Loire résume bien combien « le problème de la superficie minimum viable » doit être saisi comme l’occasion de faire converger les efforts inaboutis, imparfaits mais complémentaires des chambres d’agriculture 3857 et des Centres de gestion et d’économie rurale, qui souffrent d’un trop faible nombre d’adhérents et du caractère non-représentatif des résultats d’exploitations fournis par ces adhérents qui « au même titre que ceux des CETA appartiennent à l’élite de l’Agriculture » 3858. Mais la multiplicité des pistes locales et des points de rencontre possibles entre organisations, même en se limitant aux chambres d’agriculture et aux centres de gestion et d’économie rurale, est telle que pour l’APPCA, il convient de ramener l’ensemble des protagonistes sur le chemin d’une élaboration statistique commune.
Alain Desrosières montre « l’ambivalence d’un travail tourné à la fois vers la connaissance et vers l’action, vers la description et vers la prescription » : « faire des choses qui tiennent », qui sont autant de catégories d’action, « indépendantes des intérêts particuliers, pour pouvoir agir sur elles », est une des démarches sous-jacentes des entreprises statistiques 3859. Le recours aux statistiques, leur élaboration et leur exploitation conjointes, sont vus par lui comme une étape infiniment complexe du processus de rationalisation de l’action publique 3860. Faire des choses qui tiennent, pour l’APPCA, en novembre 1961, à l’heure de la réforme des « services extérieurs » du ministère de l’Agriculture, c’est convoquer une méthode simple pour avoir des résultats chiffrés à proposer rapidement en réponse à la sollicitation ministérielle, c’est aussi espérer la guider.
Les conditions de l’émergence de la « méthode Gabillard » sont énigmatiques. Un rapport prononcé devant la chambre d’agriculture de la Vienne le 16 novembre 1960 a été annexé au dossier concernant l’enquête 61-7, débutée en octobre 1961. Alors que l’ensemble des pièces des boîtes d’archives « Structures » concernent les années 1961 et 1962, la présence de ce document étonne. À l’évidence, ce rapport a été repéré comme apportant des réponses utiles, puisqu’une annotation le dit « intéressant » 3861 : comme nous l’avons déjà montré, les services de l’APPCA effectuent une sorte de veille consultative, en épluchant les procès-verbaux des sessions des chambres départementales, entretenant par là une forme de consultation passive initiée dans les années 1930. Le fait que Marc Ferré, le vice-président de l’APPCA, préside la chambre d’agriculture de la Vienne a également pu jouer en faveur du repérage de ce rapport. André Venault de Bourleuf en est le rapporteur. Âgé de 58 ans, cet « agriculteur », maire et conseiller général de Couhé, est licencié ès sciences et « ancien élève ESA » 3862. Résidant au château de Fonsalmois, longue bâtisse aux allures de manoir 3863, à Anché, cet « important propriétaire terrien possède[rait] une culture certaine et a[urait] une influence indiscutable sur les milieux ruraux en raison de sa connaissance approfondie des questions agricoles » 3864. Après avoir appartenu, en tant que membre, à l’URCA de la Vienne, de juin 1942 à l’été 1944 3865, il est apparu au préfet comme fermement « opposé à ce que la CGA revête un caractère politique » 3866. Élu en 1952 membre de la chambre d’agriculture, il en devient aussitôt suppléant-délégué auprès du président Marc Ferré, qu’il accompagne de manière fréquente aux sessions de l’APPCA. En 1959, il est président d’honneur de la FDSEA de la Vienne, mais reste président de la Coopérative de stockage et d’approvisionnement de Couhé-Vérac, de la Coopérative fruitière de la Vienne, et secrétaire de la Caisse régionale de crédit agricole, ainsi que membre du Comité départemental de vulgarisation 3867 et président du Comité départemental des céréales (ONIC) 3868.
Le contenu n’en est pourtant pas très éloquent. Introduisant prudemment la question des « structures » et insistant sur le fait que ce « n’est donc pas une panacée et ne saurait en aucun cas dispenser de porter remède aux déficiences constatées sur d’autres points importants, notamment sur celui des prix », le rapport cite longuement un article d’Henri Noilhan tentant de démontrer, de façon spécieuse, que la France est en état de sous-peuplement agricole 3869, et en conclut qu’« affirmer, dans ces conditions, comme cela se fait dans des milieux d’experts très proches des conseils du gouvernement qu’une des premières mesures à réaliser pour améliorer les structures agricoles est de provoquer la disparition de 800 000 exploitations décrétées "non viables", [serait] faire preuve d’une très grande légèreté ou d’une insuffisance ridicule ». Le rapport se clôt sur l’affirmation de la « nécessité de procéder à des études préalables sérieuses », « études de base permettant de fournir aux responsables des diverses organismes, à tous ceux qui sont responsables de l’avenir du département, des données chiffrées aussi sûres que possible et tous éléments d’application leur permettant de définir une politique et d’orienter leur action ». Marc Ferré, président de la chambre, « remercie M. de Bourleuf d’avoir bien souligné l’importance de ce délicat problème en faisant ressortir la nécessité de procéder à des études sérieuses avant d’envisager des solutions et, afin de répondre au questionnaire de l’APPCA, il demande à M. de Bourleuf de bien vouloir recueillir tous renseignements utiles tant auprès de M. Gabillard, professeur à la Faculté de droit, qu’auprès de tous organismes qualifiés » 3870.
L’appel à cet universitaire est singulier. En effet, à l’orée des années 1960, les liens entre les chambres d’agriculture et les universités semblent ténus. Les réponses à l’enquête sur les « services et organismes susceptibles d’apporter une aide technique aux études préalables à la détermination de la superficie des exploitations à deux unités de main-d’œuvre » trahissent cette distance. Une soixantaine de chambres d’agriculture n’indiquent rien dans la rubrique des universités, chaires et écoles. Est-ce à dire qu’à l’instar de la chambre d’agriculture de la Dordogne – dont la réponse est : « existent à Bordeaux pour la région : nous ne connaissons pas l’activité de ces divers services » –, les chambres d’agriculture méconnaissent ces spécialistes d’économie agricole ? Certes, la chambre d’agriculture du Tarn-et-Garonne cite le « Pr Fauche [sic], doyen de la Faculté de Toulouse » 3871, mais c’est en tant que « personnalité et chercheur isolé » 3872 et celle de Meurthe-et-Moselle mentionne un mystérieux « M. Engrand, professeur à la faculté de Lille, auteur d’une thèse sur le recensement et la répartition des exploitations par taille et par commune », mais ces références sont les seules dans le domaine de la géographie. Les chambres d’agriculture bretonnes, exceptée celle du Finistère, mentionnent toutes les travaux et enseignants de l’École nationale d’agriculture de Rennes, et la chambre d’Ille-et-Vilaine cite particulièrement Louis Malassis, ainsi que les travaux de « M. Krier au Centre régional d’études et de formation économiques, à Rennes ». En signalant également la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, qui envisage de faire appel à l’Université catholique de l’Ouest et aux « travaux sociologiques de M. l’abbé Houé [sic] », on constate combien se distinguent ces quelques départements de l’Ouest, certainement encouragés par le fait que la méthode mise au point par la station d’économie rurale de Rennes a été retenue par le ministère de l’Agriculture. Comme la chambre d’agriculture de la Vienne, celles de la Charente et de l’Indre – cette dernière évoque aussi, parmi les « personnalités et chercheurs isolés », « M. Luce Prault, directeur honoraire de l’APPCA à Cermelles, Luçay-le-Libre » – citent les travaux menés au sein de l’Institut d’économie régionale, à l’université de Poitiers, et le nom de Jean Gabillard revient trois fois.
Dès juillet 1961, la référence au professeur Gabillard semble s’être imposée. Le 11 juillet 1961, l’APPCA aurait envoyé aux chambres d’agriculture un dossier de documents destinés à préparer la session des chambres d’agriculture de novembre. Cet envoi comprenait les annexes suivantes : « rapport introductif et questionnaire concernant l’enquête sur l’organisation et le fonctionnement des services d’utilité agricole des chambres d’agriculture ; questionnaire sur l’aménagement régional et l’agriculture ; questionnaire sur l’enquête structures (suite) ; exposé de M. Forget devant l’APPCA le 31 mai 1961 et discussion ; exposé de M. Gabillard, directeur de l’Institut d’économie régionale de l’Université de Poitiers » 3873. L’enquête 61-5 est jointe au n° 227 de la revue Chambres d’agriculture, en septembre 1961. Dès la première page, on peut lire : « l’exposé de M. Gabillard, directeur de l’Institut d’économie régionale de l’université de Poitiers, est proposé comme un exemple de méthode d’enquête dont il y aurait, semble-t-il, le plus grand profit à se rapprocher : cette méthode peut paraître complexe et difficile à mettre en œuvre, c’est cependant par de telles méthodes que l’on peut espérer au-delà des aspects doctrinaires, arriver à des résultats plus satisfaisants en cette matière délicate » 3874. Mais l’exposé du professeur Gabillard joint à l’enquête est un compte rendu d’une étude prospective sur la population agricole effectuée par le Centre de gestion de la Charente, à partir d’un sondage au 1/10e dans les fiches de la Mutuelle agricole des Charente. L’étude conclut à un très faible taux de remplacement des chefs d’exploitation et à la nécessité de recourir à des migrations intérieures.
De fait, la méthode mise au point par Jean Gabillard n’est apparemment exposée aux chambres d’agriculture que tardivement, lors de la session du 29 novembre 1961. La direction de l’APPCA fait « distribuer, malheureusement le 30 novembre seulement, une note établie par M. le Professeur Gabillard de l’Université de Poitiers, sur la méthode suivie dans ce département pour obtenir les résultats dont il avait été fait mention ». Copie de la note intitulée « la surface cultivable techniquement par deux unités de main-d’oeuvre, Gabillard » est adressée aux chambres le 4 décembre 1961 3875. Ce document est une simple reproduction à l’identique du texte envoyé par la chambre d’agriculture de la Vienne après sa session des 17 et 18 novembre : ce sont onze pages titrées « la surface cultivable techniquement par deux unités de main-d’œuvre. Note sur une méthode de calcul » 3876. D’emblée l’on apprend qu’« il s’agit de déterminer, région par région, la surface que peuvent normalement cultiver deux unités de travail sans modification de la répartition actuelle des surfaces cultivées, pour un état donné de la technique et pour le degré constaté de motorisation ». À partir des données des recensements agricoles, éventuellement « redressées » avec l’aide de la DSA, il est question d’appliquer des « normes de travail » : « il convient d’appliquer non pas des normes théoriques concernant des cultivateurs à haute productivité mais des temps de travail observés dans la région même et correspondant à une intensité moyenne du travail » 3877. L’aire de référence adoptée est celle du canton, échelle jugée plus pertinente que la région agricole INSEE. Les temps de travail sont « des temps approximatifs qui ont été établis avec la collaboration des spécialistes départementaux les plus avertis : nous nous sommes procuré des séries de temps calculés à l’échelle nationale qui ont été corrigés article par article pour tenir compte des conditions locales observées ». Les calculs sont extrêmement simples et se fondent sur la multiplication des surfaces par des heures de travail. L’ensemble des résultats tient dans un simple tableau, sur une page, avec une quinzaine d’entrées pour les cultures, selon les spécialisations locales, mais sans entrer dans le détail des spécialisations céréalières par exemple ; et à peu près autant pour le cheptel, des chevaux aux bovins en passant par les mulets, caprins et ovins. On remarquera cependant l’absence de prise en compte des variations dans la productivité du travail en fonction de la superficie, alors que l’APPCA se montre très soucieuse de souligner la variabilité des charges d’exploitation et de pointer des pics de rentabilité.
L’existence même de l’« enquête Moreau » et la formulation du questionnaire révèlent une triple volonté de l’APPCA. Comme nous le verrons, la « méthode Gabillard » entérine le déplacement du questionnement autour de l’exploitation à 2 UTH sur la capacité de travail, en excluant les facteurs de rentabilité. Il s’agit également de s’assurer de la fragilité voire de l’absence de liens entre chambres d’agriculture et chercheurs afin de s’interposer en tant que pourvoyeur d’une méthode simple, « labellisée »par une université, permettant de remplir la mission consultative sans déroger aux principes agrariens de défense conjointe des petits et des gros exploitants agricoles. C’est le sens des rubriques du questionnaire abordant les chaires universitaires, et exclusivement les chaires d’économie rurale des facultés de droit, les chaires de géographie humaine des facultés de lettres et d’économie rurale ou d’agriculture auprès des écoles d’agriculture. Mais qui est ce Jean Gabillard que les membres de la chambre d’agriculture de la Vienne citaient déjà en novembre 1960 comme une « personne-ressource » 3878 avec la limpidité de l’évidence ? Car si l’APPCA cherche en lui une caution universitaire – troisième volet de sa quête –, il apparaît que celle-ci demeure plutôt modeste.
Jean Gabillard est devenu professeur à la Faculté de droit de Poitiers à l’automne 1943. Daniel Villey qui y était professeur d’économie, et tentait d’y « constituer une nouvelle école d’économistes libéraux » 3879, raconte : « Je l’avais placé à la tête d’une petite équipe de travail qui devait étudier et suivre l’évolution de l’économie allemande. Je me rappelle son ardeur à compulser, à critiquer les chiffres, et comme il stimulait ses camarades. Dès la fin de la première année, il nous quitta. Cinq mois dans le maquis de la Haute-Vienne, la Faculté de Droit de Paris, les Sciences Politiques ». Après son mariage, Jean Gabillard se serait inscrit en thèse au sein de la 6e section de l’EPHE, pour travailler sur l’économie historique et statistique et plus particulièrement l’étude de l’inflation, sous la direction d’André Piatier, auteur d’une thèse, en 1938, sur l’évasion fiscale et l’assistance administrative entre États. Mais bientôt son dossier est transféré à Poitiers, et Jean Gabillard fait son retour « à sa province natale, à sa vieille université », où il soutient sa thèse, intitulée Recherches sur la fin de l’inflation, en 1950. Lors de la soutenance, les membres du jury soulignent la solidité de la section méthodologique du mémoire 3880.
La position défendue par Jean Gabillard dans cette étude est très claire. Pour lui, « le baromètre de l’inflation, c’est bien, plutôt que l’indice général des prix, l’angle d’ouverture de l’éventail de dispersion des divers indices partiels » : « il remarque alors que la souplesse des prix par rapport aux coûts varie considérablement selon les secteurs. Elle est très grande pour les produits agricoles, dont les coûts ne sont ordinairement pas comptabilisés de façon précise. Au contraire les industriels ont souvent l’habitude de calculer rigoureusement leurs prix de vente sur leurs coûts, qu’ils connaissent et mesurent avec précision (dans le cadre de certaines traditions comptables plus ou moins arbitraires). Tant que les coûts demeureront rigides, le ralentissement de la demande n’aura pour cette catégorie de produits que peu ou pas d’influence sur les prix. Et voilà peut-être pourquoi lors de la plupart des fins d’inflation ce sont les prix agricoles qui les premiers accuseront un fléchissement. Pour savoir quelles seront les conséquences de tel ou tel comportement partiel sur l’ensemble du système, il faut mesurer l’importance dynamique relative du groupe ou du secteur considéré. S’agit-il d’un secteurs " actif " , d’un groupe disposant d’un grand " pouvoir " , d’un comportement " dominant " ? ». Les travaux de l’universitaire de Poitiers vont sans équivoque dans le sens de la théorie des termes de l’échange, de la défense d’une politique des prix dans le cadre d’une parité entre prix industriels et prix agricoles, et d’une forme de domination des campagnes par la logique des villes, à laquelle il faudrait réagir.
Ainsi non seulement l’expert Gabillard permet de profiter du contexte de lent démarrage de la statistique agricole et de la nécessité de constituer des données fiables, pour mener à un refus d’une réflexion multifactorielle autour de l’exploitation agricole et de sa rentabilité, mais il assure à l’APPCA une comptabilité de vue autour d’un agrarisme assurant la pérennité des grandes exploitations par le soutien des prix agricoles. Compatibilité qui s’étend aussi sur le terrain des migrations rurales chères à Eugène Forget et présentées par l’APPCA comme une des réponses à apporter au problème des structures. En effet, le département de la Vienne est également département-témoin ou « étude-pilote » de l’Association nationale de migration et d’établissement ruraux (ANMER) et Jean Gabillard y est impliqué 3881.
Il ne faudrait pas croire que les chambres d’agriculture ont toutes suivi à la lettre la méthode préconisée par l’APPCA. Loin s’en faut. Mais la démarche de l’Institut d’économie régionale de l’université de Poitiers devient une référence, au sens d’« élément qui sert de point de départ à une comparaison ». Près des deux tiers des chambres d’agriculture l’appliquent, quitte à en modifier certains aspects. La chambre d’agriculture de la Somme annonce ainsi avoir retenu la méthode du « Professeur Gabillard », mais précise qu’« il a été tenu compte pour cette recherche de divers facteurs qui [l’]ont amené à apporter quelques modifications à ce schéma : les normes utilisées pour le travail ont été prises le plus souvent dans celles proposées par M. Moreau ou dans l’étude de M. Attorney de l’INRA, car elles se rapprochent de celles applicables au département ; les calculs ont été menés par région naturelle et non par canton : les statistiques disponibles sont faites, en effet, par région naturelle. Il a été ensuite fait un calcul prospectif pour voir ce que deviendrait la surface exploitable par deux Unités de Travailleurs Hommes, dans un système de culture inchangé, mais avec une productivité poussée à l’extrême, grâce notamment à une mécanisation intégrale et à l’utilisation généralisée pour les vaches laitières de la stabulation libre : cette approche nous permet d’évaluer le plafond de notre surface à 2 unités de travailleurs, toujours dans le même système de culture et représente un modèle futur. Enfin, les résultats obtenus ont été confrontés avec un certain nombre de cas précis où les données de travail sont connues (Exploitants appartenant au Centre d’Économie rurale) et qui sont, dans chaque région naturelle, non pas un échantillon représentatif de ces régions, mais un échantillon de bonnes exploitations, pouvant représenter un modèle présent » 3882. On voit comment, même en cas de distorsion décisive de la méthode citée, en abandonnant l’échelle du canton, en ajoutant l’horizon d’une technicisation agricole attendue et le recours à « un échantillon de bonnes exploitations », la référence à la méthode Gabillard est conservée.
Le cas de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire révèle des dissensions importantes et montre combien c’est bien le fait de ne pas se référer à la méthode Gabillard, d’opter pour une autre méthode de calcul, une autre approche, qui doit être défendu. En mai 1962, en Maine-et-Loire, le directeur du Centre de comptabilité et de gestion annonce fermement : « nous ne suivrons pas [les méthodes] proposées par les différentes circulaires pour deux raisons : d’une part, parce qu’elle font appel à de multiples conventions pour lesquelles l’insuffisance de données locales sérieuses enlèvera à notre avis toute signification, d’autre part, parce que nous manquons du temps nécessaire à une étude approfondie et notamment à la constitution et à la vérification de standard nécessaires ». À partir de 123 fiches d’exploitations de polyculture-élevage étudiées en 1960, il établit « la dispersion des surfaces réellement travaillées par Une Unité Travailleur (UTH) [sic], la relation entre le nombre d’hectares travaillés par UTH et le revenu du travail par UTH, la relation entre l’importance des productions dites hors système (porcs, volailles) et les cultures spéciales (tabac, graines, maraîchage de plein champ) et la surface disponible par UTH et enfin les caractéristiques des exploitations ayant employé 2 UTH +/- 15 % en 1960 ». La prise en compte du revenu et de la rentabilité est très poussée, et aboutit à des conclusions remettant en cause la méthode Gabillard – « en conclusion, il ne semble pas prudent d’hypothéquer l’avenir sur des données du passé ; l’évolution rapide actuelle tant technique qu’économique et humaine remettant en cause les conditions d’équilibre et ceci d’autant plus que l’on raisonne sur une moyenne régionale ou départementale aux contours souvent fort imprécis » 3883 – sans toutefois arrêter des surfaces minimum.
Lors de la réunion du CPG, une quinzaine de jours plus tard, Eugène Forget s’attache à « démontr[er] que la méthode retenue en Maine-et-Loire pour la détermination de la superficie de l’exploitation viable à 2 UTH était aussi valable que celle définie par le Professeur Gabillard » 3884. Les débats au sein de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire ont cependant été âpres, comme ils le sont à l’APPCA, et surtout avec le CNCER. Raymond Moreau, son directeur, est en effet très opposé à la méthode Gabillard, sans toutefois remettre en cause l’orientation donnée à l’enquête, à savoir le cantonnement des études sur la question des temps et capacités de travail 3885. On devine combien les dirigeants du CNCER sont dépités de voir leur rôle réduit à une force d’appoint dans la mise en œuvre d’études qui appliquent d’autres méthodes que celles qu’ils ont bâties sur le principe de la collection de comptabilités d’exploitations. L’APPCA s’est interposée entre chambres d’agriculture et centres de gestion au moyen de l’artefact « méthode Gabillard ». Cependant, et l’intervention d’Eugène Forget le prouve, des formes de contestations existent.
Michel CALLON, « Éléments pour une sociologie de la traduction… », article cité, pp. 189-190.
Arch. APCA, Enquête "APPCA" Population-Superficie. Dossier Langlade, 1961, note « La superficie de l’exploitation agricole. Contribution à la recherche d’une méthode pour l’exécution des études prescrites par l’article 7 de la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole », envoyée par le ministère de l’Agriculture à l’APPCA, le 10 août 1961.
Ibidem.
Arch. APCA, Ministère de l’Agriculture, 1960-1962, double d’une lettre de René Blondelle, président de l’APPCA, au ministre de l’Agriculture, le 24 août 1961.
Arch. APCA, Structures (1) Positions de l’APPCA et éléments de base, 1960-1962, copie d’une lettre d’Henri Rochereau, ministre de l’Agriculture, à René Blondelle, président de l’APPCA, le 31 juillet 1961.
Arch. APCA, Ministère de l’Agriculture, 1960-1962, double d’une lettre de René Blondelle, président de l’APPCA, à Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture, le 6 septembre 1961.
Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, circulaire de René Blondelle, président de l’APPCA, aux présidents de chambre d’agriculture, le 20 septembre 1961.
Arch. APCA, Structures (1) Positions de l’APPCA et éléments de base, 1960-1962, copie d’une lettre de René Blondelle, président de l’APPCA, à Edgard Pisani, ministre de l’Agriculture, le 22 septembre 1961.
Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, circulaire de René Blondelle, président de l’APPCA, aux présidents de chambre d’agriculture, le 22 septembre 1961.
Annuaire APCA 1959.
Ibidem.
Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, circulaire de René Blondelle, président de l’APPCA, aux présidents de chambre d’agriculture, le 29 septembre 1961.
Doc. APCA, Rapport sur l’activité des services, année 1961-1962.
Gérard THÉODORE et Michel VOLLE, « Les statistiques agricoles », dans Pour une histoire de la statistique. Tome 2 : Matériaux, Paris, Economica/INSEE, 1987, 969 p., pp. 501-531 ; Alain DESROSIÈRES, Jacques MAIRESSE et Michel VOLLE, « Les temps forts de la statistique française depuis un siècle », dans Pour une histoire de la statistique. Tome 1 : Contributions, Paris, Economica/INSEE, 1987, 593 p. pp. 509-518.
« Les chambres d’agriculture disposent-elles d’informations plus étendues ? Les différents services mis en place par les chambres d’agriculture depuis quelques années ont permis, dans aucun doute, de pénétrer plus profondément dans certaines régions naturelles dont le retard technique se posait avec plus d’acuité : les services de vulgarisation en particulier se sont heurtés dans leurs efforts techniques à des problèmes économiques qui ne pouvaient leur échapper. Les éléments d’information recueillis auraient pu servir de base d’information à une étude économique d’une région naturelle, s’ils avaient été collectés dans un but déterminé. Ils peuvent néanmoins être utilisés comme moyen de contrôle pour une étude ultérieure » .
Arch. APCA, Enquête « APPCA » Population-Superficie, 1961, Dossier Moreau : « Services et organismes susceptibles d’apporter une aide technique aux études préalables à la détermination de la superficie des exploitations à deux unités de main-d’œuvre », rapport de la chambre d’agriculture de la Loire, 20 novembre 1961, 14 p.
« Une autre modalité d’usage de la statistique dans le langage de l’action est envisageable. Elle prend appui sur l’idée que les conventions définissant les objets engendrent bel et bien des réalités, pour autant que ces objets résistent aux épreuves, aux entreprises visant à les défaire. Ce principe de réalité permet de sortir de l’opposition épistémologique sans issue entre les deux ennemis complémentaires et complices, le réaliste et le relativiste. Il ne nie pas la réalité des choses dès lors que d’innombrables personnes font référence à elles pour orienter et coordonner leurs actions. À ce titre la statistique est bien d’abord, à travers ses objets, ses nomenclatures, ses graphiques et ses modèles, un langage conventionnel de référence, dont l’existence permet à un certain type d’espace public de se déployer, mais dont le vocabulaire et la syntaxe peuvent eux-mêmes être débattus : le débat sur le référentiel du débat, sur les mots employés pour mener celui-ci, est un aspect essentiel de toute controverse. Mais, de même que d’autres investissements lourds et quasi irréversibles en raison de leurs coûts, les conventions d’équivalence et de permanence des objets qui fondent la pratique statistique sont elles-mêmes le produit d’investissements politiques, sociaux et techniques fort coûteux ». Alain DESROSIÈRES, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Textes à l’appui/Anthropologie des sciences et des techniques, Paris, Éditions la Découverte, 1993, 437 p., pp. 410-413.
Alain DESROSIERES, « Historiciser l’action publique : l’État, le marché et les statistiques », dans Pascale LABORIER et Danny TROM [dir.], Historicités de l’action publique. Actes du colloque organisé par le Groupe de sociologie politique et morale et le Centre universitaire de recherches administratives et politiques de Picardie, les 12 et 13 octobre 2000, à Paris, Paris, Presses universitaires de France, 2003, 540 p., pp. 207-221 [en ligne : http://matisse.univ-paris1.fr/fr/IMG/pdf/DesrosieresHeterodoxies1.pdf]
Arch. APCA, Structures "2 UTH", 1. Délibération et partie des réponses aux chambres d’agriculture, dépouillées, [1961-1962], Idées positives ou discussions intéressantes, rapport de la chambre d’agriculture du Vienne, Enquête sur les structures agricoles, 16 novembre 1960, 3 p.
Arch. APCA, Élections 1964. Seine-et-Oise à Vienne, 1964, Fiches individuelles des membres.
http://herage.org/util_cpa.php?id_cpa=2039&cgp=788
Arch. nat., F1a 4034 : Réponse des préfets à la circulaire n° 287 du Ministère de l’Intérieur sur la composition des fédérations départementales du syndicat des exploitants agricoles, février-mars 1946. Lettre du Préfet de la Vienne, 26 mars 1946.
Arch. nat, F10 4972, archives de la Corporation paysanne, anciennes listes des membres des URCA et du Conseil régional corporatif, 1942 ; nouvelles listes des membres des URCA et du Conseil régional corporatif, 1944.
Arch. nat., F1a 4034 : Réponse des préfets à la circulaire n° 287 du Ministère de l’Intérieur sur la composition des fédérations départementales du syndicat des exploitants agricoles, février-mars 1946. Lettre du Préfet de la Vienne, 26 mars 1946.
Annuaire APCA 1959.
Guide national agriculture 1959-1962.
« Dans un article récent, Monsieur Henri Noilhan s’élevant contre certaines conclusions du rapport RUEFF, déclare : "que la terre française ne peut pas assurer la prospérité rationnelle et technocratique de plus de 8 millions de personnes parce que la proportion de la population rurale à la population totale est très supérieure aux proportions de ces mêmes populations dans les pays voisins, l’Italie excepté. C’est à se demander si véritablement on a voulu se moquer du monde. En effet, la comparaison entre la population totale d’un pays et sa population rurale n’a rigoureusement aucun sens. Le taux de la population rurale dépend essentiellement de la vocation agricole du pays considéré, de ses ressources rurales, de sa superficie agricole, etc… On peut en dire autant pour toutes les professions ; c’est ainsi qu’un pays comme la Tchécoslovaquie a une population de pêcheurs maritimes nulle parce que, en aucun point il n’est baigné par la mer. Ce qui compte, c’est de savoir quelle est l’entendue de terre cultivable mise en valeur par un travailleur, et encore cette comparaison doit être affectée de coefficients modérateurs suivant l’intensité des modes de culture dans les pays considérés. Or dans cette voie, nous constatons que : pour la Belgique, un travailleur par 4,1 hectares de terre cultivée, pour les Pays-Bas, un travailleur par 4 hectares cultivés, pour la France par contre, un travailleur agricole par 8,7 hectares de terre mise en culture. Ainsi, les conclusions qu’il est permis de tirer de ces comparaisons entre les pays voisins du nôtre vont exactement à l’inverse de celles relatées dans le rapport RUEFF. Si la France voulait cultiver ses terres avec le même degré d’intensité que la Belgique, les Pays-Bas ou la République fédérale allemande, loin d’envisager une diminution de la population rurale, il faudrait au contraire la doubler pour retrouver les coefficients présentés par la Belgique, les Pays-Bas et la République fédérale allemande " » .
Arch. APCA, Structures "2 UTH", 1. Délibération et partie des réponses aux chambres d’agriculture, dépouillées, [1961-1962], Idées positives ou discussions intéressantes, rapport de la chambre d’agriculture du Vienne, Enquête sur les structures agricoles, 16 novembre 1960, 3 p.
Il s’agit selon toute vraisemblance de Daniel Faucher, professeur de géographie, fondateur, en 1929, de la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, doyen de la Faculté des lettres de Toulouse de 1946 à son départ à la retraite en 1952. Louis PAPY, « Nécrologie : Daniel Faucher », dans Annales de Géographie, 1971, volume 80, n° 440, pp. 385-396.
Arch. APCA, Enquête "APPCA" Population-Superficie, 1961, Dossier Moreau : "Services et organismes susceptibles d’apporter une aide technique aux études préalables à la détermination de la superficie des exploitations à deux unités de main-d’œuvre".
Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, bordereau du 13 juillet 1961.
Chambres d’agriculture, n° 227, 1er septembre 1961.
Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, circulaire de René Blondelle, président de l’APPCA aux présidents des chambres d’agriculture, le 4 décembre 1961.
Arch. APCA, Structures "2 UTH", 2. Délibération et partie des réponses aux chambres d’agriculture, dépouillées, [1961-1962], rapport de la chambre d’agriculture du Vienne, « La surface cultivable techniquement par deux unités de travail (Note sur une méthode de calcul) », 18 novembre 1961, 11 p.
« Le principe du calcul est très simple : on affecte à la structure actuelle des productions (représentée par les surfaces exploitées et les effectifs animaux) des temps de travail annuels production par production. Il suffit ensuite de diviser la surface totale exploitée par le nombre d’heures ainsi nécessaires et de multiplier par le nombre d’heures annuelles de travail de deux unités de travail (4800 ou 5200 heures) pour obtenir la surface cultivable par ces deux UT ». Arch. APCA, Circulaires, juillet 1961-décembre 1961, circulaire de René Blondelle, président de l’APPCA aux présidents des chambres d’agriculture, le 4 décembre 1961.
Pour le Robert, une personne-ressource est un spécialiste d’un domaine, que l’on consulte.
http://www.blogbilger.com/esm/professeurdeliberte.pdf
Jean GABILLARD, La fin de l’inflation, Paris, Société d’édition d’enseignement supérieur, 1952, XXXVI-359 p. (Préface de Daniel Villey).
ANMER, Les perspectives et les conditions de l’établissement à la terre dans le département de la Vienne, [Poitiers], Institut d’économie régionale de Poitiers/Centre de comptabilité et d’économie rurale de Poitiers, [1963], XIX-63 p. (Préface du Professeur Gabillard). p. B : « Le Département de la Vienne, et c’est notre chance, a été choisi comme laboratoire pour mettre au point des méthodes qui seront ensuite appliquées aux autres Départements d’accueil. C’est pourquoi il nous a été donné de participer à l’élaboration des méthodes employées et que l’on nous fait l’honneur d’avoir à présenter ici ces recherches » .
Arch. APCA, Structures "2 UTH", 1. Délibération et partie des réponses aux chambres d’agriculture, dépouillées, [1961-1962]., Idées positives ou discussions intéressantes, rapport de la chambre d’agriculture du Somme, lettre d’Augustin de Villeneuve, président de la chambre d’agriculture de la Somme, à René Blondelle, président de l’APPCA, le 20 mars 1962.
Arch. APCA, Structures "2 UTH", 2. Délibération et partie des réponses aux chambres d’agriculture, dépouillées, [1961-1962], rapport de la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, Note relative à la superficie mise en valeur directement par deux unités de main-d’oeuvre, 12 mai 1962, 8 p.
Arch. APCA, Comité Permanent Général, mars 1962 à juillet 1962. Procès-verbal de la réunion du 28 mai 1962.
En février 1962, Raymond Moreau écrit à François Houillier la lettre suivante : « Les évaluations de Monsieur Gabillard se fondent sur les temps de travail nécessaire pour assurer les cultures et entretenir le bétail (normes). La note précité souligne l’insuffisance de nos connaissances dans ce domaine et l’imprécision des calculs qui en est la conséquence. En fait, nos connaissances sur les temps de travaux ne sont pas si mauvaises mais, par contre, nos connaissances sur le nombre de jours disponibles pour leur exécution sont médiocres et ceci rend difficile une étude scientifique du problème. Il est, par contre, très facile d’opérer une confrontation entre les normes retenues et la réalité locale, en analysant un échantillon convenable d’exploitations bien gérées et en rapprochant le travail nécessaire sur ces exploitations (évalué à partir de ces normes) et le travail disponible (et s’il est possible avec le travail effectivement effectué sur ces exploitations). Le rapport ainsi obtenu apporte un coefficient de correction qui peut modifier considérablement le résultat des évaluations. Les évaluations de Monsieur Gabillard ne confrontent pas - au niveau des exploitations - les normes de travail adoptées et les réalités régionales. Elles ne peuvent, de ce fait, être retenues ». Arch. APCA, CNCER [carton coté "CNRS"], 1954-mars 1962, note sur l’étude de M. Gabillard : la surface cultivable technique par 2 UTH, de Raymond Moreau, directeur du CNCER, à François Houillier, le 5 février 1962.