A. Une autre lecture possible des élections de 1964 ?

Car enfin, pourquoi briguer un mandat à la chambre d’agriculture ? Chercher dans les résultats un reflet fidèle des rapports de force entre les différentes OPA serait affirmer que les candidatures n’ont d’autre but que d’asseoir l’influence de tel groupement, nier la possibilité de relations plus complexes entre organisations au niveau départemental et enfin passer rapidement sur l’épineux problème des appartenances enchevêtrées. Dans l’entre-deux-guerres, être candidat à un mandat consulaire, est-ce affirmer son désir de collaborer avec les pouvoirs publics, y compris et surtout avec leurs représentants parlementaires ? Quand les chambres d’agriculture deviennent, et ce progressivement au cours des années 1950 et 1960, le lieu de coordination des actions de vulgarisation et de développement, ne présentent-elles pas un attrait tout nouveau pour les responsables professionnels porteurs de desseins dans ce domaine ? Enfin, avec la régionalisation et l’essor d’une vision plus portée sur l’économie et l’aménagement du territoire, dans les décennies suivantes, les chambres d’agriculture et leur assemblée permanente n’attirent-elles pas d’autres types de dirigeants, confirmés ou en devenir ? Où en est-on en 1964 et en quoi ces élections sont-elles décisives pour l’avenir des chambres d’agriculture et de l’APPCA ?

Journalistes et chercheurs en sciences sociales jugent habituellement de l’influence et de la représentativité de telle ou telle organisation professionnelle agricole à l’aune des résultats obtenus par les listes de celle-ci aux élections aux chambres d’agriculture 3979. Au point qu’il est extrêmement rare que ces mêmes élections soient observées pour elles-mêmes. D’une part, les résultats sont la plupart du temps interprétés sans tenir compte des multiples modifications du régime électoral survenues depuis la création des chambres en 1924. D’autre part, l’éventualité que ces consultations électorales reflètent, outre la ventilation des suffrages entre les différentes organisations, l’évolution du rôle des organismes consulaires départementaux et de leur assemblée permanente, est la plupart du temps négligée. L’étude de Paul M. Bouju évite certaines de ces ornières, mais pas toutes. Ses apports sont loin d’être négligeables. Ils peuvent être critiqués ou complétés, ou simplement questionnés autrement 3980.

Notes
3979.

Voir pour exemple : Violette REY et Béatrice VELARD, « Un quart de siècle de géographie électorale aux Chambres d’Agriculture », dans Bertrand HERVIEU [dir.], Les agriculteurs français aux urnes, Paris, Éditions l’Harmattan, 1992, 409 p., pp. 379-399 ; Pierre LENORMAND, « Géographie des élections aux Chambres d’agriculture de la Drôme et de l’Ardèche (1974-1989), Enjeux politiques et territoires », dans Bertrand HERVIEU [dir.], Les agriculteurs français aux urnes, Paris, Éditions l’Harmattan, 1992, 409 p., pp. 309-329 ; François CLERC, « Les élections de 1989 aux Chambres d’agriculture », dans Bertrand HERVIEU [dir.], Les agriculteurs français aux urnes, Paris, Éditions l’Harmattan, 1992, 409 p., pp. 365-379 ; Jean MAGIMEL, « Élections aux chambres d’agriculture. Les leçons d’un scrutin », dans Paysans, n° 230, mars-avril 1995, pp. 5-18 ; Didier MINOT, « Les élections aux Chambres d’agriculture de 1983 », dans Isabel BOUSSARD et Bernard WOLFER [dir.], Représentation politique et sociologique du monde agricole et rural français, Actes de la session de la Société française d’économie rurale, 22-23 mai 1996, INA-Grignon.­– Economie rurale : bulletin de la Société française d’économie rurale, n° 237, janvier-février 1997, pp. 27-29 ; Roger LE GUEN, « Les élections aux Chambres départementales d’agriculture du 31 janvier 1995 », dans Isabel BOUSSARD et Bernard WOLFER [dir.], Représentation politique et sociologique du monde agricole et rural français ouvrage cité, pp. 30-37 ; Éric DUBOIS, François FACCHINI, Martial FOUCAULT et Abel FRANÇOIS, « Un modèle explicatif du vote FNSEA aux élections des chambres d’agriculture départementales (1995-2001) », dans Le syndicalisme agricole. –Économie rurale. Agriculture-Alimentations-Territoires, n° 312, juillet-août 2009, pp. 32-50 ; Jean-Philippe MARTIN, « La percée de la Confédération paysanne aux élections aux chambres d’agriculture. Une progression nationale au crible de l’histoire de deux équipes départementales (Finistère et Bouches-du-Rhône, 1983-2001) », dans Céline BESSIÈRE, Éric DOIDY, Olivier JACQUET, Gilles LAFERTÉ, Julian MISCHI, Nicolas RENAHY et Yannick SENCÉBÉ [dir.], Les mondes ruraux à l’épreuve des sciences sociales. Actes du colloque, Dijon, 17-19 mai 2006, Paris, Jouve, 2007, pp. 221-237.

3980.

Notamment grâce aux résultats d’élections conservés à l’APCA – Arch. APCA, Élections 1964 –, au centre des archives contemporaines de Fontainebleau – CAC, 850070, 6 CA 3-5. Élections de 1964. Mais également aux fiches qui ont servi de base à l’élaboration de l’annuaire des chambres d’agriculture publié en 1965 – Arch. APCA, Élections 1964, [9 cartons, fichiers classés par départements] – et à ce même annuaire – Annuaire APCA 1964.