B. Nouveaux rôles…

Un rapide regard porté sur les quelques années écoulées de la Libération à la fin des années 1960 ⁴²⁴⁶ suffit à mettre en évidence la formidable mutation du rôle de l’institution. La focalisation sur les réalisations les plus visibles et les plus lourdes financièrement nuit cependant à l’appréhension globale de l’identité nouvelle de l’APPCA. Comment s’est effectuée la passation de pouvoir entre l’État et les chambres d’agriculture, dans le vaste domaine de ce qui devient, au cours des années 1960, le « développement » ? Quelle(s) direction(s) prend le corollaire de cette action, la formation des conseillers agricoles ? Comment les autres actions continuent-elles de s’organiser dans l’ombre des premières, dans le sinueux fil d’une structuration institutionnelle toujours en cours ? Quel rôle joue l’APPCA dans le processus de péréquation mis en place entre les chambres d’agriculture ? En 1970, que reste-t-il des premières missions légales – de leur première raison d’être – des chambres d’agriculture et de l’APPCA ? Que reste-t-il du moteur de la « résurrection » des chambres d’agriculture dans l’après-guerre : la sauvegarde d’un espace institutionnel dévolu aux exclus de la CGA, aux non-exploitants et aux contempteurs du communisme, au prix d’un compromis avec les organisations professionnelles agricoles officielles continuellement renégocié ?

En plus des habituels procès-verbaux de sessions, lettres et publications, plusieurs sources permettent d’appréhender les évolutions des années 1960 à 1970. Au niveau de l’APPCA, les rapports sur l’activité des services continuent d’être rédigés chaque année, et sont de plus en plus fournis. À l’échelle des chambres d’agriculture, deux enquêtes ont été réalisées à l’initiative de l’APPCA : l’enquête dite « 63.1 » intitulée « réalisations des chambres d’agriculture » ⁴²⁴⁷ est datée d’août-septembre 1963 et donne un aperçu des activités des 45 chambres d’agriculture dont la réponse a été analysée ; la seconde, dite « 69.4 » porte sur l’« activité des chambres d’agriculture : bilan 1964-1970 » ⁴²⁴⁸. Outre que ces deux enquêtes complètent avantageusement les indications laconiques données dans les annuaires des chambres d’agriculture publiés en 1965 et 1971, leur seule existence nous renseigne sur la volonté de l’APPCA de connaître l’étendue et la nature de l’action des chambres d’agriculture, sans toujours annoncer qu’il s’agit de mieux ajuster et orienter son rôle de coordinatrice des actions locales. En 1969, Christiane Mora, jeune étudiante accueillie à la bibliothèque de l’APCA entre 1965 et 1967 pour la préparation de sa thèse de troisième cycle sur les chambres d’agriculture et l’APCA dans l’entre-deux-guerres ⁴²⁴⁹, est chargée pour dépouiller l’enquête 69.4. Comme au lendemain des élections de 1964, l’APPCA est en quête d’une forme de caution universitaire.