Document 3 : Extrait de l’entretien avec Gilbert Delaunay, directeur honoraire de la chambre d’agriculture de la Savoie, mardi 25 mars 2003.

[À propos de Pierre Millon, président de la chambre d’agriculture de la Savoie de 1952 à 1959, puis de Lucien Biset, son successeur resté en fonctions jusqu’en 1979]

« Voilà, [Pierre Millon] avec lequel je m’entendais très bien, et j’allais dire qui aurait peut-être eu qu’un défaut c’est que il me laissait une bride sur le cou, peut-être même un peu, mais enfin y avait aucun problème, je pouvais moi lui reprocher plutôt de ne pas s’investir assez, mais enfin il avait des excuses il a été très malade il est mort assez rapidement. Puis ensuite, j’ai eu comme président Lucien Biset qui était déjà un ténor au niveau national, un leader national puisque même pendant la guerre, il était déjà, à vingt et quelques années, président des producteurs de lait, hein voilà, et c’est lui donc qui a pris la présidence de la chambre d’agriculture, à l’époque il paraît, on l’a su peu de temps après qu’il y en a qui disaient quel est celui qui va croquer l’autre parce que c’est deux tempéraments qui vont pas pouvoir s’entendre, bon… Moi-même, je dois le dire, quand je l’ai vu arriver à la présidence de la chambre, sachant son tempérament je me suis dit comment ça va se passer. Euh, bon, ben, on s’est dosés [sic] pendant quelques semaines et puis chacun avait trouvé sa place, et moi je me suis félicité ensuite d’avoir un président sur lequel je pouvais compter pour toutes les grandes choses, que je voyais rarement parce qu’il était à Paris pratiquement toute la semaine et c’était le samedi qu’il était là et qu’il me disait bon alors où est-ce qu’on en est etc. des fois une demi-heure pas plus bon, des fois un peu plus, mais sur lequel je pouvais compter parce que quand on discutait fondamentalement on savait où on allait, quand il y avait un problème qui me paraissait être du ressort du président pour ce qui concernait la discussion je savais que je pouvais lui dire et qu’il s’en chargeait, et même des fois je me souviens, faut aller voir le préfet, et en montant voir le préfet je lui disais bon enfin pas trop quand même parce que quand il partait c’était un ténor ! il craignait personne quoi, bon, mais pour ce qui est de la gestion, j’avais une autonomie totale, voyez, avec les avantages et les inconvénients, une fois j’ai du dire :

— "bon ben y a un tel conseiller agricole ça va pas, faut le licencier"

il m’a dit : — "stop, tu l’as embauché ?"

— "oui"

— "Et bien c’est toi qui le licencies"

Et puis c’est tout quoi, bon, donc je me mêle pas de ça quoi. Donc j’ai eu moi une, et ça pendant vingt ans, une situation que je pense exceptionnellement favorable, et qui n’a pas été celle de toutes les chambres où il y a eu parfois cette rivalité, enfin cette difficulté à se saisir à se situer entre un président qui se voulait PDG, alors qu’ils ne sont pas PDG, et un directeur qui du coup savait plus très bien ce qu’il faisait, un président qui des fois avait un conseiller et c’était pas le directeur, enfin voyez, donc les situations, ont été et sont encore très différentes selon les départements selon les personnes, mais ceci étant, les chambres étant devenues ce qu’elles sont devenues, à mon avis elles ont perdu énormément de leur importance : nous quand on a, les jeunes qui ont démarré, j’ai pas été le seul à venir aux chambres d’agriculture par cette voie du conseil agricole y eu un certain nombre de directeurs qui sont venus par cette voie-là, mon collègue de la Somme, Jean-Pierre Réal, qui était aussi mon collègue de Toulouse, et puis d’autre, ici, Roy dans l’Is.., dans le Jura etc. on est venu par cette voie-là, bon, euh, donc on est arrivés jeunes dans une maison qu’on avait l’impression qu’on contribuait à créer [sic] »