« L'Assemblée Permanente des Présidents des Chambres d'Agriculture réunie à Paris, 11 bis, rue Scribe, en sa première session ordinaire pour l'année 1962, les 29 et 30 mai 1962.
Délibérant conformément aux dispositions législatives et réglementaires,
Considérant le titre III de la loi d’orientation agricole intitulé « Aménagement foncier » et le titre IV intitulé « Mise en valeur du sol »,
Considérant le titre 1er de la loi et notamment les articles 1er, 2, 7 et 8,
Considérant la lettre du 31 juillet 1961 et de M. le Ministre de l’Agriculture demandant aux Chambres Départementales d’Agriculture de procéder aux études préalables concernant l’application des articles 7 et 8,
Considérant la réponse adressée par M. Blondelle, Président de l’Assemblée Permanente, le 22 septembre 1961,
Considérant l’enquête sur la « Superficie des exploitations à deux unités de main-d’œuvre » demandée par l’Assemblée Permanente aux Chambres départementales d’Agriculture par lettre du 20 septembre 1961 et les résultats de cette enquête,
Considérant les conclusions de l’enquête « Structures » n° 2 de l’Assemblée Permanente auprès des Chambres départementales d’Agriculture du 1er août 1961,
Considérant les conclusions générales récentes du mémorandum remis par l’Assemblée Permanente des Présidents des Chambres d’Agriculture au Ministre de l’Agriculture le 6 avril dernier, et les enquêtes remises pour les organisations professionnelles adhérentes à la CGA par le canal de cette dernière à M. le Ministre de l’Agriculture.
I. En ce qui concerne l’évolution de la population agricole :
Comme le révélait déjà le recensement général de l’agriculture effectué par l’INSEE pour la France entière en 1955 et comme le confirment les premiers résultats du dépouillement de l’enquête « Démographie) (partie de l’enquête « Structures ») des Chambres d’Agriculture.
ESTIME :
1°. Que le vieillissement de la population agricole implique des mesures urgentes 4577, permettant à la fois aux agriculteurs âgés de se retirer avec la garantie que leurs vieux jours seront assurés et aux jeunes de se maintenir ; le renouvellement normal de cette population agricole âgée posant donc, dès aujourd’hui, un certain nombre de problèmes très graves et modifiant d’une façon déterminante l’éclairage du problème des structures 4578.
2°. Que la diminution moyenne annuelle future en personnes actives de la population agricole, estimée à 80 000 personnes par an, alors que durant ces dernières années elle a été de l’ordre de 128 000, aggravera considérablement une situation déjà difficile dans de nombreux départements tout en exigeant le reclassement professionnel de beaucoup d’agriculteurs, comme l’Assemblée Permanente l’avait prévu, dès 1960 4579.
3°. Que, contrairement à une opinion commune, le problème de l’optimum de population se pose à la fois en termes de prospective et de rétrospective ; il ne s’agit pas de savoir in abstracto quels seraient les effectifs souhaitables des agriculteurs dans l’agriculture française dans la période 1961-1965. Mais, étant donnés les faits exposés ci-dessus, il semble bien certain que le fait : « exode rural » s’étant produit, d’une façon continue et globalement, le chiffre optimum de la population agricole auquel on paraît se référer est déjà atteint sous la forme de « chiffre minimum » de la population agricole ce qui aboutit en fait à exiger des familles paysannes qui restent, un plus grand nombre d’heures de travail et qui conduit dans beaucoup de régions à l’abandon total des terres 4580.
4°. Qu’il n’y a pas de lien direct et automatique entre le problème des structures et l’évolution de la population agricole active qui est aussi déterminée par de nombreux autres facteurs, à savoir : disparité sociale et économique, conditions de travail et de vie, niveau des prix, etc.
II. En ce qui concerne l’application des articles 7 et 8 de la loi d’orientation agricole :
L’Assemblée Permanente des Présidents des Chambres d’Agriculture CONSIDÈRE :
1°. Que la question fondamentale dans la définition des exploitations prévues à l’article 7 de la loi d’orientation est celle de la capacité de travail de l’unité de main-d’œuvre 4581 dans une optique de parité sociale, notamment quant à la durée et à la pénibilité du travail.
2°. Que, les conditions prévues par l’article 7 de la loi ne constituant que des objectifs à atteindre, toute étude de critères demeurera théorique et relative tant que le Gouvernement n’aura pas fait connaître :
a) à quel niveau il tend à fixer les termes de l’échange (prix reçus par les agriculteurs pour leurs produits et prix payés par eux pour leurs moyens de production) évalué comme le veut l’article 6 de la loi en référence avec la campagne 1947-1948.
b) la nature, le volume et les conditions de l’aide financière que l’Etat est disposé, en application de l’article 8 de la loi, à accorder en priorité à certaines catégories d’exploitants pour les aider et leur permettre de se rapprocher rapidement des conditions optimales résultats des études prévues à l’article 7 4582.
3°. Qu’il est absolument nécessaires que ces recherches, tant celles des Chambres d’Agriculture au stade des études préalables, que celles entreprises par les commission de structures créées au Journal Officiel du 3 mai et qui ne peuvent aboutir qu’à des approches indicatives pour l’orientation d’une politique des structures, s’effectuent bien comme le veut la loi au stade des petites régions agricoles naturelles, selon les types d’exploitations et les natures de cultures.
4°. Qu’il faut donc considérer la surface et l’agrandissement de la surface comme un élément important mais non pas comme le seul élément ou le plus déterminant pour fixer la viabilité d’une exploitation, la capacité de direction et de gestion de l’exploitant, les moyens mis en œuvre et notamment l’importance du capital d’exploitation, unis au sein de l’exploitation selon des rapports variables, étant aussi primordiaux pour un grand nombre de spéculations.
5°. Comme le veut la loi, à la suite du souhait unanime tant des Chambres d’Agriculture que des organisations professionnelles agricoles, que soit maintenue la forme d’exploitation qu’est l’exploitation familiale, le travail de direction, les capitaux fonciers et d’exploitation recevant, dans un but de parité, une rémunération convenable pour que cette forme d’exploitation conserve la place prépondérante qui est la sienne à l’heure actuelle parmi les exploitations agricoles françaises.
III. En ce qui concerne l’aménagement foncier :
RAPPELLE les délibérations du Comité Permanente Général du 10 janvier 1961 et du 3 octobre 1961 en ce qui concerne les SAFER et l’institution d’un droit de préemption en faveur de ces sociétés.
ESTIME à nouveau que le rôle des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural doit être de servir les agriculteurs et d’améliorer les moyens d’existence des exploitations agricoles en général et plus particulièrement des exploitations familiales déficientes en leurs structures propres.
CONSIDERE à nouveau qu’une politique plus suivie tant des échanges amiables que du remembrement devrait compléter cette action, le rythme du remembrement devant, suivant le projet du IVe Plan, passer de 500 000 hectares par an à plus de 600 000 hectares.
CONSIDERE qu’un effort accru devrait être entrepris en ce qui concerne les 700 000 kilomètres de chemins ruraux dont la moitié est à remettre complètement en état, voire à recréer, ainsi que dans le domaine de l’hydraulique qui devrait bénéficier d’un effort plus importante.
INSISTE à nouveau sur la nécessité d’une restauration de l’habitat rural, l’agriculteur vivant et travaillant dans des bâtiments dont l’âge moyen dépasse le plus souvent le siècle.
RAPPELLE les avis que le Comité a rendus en ce qui concerne l’article 14 de la loi d’orientation concernant les sociétés civiles d’exploitation agricole et les groupements de propriétaires, en souhaitant que ces groupements n’empruntent pas des formes juridiques trop rigides, susceptibles d’éloigner d’eux les agriculteurs, ainsi que la nécessité de donner un cadre juridique et fiscal à l’entraide dans l’agriculture ; la difficulté étant de concilier le nécessaire libéralisme des formes juridiques et fiscales à donner à tel cadre et le but du statut qui est de développer la solidarité entre les agriculteurs.
A PRIS ACTE avec satisfaction de la dernière loi successorale n° 61.1378 du 19 décembre 1961 qui contribuera certainement au maintien, dans toute la mesure du possible, de l’unité de l’exploitation agricole, sans pour autant que ce problème (si complexe de droit civil) de l’héritage, conjugué à celui (non moins complexe de politique économique) du maintien nécessaire de l’unité d’exploitation, soit complètement et favorablement résolu 4583.
EMET donc le VŒU, EN MATIERE DE POLITIQUE FONCIERE :
1°. Que soit créée une véritable commission des structures qui regrouperait les différents pouvoirs impartis à l’heure actuelle, en matière foncière, à de nombreuses autres commissions.
2°. Que la politique foncière de l’Etat, dont les buts ont été définis dans la loi d’orientation à l’article 13 qui est devenu depuis l’article 1er du Titre 1er du Code Rural, soit convenablement coordonnée, tant en matière agricole que dans les rapports de l’agriculture avec les autres secteurs (problème de la spéculation foncière, zones à urbaniser d’urgence, zones à aménagement différé, sauvegarde des terrains à vocation agricole, etc.).
3°. Que le type d’exploitation qu’est l’exploitation familiale soit placé dans des conditions économiques et sociales qui lui assurent les possibilités de se maintenir et de se développer ; si une telle forme d’exploitation quand elle est saine techniquement, ne permettait pas d’assurer à la famille un revenu suffisant dans les conditions économiques et sociales actuelles, que ce soit ces conditions mauvaises qui devaient être modifiées et non pas la structure même de l’exploitation, faute de quoi, on s’installera juridiquement, économiquement et socialement dans un état d’ins[t]abilité permanente.
4°. Que les études résultant des articles 7 et 8 de la loi d’orientation n’aient pas pour but, étant donné leurs résultats montrant la diversité des types d’exploitation selon les régions et les productions, de niveler toutes les exploitations agricoles françaises sur un même type, ce type d’exploitation se trouvant d’ailleurs très vite constituer [sic] du fait des conditions du progrès en économique un non sens économique et sur le plan social, un cadre beaucoup trop rigide qui, ne correspondant pas à la réalité, ne ferait que scléroser une promotion sociale aussi naturelle qu’indispensable.
5°. Que ce problème des structures foncières agricoles (évolution de la population, exploitations familiales, aménagement foncier et infrastructures rurale) constitue un tout indissociable en matière de politique foncière et s’intègre dans la politique agricole et dans la politique économique et sociale qui, comme le prescrit l’article 1er de la loi d’orientation, a pour objectif la recherche permanente de la parité.
6°. Qu’une aide accrue soit dégagée au profit des syndicats des migrations rurales afin que les terres abandonnées ayant une valeur économique, soient mises en culture, compte tenu des incidences du traité de Rome en priorité par les agriculteurs français (tant de la Métropole que de l’Algérie).
DEMANDE à ses représentants au sein des Commissions départementales de structures, telles qu’elles viennent d’être créées par les Pouvoirs Publics, de défendre ces positions et :
1°. Notamment qu’ils se bornent bien, comme le souhaitent l’Assemblée et la majorité des Chambres, — à partir de la notion de la capacité de travail dans le cadre de conditions techniques normales, à fixer (sur la base de 2 400 heures pour une unité de main-d’œuvre) la superficie de l’exploitation à 2 UTH, tant que demeurent non connus :
- le niveau des termes de l’échange à déterminer par le Gouvernement ;
- la nature, le volume et les conditions de l’aide financière à fixer par l’Etat en application des articles 6 et 8 de la loi d’orientation agricole.
2°. Qu’ils refusent à ce que ces études résultant de l’article 7 de la loi d’orientation constituent une entreprise de liquidation de certaines petites entreprises agricoles à une unité de main-d’œuvre ou plus qui semblent parfaitement viables et de nivellement des exploitations agricoles françaises à partir d’une définition théorique qui n’aurait aucune démonstration scientifique et aucune correspondance dans la réalité.
Délibéré par l’Assemblée Permanente des Présidents des Chambres d’Agriculture, au cours de sa première session ordinaire pour l’année 1962, les 29 et 30 mai 1962,
Certifié exact,
Le Secrétaire, Le Président,
Henri CHATRAS René BLONDELLE
Source : « Délibération sur la politique foncière », dans Chambres d’Agriculture, 33e année, supplément au n° 247-248, 1er-15 juillet 1962, pp. 8-11.
L’âge de la population agricole active par tranches de dix années est le suivant pour l’ensemble de la France :
moins de 34 ans : 11,8 %
35 à 44 ans : 15,1 %
45 à 54 ans : 29,5 %
soit au total, pour les deux dernières catégories : 44,6 %
55 à 65 ans : 23,2 %
plus de 65 ans : 21,7%
soit au total, pour les deux dernières catégories : 44,9 %
Sur 32 réponses à l’heure actuelle, 8 départements envisagent que le remplacement de la génération âgée pourra se faire dans des conditions moyennes ; dans 11 départements, il ne sera assuré qu’à 50 % compte tenu d’un apport supplémentaire de main-d’œuvre par l’immigration de départements pauvres, de pays étrangers ou par des rapatriés d’Afrique du Nord ; dans 5 départements au moins ce remplacement se fera dans des conditions catastrophiques et à très brève échéance.
Propositions en vue d’une loi verte (février 1960) :
- création d’un Fonds de reclassement.
Enquête de l’INSEE (décembre 1961) sur l’évolution de la population active. Une étude annuelle de l’INSEE montre dans l’évolution des groupes sociaux, la diminution du nombre des ménages des exploitants et salariés agricoles. Variations par rapport à 1954 : 13 % - 18 % pour les salariés.
2 400 heures de travail correspondant à une semaine de 48 heures pendant 50 semaines de l’année.
Avis de la Section Agricole du Conseil Economique et Social sur le projet du IVe Plan (novembre 1961)
Lettre de M. le Ministre des Finances du 25 avril 1962 adressée au Président Blondelle concernant l’exonération des droits de soulte édictée par l’article 710 du Code Général des Impôts.