Document 5 : Lettre du préfet de l’Aveyron, mai 1964.

« A la suite du renouvellement des membres de la Chambre d'Agriculture, l'élection du bureau a eu lieu le 2 mai.

M. Henry Magne a été réélu Président, MM. Jaudon, Bruel et Singla, vice-présidents. Dans mon dernier rapport n° 731/Cab du 6 mars 1964, j'indiquais que le renouvellement de la chambre d'agriculture se plaçait sous le signe du rajeunissement. La présence au bureau, en qualité de secrétaires adjoints, postes nouvellement créés, de l'ancien président national de la JAC, de l'actuel président du CDJA et du président départemental du syndicat des ouvriers agricoles, tous trois jeunes agriculteurs, confirme cette tendance.

Mais cette dernière élection, la durée du vote (2 heures) et le secret qui l'a entouré en témoignent, a abouti à un compromis difficile qui n'est de toute façon qu'une solution d'attente. Le Premier vice-président, Maire MRP modéré d'une petite commune du département, est le bénéficiaire d'une lutte d'influence qui n'oppose pas simplement les dirigeants du syndicalisme agricole aux tenants d'une tendance plus traditionaliste.

Au cours de cette élection du 2 mai, M. Bruel a subi, en effet, une sorte de camouflet de la part de certains de ses amis. Le Secrétaire général de la FNSEA qui ne verra probablement pas son mandat renouvelé dans deux ans, souhaitait être élu président de la Chambre d'Agriculture. Devant une opposition qui regroupait non seulement ses adversaires habituels, tenants de la droite classique, mais aussi certains de ses amis parmi les jeunes agriculteurs et la tendance progressiste des milieux agricoles, il s'était rallié à la candidature Jaudon.

Mais M. Magne, alors que l'on s'acheminait vers cette solution, fit une longue intervention pour rappeler à l'assemblée qu'elle était en train de "vendre la peau" d'un président qui n'avait pas renoncé et méritait quelques égards de par ses références au service de la Chambre d'Agriculture du département. Sur les conseils du Sénateur Laurens on a abouti à un compromis. Le président Magne serait réélu en s'engageant à démissionner au bout d'un an. Une clause de la résolution votée par la Chambre d'Agriculture prévoyait qu'il serait alors remplacé dans la plénitude de ses attributions par M. Jaudon.

Au fond ce compromis est un double échec pour M. Bruel qui n'a pu ni se faire élire ni imposer son candidat. Il faut y voir avant tout le résultat d'une lutte personnelle très vive dans un département où les leaders syndicalistes agricoles jouent un grand rôle.

Les jeunes agriculteurs en particulier, groupés autour de l'actuel vice-président national de la Mutualité Sociale agricole, ont finalement favorisé la réélection d'une personnalité qui, par son âge ou les milieux traditionalistes qu'elle représente, apparaît ainsi doublement comme un élu de transition. L'influence du Secrétaire Général de la FNSEA reste quand même considérable, mais parmi les dirigeants et syndicalistes agricoles de ce département, sa position est de plus en plus un compromis entre la droite réactionnaire et la tendance "progressiste".

À la Chambre d'Agriculture, le temps travaille pour les représentants de la jeune profession agricole. Ces derniers ont su faire preuve de modération en ne revendiquant pas tout en même temps, mais ils influencent en fait de plus en plus une Assemblée qui restait il y a peu de temps encore un bastion de la droite classique. »

Source : Arch. nat., F1cII 489 : Élection des Chambres d'Agriculture. Landes à Yonne (plus résultats). Ain à Vosges, 1964, lettre du préfet de l'Aveyron au ministre de l’Intérieur et de l’Agriculture, le 8 mai 1964.

Carte 8 : Présence des responsables « jeunes agriculteurs » dans les chambres d’agriculture en 1964
Carte 8 : Présence des responsables « jeunes agriculteurs » dans les chambres d’agriculture en 1964