1.1.2. La perception et l’action

La théorie de Gibson met l’accent sur l’apport direct de l’action dans le processus perceptif. Connu pour ses prises de positions tranchées, Gibson est en opposition avec une conception plus traditionnelle, qui considère que les organes récepteurs sont passivement stimulés par l’environnement (Cutting, 1982). Il a introduit la notion de systèmes perceptifs actifs (perceptual systems). Un exemple édifiant est celui du toucher dynamique (dynamic touch)mis en évidence par Turvey (1996, cité par Luyat & Regia-Corte, 2009). Turvey (op. cit.) montre que le fait de balancer activement un objet tenu dans la main, ceci sans le recours à la vision, informe non seulement sur la masse de l’objet, mais également sur des propriétés telles que la longueur ou la forme. Ce n’est alors pas l’exploration haptique par les doigts de la main qui permet de percevoir longueur et forme, mais les dynamiques complexes du mouvement. La perception de l’environnement ne serait donc pas uniquement fonction des stimuli sensoriels offerts par l’environnement, mais également fonction de l’individu et de son rapport à l’environnement. Nous retrouvons cette conception chez Lévy-Leboyer (1980) pour qui « la perception est un processus actif dans lequel l’individu tout entier est impliqué : en percevant l’environnement, il le construit » (Lévy-Leboyer, op. cit., p.59).

Selon Gibson (1986), la perception est un processus émergeant du système animal-environnement. Elle permet l’extraction, par l’exploration motrice, d’informations sur notre environnement. Ce n’est donc pas un processus interne d’interprétation, d’inférence à partir de stimuli extérieurs. Une telle conception de la perception s’oppose à l’approche cognitiviste, où la perception est avant tout considérée comme le produit d’une construction mentale. Cette dernière considère la perception uniquement comme un processus cognitif interne, de déduction et d’inférence, fait à partir de connaissances du monde acquises par l’expérience (Delorme, 2003). La théorie de Gibson est restée fortement critiquée par les tenants de cette approche cognitiviste :

‘« En effet, pour ces derniers (Fodor & Pylyshyn, 1981 ; Jeannerod, 2002 ; Ullman, 1980), Gibson accorde, entre autres, trop d’importance à l’environnement et oublie les intentions du sujet et les processus cognitifs qui en découlent. La richesse de l’entrée visuelle n’est pas suffisante pour réfuter l’existence des représentations internes. » (Luyat & Regia-Corte, 2009, p.305).’

De notre point de vue, Gibson (op. cit.) ne réfute pas l’existence d’un mécanisme d’apprentissage par l’expérience, considérant la perception à la fois :

Figure 1 : Perception et actions sont insécables et sont sous-tendues par des mécanismes de type boucles sensori-motrices
Figure 1 : Perception et actions sont insécables et sont sous-tendues par des mécanismes de type boucles sensori-motrices